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L'emprise de la société dans Les Caractères de la Bruyère

Commentaire d'oeuvre : L'emprise de la société dans Les Caractères de la Bruyère. Recherche parmi 302 000+ dissertations

Par   •  10 Juin 2025  •  Commentaire d'oeuvre  •  1 789 Mots (8 Pages)  •  41 Vues

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Introduction

À une époque où le numérique et les réseaux sociaux amplifient le règne des apparences : chacun met en scène sa vie en cherchant la reconnaissance tout en dénonçant l’artificialité de ce spectacle. Ce paradoxe, entre critique et participation au jeu social, n’est pourtant pas nouveau. Jean de La Bruyère, au XVIIᵉ siècle, en fait déjà le constat dans Les Caractères : « L’on ne peut se passer de ce même monde que l’on n’aime point, & dont l’on se moque. […] rien n’échappe aux yeux, tout est curieusement ou malignement observé ; & selon le plus ou le moins d’équipage, ou l’on respecte les personnes, ou on les dédaigne. » À travers ces mots, il souligne une contradiction fondamentale : il méprise un monde fondé sur les apparences et le jugement social, mais demeure incapable de s’en défaire. Si chacun se moque des autres et de l’hypocrisie ambiante, tous continuent néanmoins à se soumettre au regard des autres, conscients que la valeur d’un individu repose davantage sur ce qu’il donne à voir que sur ce qu’il est réellement. Ce paradoxe, omniprésent dans son œuvre, se déploie particulièrement dans les Livres V à X, où La Bruyère observe avec minutie les comportements de son temps. Nous pouvons donc nous questionner sur la manière dont les observations et la critique de La Bruyère dans les Livres V à X des Caractères révèlent l’impossibilité de s’extraire d’une société que l’on condamne. Nous verrons d’abord comment La Bruyère développe une observation rigoureuse du monde qui l’entoure, avant d’analyser le rôle central du paraître dans les interactions sociales, pour enfin montrer que l’on ne peut échapper à l’emprise de la société.

I. Une observation précise et méthodique du monde social

1.Un observateur minutieux au regard affûté

Pour commencer, Jean de La Bruyère se positionne en analyste méthodique des comportements humains en adoptant une approche presque scientifique pour en révéler les travers. Dans son livre, il dresse un tableau saisissant remplit de portraits où chaque individu évolue dans un jeu subtil de stratégies et d’illusions. Il ne laisse rien passer et s’attarde notamment sur des figures emblématiques de la société comme Acis qui parle avec des « phrases embrouillées » et des « grands mots qui ne signifient rien », Arrias qui étale sont prétendu savoir il « a tout lu, tout vu, il veut le persuader ainsi [...] il aime mieux mentir que de se taire ou de paraître ignorer quelque chose », Theodecte qui monopolise l’attention comme un malotru, Giton qui est riche et Phédon qui est pauvre. De plus, il a structuré ses observations, dignes des meilleurs sociologues de notre époque, en un système pyramidal démarrant par la conversation et se réduisant progressivement jusqu’à ce qu’il ne reste plus que les grands et le souverain. Ces observations en entonnoir lui ont permis de faire une critique presque exhaustive de la société.

2.Une écriture vivante et percutante

Loin d’une simple analyse froide, La Bruyère dynamise son propos par une écriture incisive qui marque les esprits. Dans le Livre VI, Des biens de fortune, il illustre l’illusion du pouvoir que confère la richesse en multipliant les anaphores et les antithèses pour souligner l’instabilité des statuts sociaux. Aussi, dans le Livre VII, De la ville, il écrit avec ironie : « Il est bon quelquefois de s’ennuyer : l’ennui nous fait sentir que nous vivons », dénonçant l’ennui provoqué par les mondanités. Cette écriture percutante est également utilisée pour décrire ces individus qui, sans réel intérêt pour la conversation, fréquentent les lieux mondains uniquement pour être vus. Cependant, l’auteur n’use pas seulement d’ironie et de figures de style pour marquer son lecteur mais également d’humour en terminant certains de ses portraits par une chute. C’est notamment le cas dans celui de l’avare où il écrit « L'avare dépense plus mort en un seul jour, qu'il ne faisait vivant en dix années ».

3.Une satire acérée au service d’une critique sociale

De plus, La Bruyère ne se contente pas d’un constat neutre, il fait de la satire un véritable outil d’analyse. C’est une arme redoutable qu’il utilise pour dépeindre avec ironie les vices de la société du XVIIe siècle. Il se moque des courtisans et de leur obsession pour le paraître, dénonce l'arrogance des grands et leur mépris des classes inférieures, et critique l'enrichissement scandaleux des financiers. Les femmes ne sont pas épargnées, leur coquetterie et leur vanité étant tournées en ridicule. Ainsi, « rien n’échappe aux yeux » de La Bruyère qui observe « curieusement et malignement » l’ensemble de la société pour en relever les travers.

II. L’hypocrisie et le règne des apparences dans la société

1.Une société fondée sur le paraître

Dans son œuvre, La Bruyère met en lumière un monde où l’apparence prime sur l’être. Dans le Livre VII, De la ville, il observe que « selon le plus ou le moins d’équipage, ou l’on respecte les personnes, ou on les dédaigne », soulignant ainsi la domination des signes extérieurs de richesse dans l’évaluation sociale. En effet, La Bruyère écrit que « les hommes n'aiment pas à vous admirer, ils veulent plaire, ils cherchent moins à être instruit et même réjouis, qu'a être gouté et applaudis ». Ainsi, il critique ces individus qui arpentent les lieux mondains non par goût, mais pour être vus, transformant la ville et le monde en un immense théâtre où chacun joue

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