Question de lecture littéraire

CRISTOVAO

Estelle

M1

16D407 : L’espace littéraire 2 (parcours recherche)

Session 1

SUJET :

 Florence Dupont dans Aristote ou le vampire du théâtre occidental, paru en 2007, oppose théâtre & littérature : "Le théâtre n’a rien à voir avec la littérature, quoi qu’on fasse pour l’y réduire". Qu’en pensez-vous ? Vous illustrerez votre réflexion par des exemples précis tirés du cours et de votre expérience du théâtre (lectures & spectacles).

Les propos de Florence Dupont énoncent, au premier abord, une idée provocante pour des littéraires que nous sommes. Elle suggère que le théâtre ne serait qu’une performance d’acteurs puis de metteurs en scène sans qu’il n’y ait de relation avec ce que nous appelons la littérature. Or, le théâtre est à part entière un genre littéraire qui concilie littérature et spectacle. Chaque dramaturge a déjà pensé écrire une bonne pièce de théâtre en utilisant une expression littéraire adaptée pour ensuite la mettre en scène. Par ailleurs les textes non théâtraux sont hantés par le théâtre et possèdent une structure théâtrale. Nous retrouvons dès lors un paradoxe intéressant à soulever.

        Florence Dupont a raison sur un point, une pièce de théâtre est destinée à être jouée par des acteurs dans un temps imparti. Il est question alors de mise en scène, du corps de l’acteur où il va s’exprimer uniquement à travers les paroles de ses personnages et ne peut intervenir directement dans le dialogue. Les considérations littéraires dans certaines formes d’expression théâtrale apparaissent très secondaires voire inexistantes : c’est le cas des Précieuses ridicules de Molière qui sont pour la forme, une farce. Et ce genre recherche avant tout le rire et privilégie tout autant le mime que la parole. C’est d’ailleurs ce qu’évoquait Aristote : pour lui, l’imitation de l’homme créateur est à l’origine de l’art et tout art est foncièrement mimétique. Le théâtre donne à voir au spectateur l’homme en action. Cependant, ce qui est captivant dans Les Précieuses ridicules, ce n’est pas tant l’aspect de farce mais plutôt la satire qu’il y fait, d’une mode qui triomphe alors dans la société de l’aristocratie parisienne. A la première lecture de cette œuvre, j’ai été frappée par le caractère contrasté de la pièce. Les allusions les plus triviales avoisinent les pensées les plus érudites et élégantes. La préciosité est d’ailleurs un mouvement qui détermine l’être dans sa totalité : l’esprit au service du corps, la culture au service des mœurs. En effet, c’est de la préciosité que naît le concept de l’honnêteté, concept fondamental pour comprendre les structures de la littérature de cour ; c’est pourquoi la pièce est parcourue par tous les codes de bienséances qui est le fondement du comportement précieux : le paraître se confond avec l’être. Dans la représentation, nous remarquons que la littérature est bien présente par l’intermédiaire des personnages de Cathos et Magdelon qui éprouvent un impérieux désir de savoir. La culture est de plus le seul moyen pour les deux jeunes filles issues de la moyenne bourgeoisie d’exister dans la société et dans le monde qui les entoure. L’intrigue qui est centrée sur une tromperie, une ruse mentale puis un quiproquo sur les personnages, révèle toutes les ambiguïtés de la connaissance. Cette comédie confronte aussi bien les fictions que crée la littérature dans l’esprit de l’humain que le danger de vivre enfermé dans les romans. Les Précieuses ridicules évoque l’émancipation des femmes qui passe par les livres et donc la littérature. Mais le langage constitue un autre point d’ancrage pour aborder la pièce. En effet, les nombreuses périphrases, métaphores et images qui émaillent le dialogue tient à la fois du comique de mots et de situation qui doit être vu par le spectateur pour justement pouvoir en rire. Cet aspect permet dès lors d’approfondir la complémentarité entre texte et représentation qui est un élément essentiel du théâtre puisque le théâtre est par sa nature même un spectacle qui s’appuie sur un texte.

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