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L'édit de Clotaire II de 614

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Par   •  19 Octobre 2023  •  Commentaire de texte  •  4 216 Mots (17 Pages)  •  235 Vues

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Souvré Antoine

DM Approfondissement

        « Comme ce grand David, gouvernant de par une grâce prévoyante l’empire du royaume, vous accomplissez un ministère prophétique », clament dans un préambule les évêques réunis lors du concile de Clichy en 626-627, ce que nous rapportent Olivier Guillot, Albert Rigaudière et Yves Sassier dans Pouvoirs et Institutions dans la France médiévale (tome 1). S’adressant à Clotaire II, les évêques manifestent ici une dévotion première, sinon inhabituelle envers un roi franc. Il convient donc de se questionner sur les facteurs qui ont conduit à cette fidélité voire dévotion, sinon sincère, du moins de façade, à l’égard de la royauté franque. En introduction des canons du concile de Clichy, c’est à dire des normes régissant l’organisation de l’Église, les membres du concile écrivirent : « Nous espérons humblement que vous maintiendrez pour nous en tous points la réglementation de la constitution que naguère, à Paris […], vous avez prescrit d'établir d'après les règles des anciens canons. » Ici, les évêques faisaient référence à l’édit de Clotaire II de 614, que l’Église semble considérer comme majeur dans son histoire. Puisque les religieux en 627 espéraient que le roi maintiendrait les dispositions propres à l’Église telles qu’en 614, il est donc nécessaire de se pencher sur l’édit de 614 en lui-même, ainsi qu’à ses causes, ses sources et ses destinataires. D’abord, cet édit est publié en 614, soit un an après la fin de la « grande faide royale », une série d’affrontements qui avait principalement vu s’opposer les royaumes d’Austrasie et de Neustrie, dans un conflit fratricide. La faide était chez les Francs une vengeance privée, après qu’un membre de sa famille ait été assassiné ou que son honneur ait été bafoué. Si la réconciliation par le wergeld (le « prix de l’homme ») ne suffit pas à l’apaisement, le devoir de venger les membres de sa famille, avec lesquels on est solidairement engagé, prend une importance démesurée, jusqu’au déclenchement d’une guerre, comme avec le cas de Frédégonde et Brunehaut, deux reines engagées dans la faide entre 570 et 613. La grande faide, ayant causé un nombre de mort très difficilement estimable, laisse ce qui est certain un souvenir amer au royaume unifié par Clotaire II (584-629) en 613. Ce dernier, fils de Frédégonde et de Chilpéric Ier, naît alors que son père vient d’être assassiné et est élevé en secret. À sa majorité il hérite du royaume de Neustrie et cherche à unifier l’Austrasie avec la Neustrie. Lorsque ses cousins héritent de la Bourgogne (d’un accord passé entre le roi Gontran et Brunehaut), il finit par conquérir l’ensemble du regnum francorum en 613. Puis, il fait exécuter sa tante Brunehaut d’une manière exemplaire et particulièrement impressionnante (torture, sévices physiques multiples…), en la rendant coupable de la mort d’une dizaine de rois, et l’entière responsable du conflit. L’année suivante, il convoque à Paris un concile rassemblant une septantaine d’évêques qui souhaitent s’émanciper du roi, mais également garantir à l’Église une plus grande sécurité dans ses biens et charges. Ils souhaitent entre autres que la fonction épiscopale soit sacrée par la loi. Huit jours après la fin du concile, Clotaire II publie son édit (un acte législatif du roi qui vient changer la loi dans certains domaines), le 18 octobre 614, très inspiré des canons (les normes fixant la constitution de l’Église catholique et organisant la vie de ses membres) publiés par le concile de Paris. Même s’il n’en reprend pas la totalité des canons, voire en prend le contre-pied à certains moments, l’édit est globalement fidèle aux canons parisiens. Dans l’édit, provenant de l’ouvrage Capitularia regnum Francorum d’Alfred Boretius (1883), une compilation des principaux actes législatifs des époques mérovingiennes et carolingiennes notamment, Clotaire traite d’abord des rapports entre les évêques, le peuple et le roi, avant de consacrer quelques articles aux échanges économiques, et puis de conclure avec des articles sur la condition des moniales et femmes s’étant consacrées à la vie religieuse. L’édit est donc à destination des sujets mentionnés auparavant, mais également aux leudes (à l’origine, compagnons du roi lui ayant prêté serment de fidélité) et farons (leudes de Bourgogne) du royaume, ceux-ci ayant pris une place importante dans le déroulement de la faide. La remise en question permanente du roi, qu’il soit celui de Neustrie, d’Austrasie ou même de Bourgogne, a fragilisé son autorité et son pouvoir, par la nécessité de s’appuyer sur ces mêmes leudes dans le cadre du conflit. Cela nous amène donc la problématique suivante : Comment cet édit de nouvelle envergure permet-il à Clotaire d’unir le royaume tout en s’immisçant dans l’ordre ecclésiastique ?

        Nous verrons dans un premier temps ce qui permet à Clotaire d’unifier les Francs grâce à son autorité, mais également de s’introduire dans la vie de l’Église franque. Enfin, il conviendra de traiter de la nouveauté de l’édit et de son caractère profondément réformateur.

        Il sera intéressant ici d’expliquer pourquoi cet édit marque la réunification et l’unité du royaume, la façon de préserver sa société, en obtenant la paix par l’ordre. Puis, nous critiquerons ces mécaniques du fait de l’apparition de nouvelles identités régionales.

        En 614, les trois royaumes de Neustrie, d’Austrasie et de Bourgogne sont gouvernés par un seul roi, Clotaire II. Cette victoire sur l’Austrasie et la fin de la grande faide sont rappelées dans l’édit : « l’illustre prince Clotaire, qui règne sur l’ensemble du peuple»(l.1-2). Dans cet acte législatif, on affirme que les Francs ne sont maintenant qu’un peuple uni. Mais il est possible de reconnaître dans l’édit certains mots qui indiquent qu’une guerre civile a eu lieu. D’abord, le souhait « que la paix et la discipline demeurent à jamais dans notre royaume »(l.42), qui serait presque inutile en temps de paix durable. Surtout, il semble nécessaire au roi de rappeler les principes de la loi salique, instaurée par son ancêtre Clovis Ier : « celles qui ont été négligées au cours des temps »(l.11), ou par exemple les règles du concile d’Orléans (511). En des temps troublés, où l’autorité du roi est fragile et contestée, le système judiciaire est ébranlé, particulièrement dans le cadre d’une compétition presque dynastique entre Neustrie et Austrasie. Pour s’assurer de la fidélité des leudes du royaume, Clotaire décide ensuite de réattribuer aux leudes des royaumes Austrasien et Bourguignon les terres ou trésors qu’ils auraient perdus pendant la faide, « pour avoir conservé [leur] foi à [leur] seigneur légitime »(l.50). C’est un choix politique important car il renvoie l’image d’un roi capable et suffisamment puissant pour l’ordonner, mais faisant aussi preuve de justice et de sens de l’équité. Surtout, il permet aux personnalités régionales de mettre fin à d’éventuelles rancœurs pour avoir été spoliées, du fait de leur attachement aux rois Neustriens. Mais cela pourrait ne pas suffire à instaurer durablement la paix.

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