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Droit administratif - la distinction SPA/SPIC

Commentaire d'arrêt : Droit administratif - la distinction SPA/SPIC. Recherche parmi 303 000+ dissertations

Par   •  28 Octobre 2025  •  Commentaire d'arrêt  •  3 359 Mots (14 Pages)  •  19 Vues

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TD - SÉANCE 5 : DROIT ADMINISTRATIF – LA DISTINCTION SPA/SPIC

BOURASSEAU Elina, Groupe 2

        « La distinction entre le service public administratif et le service public industriel et commercial a surtout été une distinction de circonstances » soulignait Marcel Waline, juriste reconnu du XXème siècle, observant ainsi que cette dichotomie, instituée au début du même siècle, ne reposait pas sur un principe théorique immuable, mais sur une nécessité pratique du juge.

        En effet, la notion de service public, désignant une activité d’intérêt général assumée ou régulée par une personne publique, a été amené au début du XXème siècle, à se subdiviser en deux catégories : les services publics administratifs (SPA) et les services publics industriels et commerciaux (SPIC). A l’origine, tout service public relevait du droit administratif, un principe affirmé par l’arrêt Blanco (TC, 8 février 1873) puis confirmé par les arrêts Terrier (CE, 6 février 1903) et Thérond (CE, 4 mars 1910). Cependant, avec le développement d’activités économiques par l’administration, cette conception unitaire est apparue comme inadaptée. Ainsi, la décision Société Commerciale de l’Ouest africain (TC, 22 janvier 1921) dit décision Bac d’Eloka vient rompre avec cette conception et pose les bases de la distinction SPA/SPIC, en admettant qu’un service public puisse fonctionner « dans les mêmes conditions qu’un industriel ordinaire », et non comme un ouvrage public, ce qui a conduit les juges du Tribunal des conflits à confier la compétence au juge judiciaire. Désormais, au sein des services publics, on distingue les SPA, ayant pour objet une activité d’intérêt général non marchande, géré selon les règles du droit administratif, relevant de la compétence du juge administratif, généralement financé par l’impôt et mettant en œuvre des prérogatives de puissance publique ; et les SPIC dont l’activité présente un caractère économique ou marchand, exercée dans des conditions analogues à celles d’une entreprise privée, financée principalement par les redevances des usagers, et soumis majoritairement au droit privé et à la compétence du juge judicaire. De cette manière, la distinction SPA/SPIC repose sur des critères tels que l’objet, l’organisation ou encore le financement, destinés à distinguer les activités relevant du régime général de droit public de celles s’apparentant à une exploitation privée. Cette classification devient alors essentielle puisqu’elle permet de déterminer la juridiction compétente et le droit applicable à chaque service public. Néanmoins, dans un contexte plus actuel, avec l’émergence croissante de diverses méthodes de gestion à l’image des délégations, des sociétés d’économie mixte, des partenariats public-privé ; et l’influence du droit européen, la pertinence de cette distinction est remise en question.

        L’étude de cette distinction fait d’abord ressortir un intérêt théorique majeur, puisqu’elle remet en question la valeur actuelle d’une distinction ancienne du droit administratif. Créée dans un contexte où l’État commençait à exercer des activités économiques, la séparation étudiée a permis d’organiser la répartition des compétences entre les deux ordres de juridiction. Mais plus d’un siècle après l’arrêt Bac d’Eloka, on peut se demander si cette distinction, née d’une nécessité pratique, soulignée par Marcel Waline, a encore un sens dans un droit public moderne, influencé par le marché et le droit européen. Ainsi, elle conduit à réfléchir sur la cohérence du critère du service public et sur la capacité du droit administratif à s’adapter à l’évolution de l’action publique. De plus, l’étude de cette distinction reflète les transformations du rôle de l’État, autrefois prestataire de services publics, aujourd’hui davantage régulateur des opérateurs privés. Ainsi, la question de la pertinence de la distinction SPA/SPIC revient à se demander si le droit administratif parvient encore à concilier logique d’intérêt général et logique économique, sans perdre son autonomie. Enfin, sur un plan davantage pratique, l’étude de cette distinction met en avant son rôle ancien dans la structuration du droit du service public, bien que cette pertinence soit aujourd’hui fragilisée par la complexité grandissante des services publics et l’effacement de la frontière entre droit public et droit privé.

Mais donc, la distinction SPA/SPIC, construite sur des critères traditionnels, demeure-t-elle adaptée à l’évolution du service public et à l’imbrication croissante des logiques publiques et privées ? Autrement dit, cette distinction a-t-elle encore une portée pratique et juridique réelle, ou est-elle devenue trop rigide face à l’évolution des formes de gestion publique ?

Si la distinction SPA/SPIC conserve des fondements et des conséquences juridiques importants (I), nombre d’arguments tendent à relativiser cette distinction, voire à la faire évoluer (II).

  1. Une distinction pertinente par sa cohérence fonctionnelle et son utilité juridique.

Si la distinction entre service public administratif et service public industriel et commercial peut sembler datée, elle demeure néanmoins fondée sur une logique cohérente et adaptée à la diversité des activités publiques actuelles. En effet, cette classification des services publics, issu de la jurisprudence, n’est pas une création théorique arbitraire, mais la conséquence d’une volonté du juge de faire coïncider le droit applicable avec la réalité et les modalités concrètes d’exercice du service public. Ainsi, cette distinction, construite sur des critères stables, permet encore aujourd’hui d’assurer une certaine unité du droit du service public. Cette distinction est donc pertinente dans la mesure où elle est fondée sur la jurisprudence et adaptée à la nature de l’activité exercée (A) ; et dans la mesure où elle permet de structurer le droit administratif (B).

A. Une construction jurisprudentielle fondée sur la logique de gestion et la nature de l’activité.

 L’une des principales forces de la distinction SPA/SPIC, et ce qui en fait une construction pertinente, réside dans son origine jurisprudentielle. En effet, cette dernière s’est construite progressivement, au gré des besoins de la pratique administrative et des exigences d’efficacité du service public. De cette manière, le juge administratif et surtout, le juge des conflits, ont cherché à adapter le droit applicable à la diversité croissante des activités exercées par l’administration, en distinguant celles qui relèvent de la puissance publique de celles qui s’apparentent à une activité économique ordinaire.  Lorsque le Tribunal des conflits, à travers l’arrêt Bac d’Eloka évoqué précédemment, crée la catégorie du service public industriel et commercial, l’objectif n’est pas théorique mais davantage pratique. Il s’agit de soumettre les activités économiques publiques au droit commun, mieux adapté à leur fonctionnement, et d’éviter que le droit administratif, trop rigide, n’entrave leur efficacité. La distinction SPA/SPIC est donc toujours pertinente dans la mesure où elle apparait d’abord comme une réponse pragmatique du juge à l’évolution de l’État, devenu un acteur économique aux cotés des opérateurs privés. Cette approche pragmatique a ensuite été confirmée et nuancée par le Conseil d’État, à travers l’arrêt Caisse primaire « Aide et Protection » (CE, Ass., 13 mai 1938). Dans cet arrêt, le juge admet qu’un organisme de droit privé, en l’espèce une caisse gérant les assurances sociales, peut être chargé de l’exécution d’un service public administratif, dès lors qu’il agit dans un but d’intérêt général et sous le contrôle d’une autorité publique. Par cette solution, le Conseil d’État démontre que la distinction entre SPA et SPIC n’est pas un principe théorique immuable. En effet, la distinction étudiée ne dépend, ni de la nature juridique de l’organisme, ni de son statut, mais bien de la finalité du service et des modalités concrètes de sa gestion. Cette décision illustre alors la souplesse du raisonnement jurisprudentiel, qui permet au juge d’adapter le droit applicable à la réalité du terrain. En reconnaissant qu’un service public administratif peut être géré par une personne privée sans perdre son caractère public, la Haute juridiction renforce l’idée que la distinction SPA/SPIC constitue avant tout une réponse pragmatique aux besoins de l’administration, ce qui confirme la pertinence de cette classification. Pour Marcel Waline, cité précédemment, cette distinction « n’a jamais reposé sur une théorie abstraite, mais sur une nécessité pratique », celle de maintenir la cohérence du système juridique face à la diversification des activités publiques. De même, Léon Duguit, juriste français et spécialiste du droit public, voyait déjà, dès 1913, dans son œuvre Les transformations du droit public, que le service public était un instrument d’adaptation du droit aux besoins collectifs, qu’ils soient administratifs ou économiques.

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