« Femmes, soyez soumises à vos maris ». Voltaire
Commentaire de texte : « Femmes, soyez soumises à vos maris ». Voltaire. Recherche parmi 302 000+ dissertationsPar starfalla • 16 Mai 2025 • Commentaire de texte • 2 075 Mots (9 Pages) • 36 Vues
« Femmes, soyez soumises à vos maris ». VOLTAIRE.
Introduction :
De nos jours le 8 mars célèbre la journée internationale des droits de la femme, et cette reconnaissance de la place égale de l'homme et de la femme est largement dûe à la littérature d'idées portée au 20ème siècle par des autrices engagées comme Annie Ernaux ou Virginie Despente, et au 18ème siècle par Olympe de Gouges, ou Voltaire, philosophe des Lumières, qui s’est trouvé sur tous les fronts de la contestation (intolérance, torture, guerre, esclavage). Dans le texte « Femmes, soyez soumises à vos maris » que nous allons étudier et qui est extrait de Mélanges, pamphlets et œuvres polémiques , écrit par Voltaire entre 1759 et 1768, cet auteur engagé aborde la question de l’inégalité des femmes vis à vis des hommes et de la dépendance des femmes à l’égard de leurs maris. L’extrait proposé rapporte le dialogue entre un abbé et une femme de l’aristocratie, la Maréchale de Grancey, en colère contre une phrase qu’elle a lue dans les Epîtres de Saint- Paul : « Femmes, soyez soumises à vos maris ». Nous verrons quelle mise en scène Voltaire fait de son personnage féminin et de son interlocuteur, et en quoi leur propos est polémique. Dans un premier temps, nous verrons que l'interlocutrice adopte un langage vif et libéré ; puis nous analyserons la manière dont elle cherche à convaincre son interlocuteur ; enfin, nous montrerons que ce récit d'un dialogue se révèle efficace pour dénoncer les inégalités de genre.
I/ La mise en scène d'une femme de caractère, au langage vif et libéré
a) Une parole vive :- Rafale de questions qui ne laissent pas le temps à l’abbé de réagir (cf. L.16 à 22).
- segment de phrase nominale qui traduit son emportement. L14
- De nombreuses exclamations et interjections qui traduisent son indignation à l’égard de la condition réservée aux femmes. L.12
- Emploi d’un langage très imagé qui fait surgir de véritables tableaux dans l’esprit de l’interlocuteur, comme « l'enfant qui pourra plaider » sa mère, ou un accouchement « capable de (...)donner la mort »
1/ Dans la description des hommes :
elle évoque un « menton couvert d’un vilain poil rude », qu’il faut « tondre de fort près » : elle focalise sur un détail physique, qu’elle caricature (voir les deux adjectifs négatifs « vilain » et « rude »). Elle a l’art de croquer les gens.
2/ Et par le renforcement de traits oratoires :
- Anaphore de « n'est-ce pas assez « L 16 et 18
- Elle insère dans ses arguments une conversation imaginaire, par exemple : « Sans qu’on vienne me dire encore : Obéissez ?»
b) Une parole libérée :
La Maréchale dit tout ce qu’elle pense, sans se soucier des convenances . Elle apparaît comme une femme de caractère.
- Elle n’hésite pas à évoquer les réalités crues de la vie.. Elle parle ainsi de la grossesse avec la métaphore de la « maladie de neuf mois qui est quelquefois mortelle », métaphore filée avec les « très grandes douleurs » de l’accouchement puis elle termine en parlant des règles avec un euphémisme « des incommodités très désagréables ». Elle présente de plus les particularités physiologiques des femmes comme des inconvénients (voir les champs lexicaux de la maladie et de la souffrance).
- Elle peut se montrer très irrespectueuse. Elle se moque ainsi de Saint Paul avec des termes qui connotent tous le mépris : « j’ai jeté son livre », elle le déclare « très impoli », suggère qu’il est « très difficile à vivre » (elle en fait donc le blâme). Elle ajoute avec ironie : « je lui aurais fait voir du pays ».
- Ce langage est à l’image de sa vie. La maréchale est une femme libre. Elle fait allusion à ses amants, certes par périphrase, mais n’oublions pas qu’elle parle à un abbé : « Nous nous promîmes d’être fidèles : je n’ai pas trop tenu ma parole, ni lui la sienne » . On remarque au passage qu’elle accepte les infidélités de son mari. La seule règle de conduite qui lui semble valable est donc la liberté : elle refuse toute servitude, toute dépendance, comme le montre la question rhétorique « Obéissez ? » et l’emploi du terme « esclaves », très fort pour qualifier le sort des femmes (elle veut provoquer l’indignation).
II/ Une femme des Lumières qui cherche à convaincre
a) Elle adopte un raisonnement de type inductif.
Dans tout le texte, elle adopte un mouvement pendulaire qui va alternativement du JE à des termes qui désignent l’ensemble des femmes.
Elle part d’un exemple précis : la femme de saint Paul (« Etait-il marié ? ».
Puis elle se met en situation et formule une hypothèse, comme le montre le conditionnel : « Si j’avais été la femme d’un pareil homme »
Puis elle raisonne par comparaison avec sa propre expérience : « quand j’épousai M. de Grancey » (+ relever les marques de la première personne).
Enfin, elle généralise ce premier mouvement par le biais d’expressions globalisantes/ génériques : « nous », « la nature » ,« pour une femme de qualité » .
Ce mouvement pendulaire entre le « je » et la généralisation lui permet d’être plus convaincante, car elle s’appuie sur son expérience, qui lui sert à analyser la condition féminine dans son ensemble. b) Elle reprend méthodiquement les thèses en faveur de l’infériorité des femmes pour démontrer leur fausseté, voire leur absurdité.
Premier argument qu’elle conteste : les femmes doivent dépendre de leurs maris :voir le champ lexical de la servitude.
· La maréchale rappelle d’abord les inconvénients d’être femme, en les renforçant par l’emploi des champs lexicaux de la souffrance et de la maladie. Si elles devaient en plus « Obéir », ce serait un inconvénient supplémentaire et intolérable. Il s'agit d'un raisonnement par l'absurde, souligné par l'expression « pour comble » L 21.
· Elle utilise ensuite un argument se référant à la nature : la différence entre les deux sexes ne repose pas sur une hiérarchie, mais sur une complémentarité, comme le montre l'emploi du pronom personnel pluriel « nous » : « la nature (…) nous a fait (…) nous rendant nécessaires » Elle dit explicitement que la femme est aussi nécessaire à l’homme que l’homme est nécessaire à la femme. Les mots qu’elle emploie insistent sur cette idée de complémentarité : « nécessaire », « union », mais aussi les pronoms réfléchis réciproques (« les uns aux autres »), et l'antithèse « l'union form(e) un esclavage ». C’est une manière pour elle de montrer que l’égalité entre les hommes et les femmes est naturelle.
Deuxième argument qu’elle conteste : les hommes sont supérieurs aux femmes.
· Elle commence par reprendre la phrase de Molière, mais sans la contextualiser (dans l’Ecole des Femmes, c’est Arnolphe qui prononce cette phrase ; or il est constamment ridiculisé par Molière à cause de ses idées rétrogrades sur l’éducation des filles). Cela lui permet en tout cas de montrer sa culture, preuve qu'il n'y a pas que les hommes de cultivés.
· Elle tourne cette idée de la supériorité masculine en ridicule, en disant qu’elle ne leur vient que de leur force physique, de « muscles plus forts », et de leur capacité au « coup de poing ». Autrement dit , elle réduit l'homme à son anatomie et à sa brutalité, à son animalité en somme, ce qui est un contre-exemple du modèle de l'honnête homme spirituel prôné par le siècle des Lumières. De plus, cette force n'égale pas le courage de la femme qui endure le risque « mortel » de la conception.
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