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Essai sur Bérénice (Racine)

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Par   •  27 Février 2023  •  Discours  •  2 685 Mots (11 Pages)  •  197 Vues

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[Essai Bérénice]

[pic 1] 

Histoire de la littérature française II [F0AF1a]

Essai sur Bérénice de Racine :

par Alexander Bry


Peut-on dire que Bérénice est une tragédie de l’aveu impossible ?
Montrez que l’enjeu véritable ne réside pas tant dans l’action ou dans

la prise de décision que dans la parole elle-même. Vous appuierez

votre réponse à la fois sur la construction de la pièce, sur les jeux de

scène et sur le contenu des répliques (où la parole mais aussi le

regard sont des motifs récurrents).


[pic 2]

        Introduction

Jean Racine est sans doute l'un des plus grands auteurs dramatiques du XVIIe siècle. Il faisait partie des trois plus grands auteurs dramatiques de ce siècle, avec Corneille et Molière.
Né à La Ferté-Milon en 1639, Racine est déjà orphelin en 1643. Après un court placement chez ses grands-parents, il reçoit une éducation plutôt religieuse à Port-Royal grâce à sa tante, et c'est là qu'il acquiert l'influence des jansénistes, influence qui restera présente dans ses œuvres ultérieures. Ensuite il étudie brièvement la philosophie et la théologie, puis il retourne à Paris pour écrire des pièces de théâtre. Après quelques pièces rejetées, il écrit
La Thébaïde, mise en scène par la troupe de Molière[1]. Suite à son succès initial, il a écrit une série de tragédies classiques telles que Alexandre le Grand (1665), Andromaque (1667), Britannicus (1669), Bérénice (1670), Bajazet (1672), Mithridate (1673), Iphigénie (1674) et son chef d'œuvre Phèdre (1677). Dans cette étude, nous nous penchons sur la pièce Bérénice avec la question de savoir s'il s'agit d'une tragédie de l'aveu impossible.


Tout d’abord, nous examinons les critères permettant de qualifier l’œuvre de Racine comme une tragédie. En premier lieu, l’unité de lieu, de temps et d’action, attribuée à Aristote. Il y a en effet une unité de lieu, de temps et d’action. Le lieu ici est le palais de Titus, dans un cabinet entre l’appartement de Bérénice et l’appartement de Titus. Il y a aussi une unité d'action : le renvoi de Bérénice par Titus, invitus invitam[2].  On est également en mesure de parler d’une unité de temps, puisque le temps de l’histoire n’est que de 24 heures.
Depuis des siècles, le but d’une tragédie est de susciter des sentiments chez le public et, en conséquence de ces émotions, de produire un effet de catharsis, ou de purification émotionnelle,

[…]. C’est là sa modalité fondamentale – le trait essentiel qui la distingue par exemple de la comédie – mais ce n’est pas sa finalité. Celle-ci consiste à produire des effets sur les spectateurs, car on ne les ‘attache’ pas durant cinq actes, comme dit Racine, si on n’éveille pas en eux des émotions [3].

Selon Racine, il n’y a qu’une seule façon de toucher le public et de les attacher durant cinq actes : la vraisemblance, « Il n’y a que le vraisemblable qui touche dans la tragédie. Et quelle vraisemblance y a-t-il qu’il arrive en un jour une multitude de choses qui pourraient à peine arriver en plusieurs semaines ? »[4]. C’est pourquoi Racine souligne également la simplicité de cette pièce :

Ils ne songent pas qu’au contraire toute l’invention consiste à faire quelque chose de rien, et que tout ce grand nombre d’incidents a toujours été le refuge des poètes qui ne sentaient dans leur génie ni assez d’abondance ni assez de force pour attacher durant cinq actes leurs spectateurs par une action simple, soutenue de la violence des passions, de la beauté des sentiments et de l’élégance de l’expression[5].

Racine aurait en effet fait quelque chose de rien ici en créant cette pièce avec pour seule source la phrase latine « Titus, reginam Berenicen, cum etiam nuptias pollicitus ferebatur, statim ab Urbe dimisit invitus invitam. »[6].
L’un des moyens d’obtenir l’effet purificateur sur le public, entre autres, est la mort d’un ou plusieurs des personnages principaux, car quoi de pire que de perdre la vie ? Malgré ce fait, ce n’est pas le cas ici. Racine lui-même dit dans sa préface :  

Ce n’est point une nécessité qu’il y ait du sang et des morts dans une tragédie; il suffit que l’action en soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soient excitées, et que tout s’y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie[7].

L’action est effectivement grande et les personnages sont effectivement héroïques. Bien que l’action de Titus dans cette pièce puisse sembler simple, elle doit être considérée comme héroïque, « Titus fait sans cesse un douloureux effort sur lui-même jusqu’au transport d’héroïsme final auquel les deux autres personnages viennent s’associer. »[8]. Les personnages restent vivants, mais ce n’est pas nécessairement une chose heureuse. Tous trois doivent continuer à vivre, séparés les uns des autres, sans leur amour, sans but dans la vie. Cela pourrait être encore plus cruel que de faire mourir les personnages.

        Maintenant qu’il s’agit bien d’une tragédie, la question de recherche peut être abordée plus en détail. Pour montrer que l’enjeu véritable n’a pas lieu dans l’action ou dans la prise de décision, il convient d’examiner ces actions et les décisions prises. On sait déjà que Racine préconise une énorme simplicité dans cette œuvre, il n’est donc pas surprenant qu’il soit peu question de prise de décision ou d’action. En commençant par la plus grande décision de toutes : la décision de Titus de quitter Bérénice en faveur de son rôle d’empereur, nous savons que cette décision n’a même pas été prise par Titus ;

N’en doutez point, Seigneur. Soit raison, soit caprice,
Rome ne l’attend point pour son impératrice.
On sait qu’elle est charmante. Et de si belles mains
Semblent vous demander l’empire des humains.
Elle a même, dit-on, le cœur d’une Romaine.
Elle a mille vertus. Mais, Seigneur, elle est reine.
Rome, par une loi, qui ne se peut changer,
N’admet avec son sang aucun sang étranger,
Et ne reconnaît point les fruits illégitimes,
Qui naissent d’un hymen contraire à ses maximes. (Paulin : II, 2)

Que Titus doive quitter Bérénice est une conclusion à laquelle le Sénat est parvenu huit jours avant le début de la pièce. La difficulté que Titus rencontre alors est principalement de communiquer cette décision à Bérénice. Ensuite l’action telle qu’elle est énoncée ci-dessus n’est, à nouveau, qu’une action très simple, à savoir la rupture de Titus et Bérénice, « Quand la pièce commence, la décision de Titus est déjà prise, […]. Mais il y a loin de la décision à l’accomplissement : c’est précisément dans cet intervalle de souffrance, de protestation, de révolte et de malheur que ce situe l’action.[9] ».

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