Beaumarchais, le barbier de Séville

 En 1770, Pierre-Augustin Caron de Beaumarchais connaît un important échec avec un drame intitulé «Les Deux Amis ou le Négociant de Lyon»; c'est un drame bourgeois et une pièce moralisatrice, exaltant les vertus de l'amitié, de la solidarité et de l'altruisme. Quelques années plus tard, il choisit d'emprunter les chemins de la comédie en écrivant «Le Barbier de Séville», première pièce d'une trilogie qui va marquer l'histoire du théâtre. Après une série de déboires et quelques modifications, la pièce jouée en 1775 à la Comédie-Française rencontre finalement le succès. Il faut cependant attendre 1784 pour que Figaro retrouve officiellement la scène grâce à «La Folle journée ou le Mariage de Figaro». Dans cette nouvelle comédie, à la façon de la commedia dell’arte,  Figaro, après avoir aidé le comte Almaviva à se marier, espère épouser Suzanne, la femme de chambre de la comtesse. C'est sans compter sur le comte qui n'est pas insensible aux charmes de la jeune femme. Commence alors une « folle journée » durant laquelle Figaro, loin de se contenter du rôle habituellement dévolu au valet, ne va cesser de jouer avec les codes de la société et du théâtre. «Il y a dans le personnage de Figaro un élément nouveau qui lui permet de se distinguer de la foule des autres valets de théâtre et qui en fait un type humain et non plus seulement une silhouette de comédie », écrit Annie Ubersfeld, historienne du théâtre,  dans son édition du Mariage de Figaro (Editions sociales, 1968).A travers, cette pièce de théâtre de la comédie de Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, est-ce que Figaro est un valet traditionnel de la comédie ?

    Pour y répondre, nous verrons en quoi le personnage de Figaro ressemble à d’autres valets de la commedia dell’arte, puis nous expliquerons les critiques de Figaro qui lui permet de se détacher du rang de valet et enfin nous parlerons des valeurs que Figaro défend comme un véritable homme.

    Figaro est l’héritier de toute une longue série de valet comme Scapin, de Molière ou encore Arlequin, de Marivaux issus servus latin.

    Tout  d’abord, nous trouvons chez Figaro des echos du picaro espagnol, sorte de voyou attachant, ne pouvant compter que sur son astuce pour se frayer un chemin dans la société. Le personnage du valet dans les comédies, est censé faire rire le public, grâce à sa force comique. En effet, par des exclamations vives «oooh ! Aïe de moi » (scène 16, acte 3), « tu ris, friponne. Ah ! »(acte 1 scène 1), Figaro est un personnage vivace. D’autre part, cette force des valets réside par le comique de geste comme le valet de Molière où le serviteur met des coups de bâtons à son maître, par le comique de caractère, il est fourbe, menteur, manipulateur dans l’acte II de la scène 3, où le personnage secondaire un peu idiot de Sganarelle qui est niais, naïf, peureux dans Dom Juan de Molière, et enfin par le comique de situation lors de quiproquos ou lorsque le valet est découvert par son maître à la fin de la scène du sac dans les Fourberies de Scapin. Nous constatons donc que le personnage de Figaro tient plus de Scapin de Sganarelle. En effet, comme Scapin, Figaro ne se laisse pas faire par son maître,  et défi même son maître. En effet, lors de la scène V de l’acte III, Figaro utilise sa ruse, pour se jouer de son maître et le trompé, comme le valet de Molière le fait dans la scène du sac. De plus, Scapin est le personnage éponyme de la pièce, et en devient donc le protagoniste principal. Il crée des intrigues et des farces dont lui-seul connaît le déroulement et la teneur d’un bout à l’autre ; dans le but de servir son maître Léandre certes, mais surtout de s’opposer à son autre maître, le père du premier : Argante. Ces farces lui permettent de s’affirmer, de montrer qu’il a une opinion et de dire ce qu’il pense. Nous retrouvons les mêmes idées dans la construction du personnage de Figaro. En effet, on peut qualifier ce dernier de personnage rusé et fourbe, dans le sens qu’il crée des farces, dont lui-aussi n’est que le seul à en connaître tous les tenants et aboutissants, même si elle n’a pas forcément lieu. Ainsi, à l’acte I scène 11, on le voit, avec Chérubin et Bazile, à qui il rappelle l’importance de la farce.  En effet leur relation avec leur maître sont les mêmes : ils essayent au début d’aider leur maître pour une histoire d’amour, puis après ils deviennent sois ennemis par la vengeance chez Scapin, soit pour protéger leur bien, Suzanne chez Figaro. Également, tout comme Scapin qui détourne son maître cupide et avare, Figaro détourne la tension résultante de la violence latente du comte par sa vivacité et sa drôlerie.

        Contrairement aux autres valets traditionnels de la comédie, Figaro n’est pas un personnage secondaire. Il est sans conteste le personnage principale, c’est de ceci que par l’intrigue.En premier lieu, le schéma actanciel est contraire. Scapin est le valet de Léandre et non pas du barbon Géronte. Figaro, lui, est le serviteur du comte Almaviva. De plus, le nom de l’œuvre porte son nom : Le Mariage de Figaro, et le place au centre de l’intrigue. Une autre différence peut être relevée : l’intrigue. Dans la pièce éponyme, Scapin ait appelé à l’aide par Octave et son maître afin de pouvoir vivre avec les femmes qu’ils aiment : Hyacinthe et Zerbinette. En effet, dans l’acte I scène 2, le fils d’Argante supplie le valet de l’aider en le flattant quelque peu. Figaro, lui, n’est pas extérieur au problème car l’intrigue se base sur son mariage à lui et pas celui de deux jeunes hommes qui ne peuvent épouser des roturières. C'est pourquoi nous réalisons facilement que les deux prises sont similaires sur de nombreux problèmes, car Figaro est en fait un émulateur Scapin. Cependant en termes de histoire, deux personnages se démarquent. En effet, le majordome de Molière doit revenir possible deux mariages qui sapent les fondements sociaux tout en Beaumarchais veut juste que son hymen soit possible, sans compter sur lui pour l'utiliser promis. Également, il a une très grande présence sur la scène de Figaro par rapport à Scapin, il est quasiment en permanence sur la scène et possédait le plus long monologue du théâtre jusqu’au XXème siècle à l’acte 5. De plus, il y a dans cette pièce une scène d’agitation, c’est-à-dire, une scène où le bébé disparu s’avère être fils ou fille de noble à la fin, arrangeant toute l'intrigue et justifiant le mariage des deux amoureux, exemple dans l’École des Femmes ou encore Marceline veut épouser Figaro parce que ce dernier a une dette à son égard. On apprend plus tard que finalement elle et Bartholo sont les parents de Figaro. Le mariage n’aura donc pas lieu. Mais ici, c’est Figaro lui même qui en est victime.  Également, par rapport aux autres valets de la comédie, il est directement concerné par les attaques de son maître, si Scapin aide en quelque sorte pour les autres, les jeunes couples menacé par l’aveuglement de son père, ici c’est le couple de Figaro qui est menacé par le Comte. De plus, chez Molière, les valets ne critiquent pas leur maîtres, en revanche chez Figaro, parle plus librement à son maître et le décrit comme « un homme assez ordinaire » dans le monologue du cinquième acte. Enfin, Figaro est en tel point un valet atypique qui veut s’émanciper, qu’il  désire  changer son statut de valet pour représenter une position plus haute dans la société et faire face au différente injustice qui lui son faite. Il préfère rester en sa position comme valet, qui n’est vraiment pas favorable, que de mettre en cause sa relation avec la femme de chambre de la comtesse, Suzanne. Mais il risque aussi d’être renvoyé du château d’Aguas Frescas car il se met dans le chemin de son maître. Figaro est alors par mérite le personnage principal car il se diffère fortement des autres valets. 

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