Dissertation de droit fiscal
Commentaire d'arrêt : Dissertation de droit fiscal. Recherche parmi 302 000+ dissertationsPar Bendo009 • 15 Mai 2025 • Commentaire d'arrêt • 2 328 Mots (10 Pages) • 37 Vues
Sujet : Conseil d’État N° 473997, 25 octobre 2024
Rendue par la Section du contentieux du Conseil d’État (CE) et publiée au recueil Lebon, la décision du 25 octobre 2024 s’inscrit dans une série d’arrêts majeurs relatifs à l'articulation entre les contributions sociales et les normes européennes sur la coordination des systèmes de sécurité sociale. Bien que qualifiées fiscalement, ces contributions demeurent rattachées à des logiques de financement de la protection sociale, ce qui les expose à des exigences issues du droit de l’Union européenne (UE), et notamment à la règle de l’unicité de législation applicable en matière de sécurité sociale.
En l’espèce, Mme A, résidente fiscale française, percevait une pension de retraite de source française. À la suite du décès de son époux, elle a bénéficié en 2015 d’un versement en capital d’une pension de réversion par un organisme suisse. À la suite d’un contrôle, l’administration fiscale française a assujetti cette pension de droit suisse à la contribution sociale généralisée (CSG), à la contribution au remboursement de la dette sociale (CRDS), et à la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie (CASA).
Mme A a contesté cette imposition, invoquant une limitation de l’assiette des prélèvements sociaux aux seules pensions de source française. Le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande par un jugement du 2 août 2021. Ensuite, la cour administrative d’appel (CAA) de Lyon a partiellement donné raison à Mme A en limitant le montant des contributions sociales à celui de la seule pension de source française, considérant qu’en vertu de l’article 30 du règlement de 2004 sur la coordination des systèmes de sécurité sociale, l’État ne pouvait prélever de cotisations que dans cette limite. La CAA ramène à 3 094 euros le montant des contributions sociales dues à raison de la pension de retraite de réversion en capital versée en 2015. Le ministre des finances, par un pourvoi au CE, demande l’annulation des articles 1 à 3 de cet arrêt d’appel.
La question posée au CE était donc de savoir si, en application du droit de l’Union européenne, l’État membre compétent en matière de sécurité sociale peut assujettir aux contributions sociales l’ensemble des pensions perçues par un résident fiscal, y compris celles de source étrangère, ou s’il doit limiter cette assiette à la seule pension versée par lui.
Le CE a annulé l’arrêt de la cour d’appel, estimant que les articles 30 du règlement de 2004 et 30 du règlement de 2009, sur la coordination des régimes de sécurité sociale, n’interdisent pas à l’État membre compétent de soumettre à cotisations la totalité des pensions perçues par un résident, dès lors qu’il assure la couverture maladie. Ainsi, en jugeant que Mme A ne pouvait être assujettie qu’à hauteur de sa pension française, la CAA de Lyon a méconnu les dispositions précitées du droit de l’Union. Le Conseil d’État annule donc l’arrêt pour erreur de droit et renvoie l’affaire devant la CAA de Lyon.
Cet arrêt confirme que, dès lors que la France est l’État compétent en matière de sécurité sociale, elle peut assujettir aux contributions sociales la totalité des pensions perçues par le résident fiscal, y compris celles versées par un organisme d’un autre État membre ou d’un État tiers lié par un accord (comme la Suisse).
Cette décision intervient dans un contexte de croissance des situations dites de polypensionnés, où des contribuables français perçoivent des retraites de plusieurs États européens, voire tiers, soulevant d’importantes difficultés quant à la coordination des législations sociales et fiscales. La portée de l’arrêt dépasse alors le simple cas d’espèce. De fait, en validant la possibilité pour l’État compétent de fonder l’assiette de ses contributions sociales sur des pensions versées par un organisme étranger, le Conseil d’État confirme l’alignement du droit fiscal interne avec le droit de l’Union européenne, tout en précisant les modalités d’imposition des pensions étrangères.
Dans quelle mesure l’État compétent au regard du droit de l’Union peut-il assujettir aux contributions sociales des pensions perçues d’un autre État sans méconnaître les principes de coordination des législations sociales ?
Il s’agira alors de montrer comment le Conseil d’État a renforcé l’unité du système d’assujettissement social (I), tout en opérant un dépassement des limites traditionnelles de territorialité fiscale dans un objectif d’efficacité du droit de l’Union (II)
- La compétence de l’État membre reconnue pour assujettir l’ensemble des pensions perçues
Le Conseil d’État consacre, en cohérence avec les règlements européens applicables, la compétence exclusive de l’État de résidence pour assujettir les revenus aux contributions sociales (A), tout en précisant le sens exact de cette compétence en l’absence de plafonnement au montant de la pension nationale (B).
- Une application stricte du principe d’unicité de législation applicable en matière sociale
Le CE affirme que l’article 11 du règlement de 2004 s’applique pleinement en l’espèce, dans les relations entre la France et la Suisse, en vertu de la décision n° 1/2012 du comité mixte institué par l’accord sur la libre circulation des personnes.
Il rappelle que ce texte interdit le cumul de plusieurs législations de sécurité sociale pour une même personne à une période donnée, posant ainsi clairement le principe de l’unicité de législation applicable. Cette règle signifie qu’un contribuable ne peut être affilié qu’à un seul régime de sécurité sociale à la fois, principe de base du droit européen issus des règlements de coordination des régimes de sécurité sociale.
Ce principe vise à garantir que les personnes mobiles au sein de l’Union (et des États tiers liés par accord, comme la Suisse) ne soient pas soumises à des contributions sociales dans plusieurs États pour les mêmes revenus. C’est une garantie à la fois de sécurité juridique et d’effectivité du droit de l’Union, qui évite les doubles impositions. Il renforce également l’idée que les contributions sociales d’espèce (CSG, CRDS, CASA), bien qu’elles relèvent du droit fiscal, sont intrinsèquement liées au système de protection sociale.
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