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Juste la fin du Monde est-elle une tragédie ?

Dissertation : Juste la fin du Monde est-elle une tragédie ?. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  3 Février 2024  •  Dissertation  •  3 261 Mots (14 Pages)  •  99 Vues

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Dissertation

                        La tragédie est un genre théâtral qui a vu le jour dans la Grèce antique et qui n’a cessé d’évoluer au fil du temps. Malgré ses origines religieuses, celle-ci va connaitre un renouveau à partir du XVIIème siècle, on y redécouvre alors des textes et mythes antiques. Certains dramaturges se mettent à réécrire des tragédies classiques en s’inspirant de l’empreinte qu’a laissé leurs prédécesseurs tandis que d'autres recherchent de nouveaux sujets, plus en proie aux mœurs et problématiques de l’époque, qu'ils traitent à la manière des auteurs contemporains. De grands auteurs comme Jean Racine ou Pierre Corneille sont alors pleinement acteurs du tournant que prend le théâtre tragique mettant en scène des personnages illustres issus la plupart du temps de la mythologie grecque avec un destin exceptionnel et malheureux, sans autre issue possible que celle de la pièce. Ainsi, ces dramaturges contemporains ont déposé un bagage culturel réutilisé par des auteurs plus modernes tel que Wajdi Mouawad ou Jean-Luc Lagarce qui a écrit « Juste la fin du Monde ». Dans cette pièce, Louis, le personnage principal rend visite à sa famille dans l’intention de leur annoncer sa maladie et par conséquent sa mort. Son arrivée fait ressurgir à la fois des souvenirs et des reproches accompagnés de tensions familiales. « Juste la fin du monde » est jouée pour la première fois en 1999 et aborde les thèmes récurrents de la famille, de la mort et des relations humaines tout en mettant en valeur la complexité des liens sociaux et l’incommunicabilité qui ronge les êtres humains. Cette pièce a suscité de nombreuses discussions et interprétations quant à son genre littéraire. Lagarce respecte-t-il les codes ancrés par les auteurs de tragédie classique ? La pièce « juste la fin du monde » peut-elle être classée dans un autre genre que la tragédie ? Cette pièce fait-elle appelle à d’autres genres ? Afin de répondre à ces différentes questions, nous examinerons d’abord les différents éléments de la pièce qui peuvent être considérés comme des caractéristiques de la tragédie. Nous démontrerons, dans un second temps, que cette pièce ne respecte pas tout à fait les codes de la tragédie et peut se rapprocher à d’autres genres littéraires. Enfin, nous suggérerons que Lagarce a recourt à une nouvelle forme de tragédie.

                   Jean-Luc Lagarce a su rester fidèle sur quelques points aux tragédies classiques auxquelles nous avons l’habitude de rencontrer. Juste la fin du monde respecte une structure et des règles inspirées des tragédies traditionnelles où le héros est soumis à une destinée tragique et inéluctable. En effet, la pièce débute par un prologue, se conclue par un épilogue et est séparée par un intermède. Cette scène d’exposition, influencée par la tragédie grecque, est incarnée par le personnage de Louis qui <nous annonce dès le départ l’intrigue de l’histoire. Celui-ci est malade, se voit être condamné à mort mais également contraint d’annoncer cette nouvelle atroce à sa famille qu’il n’a pas vu depuis plus de dix ans. Cette amorce nous annonce par ailleurs la fatalité du destin du protagoniste de l’histoire. Bien qu’il se dise être « maître de son destin » et tente de se rebeller contre sa destinée, celui-ci est condamné à une finalité dramatique qui demeure inchangé puisque l’on y apprend sa mort « prochaine et irrémédiable ». Cette partie s’inscrit alors dans la tradition de la tragédie grecque. Nous pouvons voir une analogie avec le chœur qui débute la tragédie « Antigone » de Jean Anouilh et qui annonce la mort inéluctable d’Antigone ; ici c’est Louis qui annonce sa propre mort ou du moins qui veut le faire, le texte reprend ainsi des éléments traditionnels pour nous plonger directement dans une tonalité malheureuse voire dramatique. Tout comme Antigone, Louis ne pourra jamais éviter sa mort. De plus, selon Aristote un philosophe grec, le récit d’une tragédie doit se concentrer sur un personnage complexe et compréhensible auprès du public. En effet, le héros tragique se voit tout de même être obligé d’avoir quelques défauts afin que la vraisemblance soit la plus totale et que les spectateurs puissent s’identifier à lui. C’est le cas de Louis comme on le voit dans la scène cinq de la première partie. Celui-ci se plaint d’un manque affectif de la part de sa famille mais avoue très vite au lecteur être en partie la cause de ses problèmes en tenant ses proches à l’écart et en se refermant sur lui-même. Si l’on voulait hyperboliser le caractère de Louis, celui-ci pourrait presque être considéré comme une personne orgueilleuse et introvertie faisant tout de même preuve de courage et de bravoure en portant le poids de ses secrets. La tragédie antique a ainsi inspiré Jean-Luc Lagarce dans son écriture et dans l’élaboration de ses personnages, Louis est un héros tragique, qui doit faire face à son destin fatal, en proie à de multiples regrets comme le démontre l’épilogue.

               Par ailleurs, Juste la fin du monde est une pièce qui peut relever de la tragédie par la mise en valeur d’une crise familiale cernée par des conflits et des confrontations directes.  Si l'amour peine à se dire, les rancœurs et frustrations, elles, s'expriment plus facilement, et la famille devient davantage un lieu d'hostilité et de règlements de compte qu'un lieu d'apaisement. Le retour de Louis au domicile familial est un bon motif pour la famille de se libérer de la colère et de la haine qu’elle retient depuis tant d’années. Les personnages sont confrontés à des conflits internes qui les poussent à faire des choix difficiles et à parfois faire preuve d’une violence plus feutrée. Une fratrie qui se déchire est l’essence même de la tragédie antique ou classique. Par exemple, la scène 9 de la première partie met en scène un repas familial ponctué de disputes entre Suzanne et Antoine notamment. Le déroulé du repas se fait dans l’agitation et l’affront marquant le départ précipité des personnages qui quittent un à un la table pour laisser Catherine seule. Ces confrontations et cette violence relèvent bel et bien de la tragédie. Comme dans la pièce Le retour au désert de Koltès, Lagarce met en scène un frère et une sœur qui s’injurient et qui se vouent une haine l’un pour l’autre. De plus, la pièce peut être considérée comme un huis clos où Louis est enfermé dans la maison et est contraint de subir les reproches de son clan familial. Durant la scène trois de la première partie, Suzanne lui reproche de ne lui écrire que des « lettres elliptiques » qui n’ont aucune valeur sentimentale et de l’avoir abandonné pour vivre la vie qu’elle rêvait d’avoir. Ces plaintes ressemblent aux plaintes d’Electre, la sœur d’ Oreste, une tragédie grecque dont s’est inspiré Jean-Luc Lagarce lors de l’écriture de Juste la fin du monde. Par ailleurs, dans la scène trois de la partie deux, Antoine reproche, quant à lui, à Louis de jouer un rôle et d’avoir abandonné son rôle d’aîné de la famille pour le laisser endosser toutes les responsabilités et les devoirs familiaux. Ce déferlement de reproches accentue la tonalité tragique de la pièce, la famille confronte et accable Louis en raison de sa trop longue absence. Celui-ci est alors soumis en plus de la fatalité de sa mort imminente au jugement accusateur de son cercle familial. Dans la pièce Huis-clos de Jean Paul Sartre, nous pouvons déterminer que le regard et le jugement que porte les autres nous permettent de mieux nous comprendre intérieurement. D’où l’expression « l’enfer c’est les autres », certes mais le damné a le choix des épreuves or Louis n’a pas choisi sa famille et est condamné à vivre avec eux, cela représente une fois de plus un aspect de la fatalité bien présent. Comme dans Huis Clos, Louis est enfermé dans une maison et subit le regard et les reproches de ses congénères, la proximité entre les personnages au sein de la cellule familiale renforce également la dimension tragique. Le regard que la famille porte sur Louis reflète alors une image négative et un conflit familial. Enfin, cette pièce est constituée d’une grande partie de confrontations et de conflits familiaux parsemés de reproches qui accentuent le coté tragique.

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