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Analyse linéaire - Gnathon La Bruyère Les Caractères

Commentaire de texte : Analyse linéaire - Gnathon La Bruyère Les Caractères. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  29 Avril 2023  •  Commentaire de texte  •  1 442 Mots (6 Pages)  •  207 Vues

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Analyse linéaire - GnathonLa Bruyère

Intro : « Gnathon » est un caractère extrait de la partie « De l’homme », chapitre XI des Caractères de La Bruyère, publiés pour la première fois en 1688. Le moraliste classique y fait la satire d’un personnage écœurant prénommé Gnathon.

Gnathon ne vit que pour soi, et tous les hommes ensemble sont à son égard comme s’ils n’étaient point. Non content de remplir à une table la première place, il occupe lui seul celle de deux autres ; il oublie que le repas est pour lui et pour toute la compagnie ; il se rend maître du plat, et fait son propre de chaque service : il ne s’attache à aucun des mets, qu’il n’ait achevé d’essayer de tous ; il voudrait pouvoir les savourer tous tout à la fois. Il ne se sert à table que de ses mains ; il manie les viandes, les remanie, démembre, déchire, et en use de manière qu’il faut que les conviés, s’ils veulent manger, mangent ses restes. Il ne leur épargne aucune de ces malpropretés dégoûtantes, capables d’ôter l’appétit aux plus affamés ; le jus et les sauces lui dégouttent du menton et de la barbe ; s’il enlève un ragoût de dessus un plat, il le répand en chemin dans un autre plat et sur la nappe ; on le suit à la trace. Il mange haut et avec grand bruit ; il roule les yeux en mangeant ; la table est pour lui un râtelier ; il écure ses dents, et il continue à manger. Il se fait, quelque part où il se trouve, une manière d’établissement, et ne souffre pas d’être plus pressé au sermon ou au théâtre que dans sa chambre. Il n’y a dans un carrosse que les places du fond qui lui conviennent ; dans toute autre, si on veut l’en croire, il pâlit et tombe en faiblesse. S’il fait un voyage avec plusieurs, il les prévient dans les hôtelleries, et il sait toujours se conserver dans la meilleure chambre le meilleur lit. Il tourne tout à son usage ; ses valets, ceux d’autrui, courent dans le même temps pour son service. Tout ce qu’il trouve sous sa main lui est propre, hardes, équipages. Il embarrasse tout le monde, ne se contraint pour personne, ne plaint personne, ne connaît de maux que les siens, que sa réplétion et sa bile, ne pleure point la mort des autres, n’appréhende que la sienne, qu’il rachèterait volontiers de l’extinction du genre humain.

Explication linéaire

Problématique:

Par quels précédés La Bruyère dresse-t-il un portrait à charge (=négatif) de façon vivante ?

1er mouvement : Une première au présent de vérité générale pour un portrait universel (« vit », « sont »)

  •  D’abord, Gnathon apparaît comme un égoïste. En témoigne la tournure restrictive: « ne vit que pour soi ».
  •  Ensuite, l’hyperbole dans la suite de cette première phrase met en évidence son égocentrisme : « tous les hommes ensemble sont à son égard comme s’ils n’étaient point ». Autrement dit, Gnathon ne voit pas les autres, il est autocentré.

2ème mouvement : Gnathon, un égoïste à table 

  •  La Bruyère prend alors un exemple pour illustrer l’attitude de Gnathon : il évoque son comportement lors d’un repas partagé. En effet, après avoir défini Gnathon par une tournure de vérité générale, l’auteur illustre sa thèse par l’exemple. Il passe alors au présent de narration (occupe, oublie, fait). Cette deuxième phrase permet de donner à lire un portrait en mouvement.
  •  Ainsi, son attitude à table reprend la phrase d’ouverture qui l’oppose aux autres hommes : « il occupe lui seul celle de deux autres ». Le pronom « il » qui le désigne s’oppose au pluriel « deux autres » qui renvoie aux autres convives. Cette opposition renforce son caractère asocial, centré sur lui.
  •  Son égoïsme transparaît dans sa manière de monopoliser les plats: « il oublie que le repas est pour lui et pour toute la compagnie ». Une fois encore l’opposition entre le pronom isolé qui le désigne « lui » et le GN « pour toute la compagnie » témoigne de ce déséquilibre.
  •  La même idée est reprise ensuite. Il tend à s’approprier les plats égoïstement tout au long du service: « il se rend maître du plat, et fait son propre… »

3ème mouvement : un impoli qui ne connaît pas les convenances

  •  Après les deux points, un nouvel aspect du caractère de Gnathon transparaît à travers ses actes. En effet, il est dépeint comme un impoli: « il ne s’attache à aucun des mets, qu’il n’ait achevé d’essayer de tous ». Là encore, la tournure restrictive « ne…que » tend à établir un portrait péjoratif de ce personnage.
  •  Ce manque de politesse s’illustre par sa gloutonnerie ridicule. Ainsi, la reprise du mot « tout » dans « tous tout à la fois » permet de mettre en évidence le trop plein de nourriture qu’il s’efforce d’ingurgiter.
  •  Ensuite, une longue phrase va permettre de dresser la liste de ses agissements écœurants. Cette énumération, marquée par une succession de virgules, rend d’autant plus évidente son impolitesse. Une fois de plus la tournure restrictive sera utilisée, pour évoquer un malotrus qui mange avec ses mains : « Il ne se sert à table que de ses mains ». Il n’a aucune connaissance des convenances et passe pour un rustre.
  •  La succession de verbes d’actions reprend l’idée d’un portrait en mouvement et donne à voir un glouton qui agit sans aucune manière et avec frénésie : « il manie les viandes, les remanie, démembre, déchire ».
  •  Cette attitude dégoûtante a une incidence sur les autres. D’une part, ils doivent se satisfaire de ce qu’il leur laisse, en témoigne le sujet antéposé qui met en relief le mot « restes »: « s’ils veulent manger, mangent ses restes ». D’autre part, cette gloutonnerie leur ôte l’appétit. Ainsi, l’hyperbole « capables d’ôter l’appétit aux plus affamés » renforce ce dégoût.
  •  Le champ lexical culinaire qui suit permet de donner à voir sa gloutonnerie : « jus », « sauces », « ragoût », « plat ». Les aliments défilent dans son gosier...
  •  Son incapacité à manger proprement est dénoncée dans une tournure impersonnelle : « on le suit à la trace ». Ce pronom impersonnel « on » peut désigner la société tout entière, qui s’oppose à nouveau au personnage de Gnathon.
  •  Ensuite, La Bruyère cherche à rendre ce tableau encore plus vivant en mettant en évidence ses façons dégoûtantes à travers les sens de l’ouïe (« Il mange  haut et avec grand bruit ») et de la vue (« il roule les yeux en mangeant ») .
  •  La Bruyère utilise pour finir une animalisation pour accentuer et exagérer ses manières déplorables : « la table est pour lui un râtelier ». Son attitude n’est guère plus polie que celle d’un animal.

Quatrième mouvement : le sans-gêne de Gnathon

  •  C’est ensuite son sans-gêne qui est mis en évidence de manière caricaturale en mettant en parallèle un lieu public (le théâtre) et le lieu privé qui est le plus intime (la chambre) : « Il se fait, quelque part où il se trouve, une manière d’établissement, et ne souffre pas d’être plus pressé au sermon ou au théâtre que dans sa chambre. » Il se comporte donc partout comme chez lui, ce qui est le propre d’un manque d’éducation.
  •  Un exemple vient à nouveau illustrer la thèse de l’auteur : à l’hôtellerie, Gnathon veut s’accaparer la meilleure chambre. La répétition du superlatif met une fois de plus l’accent sur l’égoïsme du personnage: « dans la meilleure chambre le meilleur lit ».
  •  Gnathon, qui ne pense qu’à lui, s’accapare les gens, les valets (« Il tourne tout à son usage ; ses valets, ceux d’autrui, courent dans le même temps pour son service ») comme les objets (« Tout ce qu’il trouve sous sa main lui est propre, hardes, équipages »).
  •  L’anaphore de la négation montre bien que les autres ne comptent pas pour lui: « ne se contraint pour personne, ne plaint personne, ne connaît de maux que les siens, que sa réplétion et sa bile, ne pleure point la mort des autres, n’appréhende que la sienne ». Cette succession de négation laisse volontairement le lecteur sur une impression très négative.

Conclusion :

Ce portrait du personnage de Gnathon est particulièrement vivant mais avant tout satirique. A travers Gnathon La Bruyère se moque de toute une catégorie de bourgeois sans éducation. Gnathon n’est pas sans rappeler, au même siècle, le personnage de M.Jourdain dans Le Bourgeois Gentilhomme de Molière.

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