Le désir dans la Peau De Chagrin

Arthur Brault--Garin

Kim Chehowah Debost

Gina Hwang

Arnaud Llinares

Dissertation: Le désir dans La Peau de Chagrin

“Peut-on vivre longtemps en dévorant ainsi sa vie à tout heure ?” est une citation extraite de l'œuvre Louis Lambert, de Balzac, publiée en 1832. Il fait par là référence aux différentes stratégies des personnages quant à leur choix de vie (pleine de passions ou dans la modération et l’économie) et ainsi leurs dépenses en énergie. La Peau de Chagrin est un roman publié par l’écrivain réaliste Honoré de Balzac en 1831. Cette œuvre s’inscrit dans son vaste projet intitulé la Comédie Humaine. Le romancier y relate la volonté d’accomplir ses désirs et la condition mortelle de l’homme. Le désir, cette force intérieure qui pousse l'homme à agir, ou bien à chercher à satisfaire ses aspirations, est au cœur de l'intrigue de La Peau de chagrin. Il est effectivement lié au thème de l'énergie, qui est au cœur de l'étude de l'œuvre. Cette notion est porteuse de nombreux paradoxes, le désir étant considéré comme une puissance à la fois vitale et morbide dans le roman, ou pour reprendre les termes du parcours : à la fois créatrice et destructrice. On peut donc se demander dans quelle mesure le désir dans la Peau de Chagrin révèle une énergie à la fois vitale et destructrice ? Après avoir examiné le côté vital et créateur de l’énergie, nous verrons son côté destructeur. Enfin nous analyserons la morale tirée du désir ou l'universalité de la tragédie humaine.

Tout d’abord, à travers le fait que le désir est un instinct nécessaire à la vie et une force motrice, nous verrons que le désir est une énergie vitale, créateur d’énergie.

Dans La Peau de Chagrin de Balzac, les désirs des personnages sont principalement exprimés par le manque. En effet, un manque dans la vie quotidienne suscite un désir profond chez l’humanité. Pour Raphaël, le premier manque qu’il a est celui de l’argent: c’est un de ses besoins vitaux. Petit, il a grandi dans un milieu bourgeois avec un père peu dépensier mais désargenté. Pendant trois ans, Raphaël est décrit au début du roman comme un personnage pauvre qui vit dans une mansarde, il n’a rien. Balzac le représente aussi comme personnage éponyme d’une jeune génération Romantique, rêvant d’une grande destinée mais passif. Par exemple, il est décrit comme “sans amis, sans paillasse, sans tambour, un véritable zéro social, inutile à l’État”. Ici, la situation de Raphaël est présentée à travers une négation restrictive et une répétition de l’adverbe “sans” qui exprime l'absence, le manque, la privation. L’argent c’est plus un besoin qu’un désir, c’est donc quelque chose de vital. À travers le personnage de Raphaël, Balzac suggère que l'argent est un instinct nécessaire à la vie, car il permet à l'individu de se nourrir, de se vêtir, de se loger, de séduire les femmes, et en fin de compte de survivre. Sans argent, l'individu est condamné à la misère et à la mort. En ce sens, le désir d'argent est une énergie vitale qui pousse l'individu à agir pour subvenir à ses besoins les plus élémentaires.

Tout au long de l'œuvre, Raphaël pressent ce besoin d’un amour bénéfique. Il se l’imagine d’abord avec Foedora, mais l’amour se révélant impossible il se tourne vers Pauline, maintenant devenue riche. Pauline peut être perçue comme une force motrice de l’amour, car génératrice d’un amour réalisable et bénéfique. Pauline peut être décrite comme l’idéal féminin, elle est douce et attentionnée. Pauline accompagne et s’occupe de Raphaël quand il travaille ou quand il est sans le sou mais provient d’un milieu humble: elle est l’antithèse de Foedora. Tout d’abord, Raphaël perçoit Pauline comme sa “soeur”: il refuse d’avoir des sentiments pour elle car elle n’a ni argent ni statut. Après lui avoir prêté de l’argent pour aller au théâtre avec Foedora, Raphaël remercie Pauline: “Je désirais une femme riche, élégante, titrée ; hélas ! Maintenant, comme je voudrais posséder des millions et rencontrer une jeune fille pauvre comme vous et comme vous riche de coeur, je renoncerais à une passion fatale qui me tuera. », ici Raphaël fait un aveu; Pauline remplit toutes les conditions sauf la richesse. Il déclare même qu’il ne voit pas “l’amour dans la misère”, l’argent et l’amour sont indissociables et sans argent, il n’y a pas d’amour. Or, lorsque Pauline devient riche, Raphaël n’hésite plus à exprimer son amour et admet à Émile que sa richesse a été révélatrice de son amour pour Pauline: “Je n’aimais pas Pauline pauvre”. L’amour que Raphaël a pour Pauline est porteur de bénéfices: en assumant un rôle d’amant il fait une ascension sociale. Toutefois, Pauline est un personnage ambigu car malgré avoir été aux côtés de Raphaël tout le long, elle est finalement identifiée comme cause principale de sa mort.

Toutefois, nous pouvons observer que les désirs des personnages sont désorientés et que ce désir crée un paradoxe ce qui fait de cela une énergie destructrice.

Dans La Peau de Chagrin, Raphaël désire fortement deux femmes: Foedora et Pauline. Foedora est une femme inacessible, elle est désirée de tous. Raphaël se fait une illusion de Foedora qui commence dès que Rastignac la décrit comme une femme belle, riche et influente: trois critères qui correspondent parfaitement aux désirs de Raphaël. « Mais ce nom, cette femme n'étaient-ils pas le symbole de tous mes désirs et le thème de ma vie ? ». Raphaël est obsedé par une “femme sans coeur” qui est devenue l’un des objets de son désir le plus profond. Cependant, son désir pour elle est teinté de fatalité, symbolisée par le nom même de la femme, qui évoque la mort et la destruction: l’éthymologie de Foedora est foedus, “funeste, criminel”, et -eris, “pacte, alliance”: s’associer avec Foedora est un pacte avec un avenir funeste. Cette obsession de Raphaël pour Foedora est une énergie destructrice, car elle le pousse à négliger les aspects les plus importants de sa vie, y compris sa santé, sa sécurité financière et ses relations avec les autres. Raphaël se permet de ne plus pouvoir manger pendant des jours, et finit même par être nourri par Pauline, afin de se permettre ses sorties avec Foedora “je me couchai tout affamé [...] mais bien résolu de séduire Foedora”. Cette obsession malsaine s’accroît car Foedora reste un personnage mystérieux; “mystère femelle” elle suscite le désir de Raphaël. Il développe d’abord une obsession autour de son prénom qui le “poursui[t]”: il y pense toute la journée et ne parvient pas à dormir la nuit, tandis que son imagination s'emporte. Il commence alors à se créer une image de Foedora dans sa tête, la dessinant et la rêvant sans cesse. « Je me créai une femme, je la dessinai dans

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