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La jurisprudence aujourd'hui

Dissertation : La jurisprudence aujourd'hui. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  12 Novembre 2023  •  Dissertation  •  2 417 Mots (10 Pages)  •  84 Vues

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« La jurisprudence aujourd’hui »

« La Jurisprudence est la plus détestable des institutions ». Tels sont les dires de Le Chapelier, cité dans l’ouvrage d’Henri Capitant Les grands arrêts de la jurisprudence civile publié en 2015. Ces mots permettent de mettre en lumière le débat récurrent concernant la possible reconnaissance de la jurisprudence comme source formelle du droit et l’aversion de certains juristes pour cette reconnaissance.

En anglais, le terme jurisprudence désigne la philosophie du droit et sa théorie générale. En français, le sens du mot est très différent puisque la jurisprudence est définie dans le Vocabulaire juridique comme désignant l’ensemble des décisions de justices rendues pendant une certaine période, soit dans une matière, soit dans une branche du Droit, soit dans l’ensemble du droit. Au sens plus étroit, la jurisprudence renvoie également au sens des décisions rendues, et donc à un choix effectué par une juridiction. Désignant alors les solutions rendues au terme de raisonnements juridiques et d’interprétations laissant entrevoir l’existence de solutions homogènes et réfléchies, la jurisprudence, dans cette perspective, est un outil précieux pour les juristes puisqu’elle leur permet de saisir les décisions et d’anticiper celles pouvant être rendues prochainement.

Sous l’ancien régime, les juges de la Cour d’appel, appelée Parlement d’ancien régime, détenaient un pouvoir important, celui de créer du droit en rendant des décisions, parfois sans le besoin d’exprimer leurs motivations. Avec la Révolution française, apparait l’obligation pour les juges de motiver leurs décisions en s’appuyant de manière obligatoire sur la loi puisque ayant le rôle de « bouche de la loi » selon Montesquieu. Permettant aux tribunaux une interprétation moins rigide et plus libre des lois, la jurisprudence a eu, le long de son existence et toujours aujourd’hui, un sérieux impact sur le droit.

Entendue comme l’habitude de juger une question d’une certaine façon, la jurisprudence a suscité et suscite encore de diverses opinions. Un véritable débat s’ouvre alors concernant la question de savoir si la jurisprudence peut être considérée comme une source du droit, notamment avec la vocation de certains arrêts à créer des règles qui, certes, sont posées à l’occasion d’un litige particulier et ne peuvent concrètement s’appliquer que dans le cadre du litige, mais qui ultérieurement seront à nouveaux reprises dans le cadre litiges identiques, ouvrant carrière à ces règles reçues et acceptées par les justiciables et les autres juges.

Il conviendra alors de se demander quel rôle occupe la jurisprudence dans le domaine juridique contemporain et comment elle évolue.

Après s’être concentré sur la jurisprudence en tant que source du droit, il sera utile d’aborder les évolutions de la jurisprudence

I) La jurisprudence, source de droit

Il conviendra d’aborder dans un premier temps la dure reconnaissance de la jurisprudence (A), puis dans un second temps sa portée normative actuelle (B).

A) La jurisprudence, une longue et difficile reconnaissance

Du fait du rôle et de la responsabilité qu’elle confère aux juges, la jurisprudence a longtemps été considérée comme n’étant pas une source de droit. La loi écrite étant censée avoir tout prévu, le juge en est le serviteur et l’applique mécaniquement. Cette conception se relie à l’idéologie révolutionnaire et au principe de séparation des pouvoirs, les juges ne sauraient participer à la création du droit, car ils usurperaient un pouvoir n’appartenant qu’aux élus de la nation. C’est d’ailleurs pour ça que l’article 5 du Code civil stipule « Il est défendu aux juges de se prononcer par voie de disposition générale et règlementaire sur les causes qui leur sont soumises », et interdit les arrêts de règlements. L’article 1355 du Code civil, quant à lui, pose, en ce sens, le principe de l’autorité de la chose jugée « L'autorité de la chose jugée n'a lieu qu'à l'égard de ce qui a fait l'objet du jugement. Il faut que la chose demandée soit la même ; que la demande soit fondée sur la même cause ; que la demande soit entre les mêmes parties, et formée par elles et contre elles en la même qualité ». Le juge est donc empêché de poser une règle applicable à tous. La méfiance à l’égard des juges, héritage des parlements de l’Ancien régime, vaut défiance à l’encontre du pouvoir des tribunaux. En effet, dans un État de droit où la loi est l’expression de la volonté générale souveraine, les tribunaux doivent être au service de la loi et être investis d’aucun pouvoir de création du droit. Jean Carbonnier, en confiant « on aura beau empiler des décisions de justice, elles ne sauraient être sources du droit puisqu’elles ne concernent jamais que les seules parties au litige » rejoint l’idée selon laquelle la jurisprudence ne peut être source de droit.

Cependant, il est indéniable que les juridictions occupent un rôle irremplaçable dans notre société. Des auteurs tels que Portalis, rappellent le fait que parfois obscure, incomplète et progressivement obsolète, la loi ne peut pas tout régler. La nécessité de la compléter est alors indéniable, et si le législateur s’en abstient, le juge est celui le mieux placé pour remplir cette tâche. En lui faisant obligation de juger malgré le silence, l’obscurité ou l’insuffisance de la loi, l’article 4 du Code Civil « Le juge qui refusera de juger, sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi, pourra être poursuivi comme coupable de déni de justice », incite le juge à compléter la loi et lui reconnait implicitement un pouvoir propre lui permettant de compléter la loi, voire de la prolonger et d’en changer le sens lorsque cela est nécessaire pour trancher un litige. Grâce à cet article, le juge a bien un pouvoir d’interprétation, bien que sa décision ne vaille que dans le cadre du litige qui lui est soumis.

Une décision de justice a donc une autorité relative (bien que limitée) et comporte un message marquant. La jurisprudence apparait alors comme source de droit positif à vocation de changer l’État de droit, notamment par le fait qu’elle pourra être reprise et entendue par les justiciables et les juges au cours d’un litige identique. En influençant les comportements comme une loi, la jurisprudence apparaît presque

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