Arrêt Cass. 3e civ., 29 mai 2013
Commentaire d'arrêt : Arrêt Cass. 3e civ., 29 mai 2013. Recherche parmi 303 000+ dissertationsPar ijty • 22 Septembre 2025 • Commentaire d'arrêt • 4 906 Mots (20 Pages) • 61 Vues
de Commentaire d’arrêt
Cass. 3e civ., 29 mai 2013
En l’espèce, une société a vendu à une autre par une promesse synallagmatique de vente et sous plusieurs conditions suspensives un terrain et des bâtiments. L’une des ces conditions tenait à l’obtention par l’acquéreur d’un prêt avant le 30 novembre 2010, tandis que l’acte devait être réitéré par acte authentique au plus tard le 31 décembre 2010.Par un courrier du 28 novembre 2010, la société ayant promis d’acquérir a sollicité la prorogation du délai de réalisation des conditions. Sa cocontractante n’y a pas répondu.
Par un autre courrier du 28 mars 2011, la société ayant promis d’acquérir a informé sa cocontractante qu’elle avait obtenu le financement requis et qu’elle voulait fixer une date pour réitérer l’acte authentique et ainsi parfaire le contrat de vente.
A ce second courrier, la société qui avait promis de vendre a répondu que la promesse était caduque.
La société ayant promis d’acheter a assigné celle qui avait promis de vendre en exécution forcée de la vente.
On ignore quelle fut la décision de première instance mais il est certain qu’un appel a été interjeté et que la cour d’appel a accédé à la demande initiale en considérant que la promesse n’était pas caduque. Elle a motivé sa décision en retenant que 1. la condition était stipulée dans l’intérêt de l’acquéreur, 2. Les parties n’avaient pas fixé la sanction de la survenance du terme pour réitérer l’acte et qu’en conséquence l’acquéreur était fondée à poursuivre l’exécution forcée de la vente contre la venderesse qui, pour y échapper, aurait du lors du délai mettre en demeure l’acquéreur de s’exécuter ou agir en résolution de la convention.
Un pourvoi en cassation est alors formé :
Problématique : Il s’agit de savoir si, lorsque la condition suspensive n’est pas accomplie dans le délai prévu pour la réitération de la vente nécessaire à sa perfection, la promesse de vente est caduque de plein droit ou si l’acquéreur peut en poursuivre l’exécution.
La Cour de cassation casse et annule l’arrêt au visa de l’article 1134 (ancien) du code civil. Elle commence par invoquer l’existence d’un délai de réalisation de la condition suspensive puis l’absence de réalisation de cette condition à l’intérieur d’un second délai, celui de la réitération par acte authentique.
De la combinaison de la circonstance que la condition n’était pas accomplie à l’expiration de ce second délai avec celle de l’absence d’acceptation du report du délai de signature par le vendeur, la Cour de cassation déduit que la cour d’appel a violé l’article 1134 du code civil. On en déduit qu’elle aurait dû constater la caducité de la promesse synallagmatique de vente comme l’avait initialement opposé la société venderesse à l’acquéreur.
Le visa de l’article 1134 nous révèle que la cour d’appel a méconnu ce qu’avaient voulu les parties. En soumettant la perfection du contrat a la réalisation d’une condition suspensive puis d’une réitération par acte authentique enfermées dans un double délai, les parties avaient entendu aménager le sort du contrat dans le sens indiqué par la venderesse, à savoir la caducité de la promesse. La cour d’appel a donc méconnu la portée du délai de réitération fixé par les parties, délai dans lequel la condition devait s’accomplir. Il apparait donc sur ce point que la Cour de cassation étend le délai de réalisation de la condition, car celle-ci peut être accomplie jusqu’à la réitération alors même que les parties avaient entendu enfermer la réalisation de cette condition dans un délai plus court. La sens de cette partie de l’arrêt devra donc être éclairé
I. Le sort de la condition suspensive assortie d’un délai de réalisation contenu dans un délai de réitération
Si l’arrêt n’est pas d’une absolue clarté, il est absolument clair sur un point : une condition suspensive est susceptible de s’accomplir, lorsqu’ont été stipulés un délai de réalisation des conditions suspensives et un délai plus long de réitération de l’acte, jusqu’à l’expiration du délai de réitération. Là est donc l’apport explicite de l’arrêt : la possibilité de l’accomplissement de la condition jusqu’à l’expiration du délai de réitération (A). Au-delà de cette possibilité, il nous faut interpréter l’arrêt pour y trouver les autres enseignements qu’il recèle. Il nous semble que la distinction effectuée par la Cour de cassation entre les deux délais stipulés dans la promesse synallagmatique de vente est porteuse de conséquences sur la situation juridique de l’acquéreur au bénéfice duquel la condition a été stipulée. C’est l’apport implicite de l’arrêt : le pouvoir de l’acquéreur sur la condition sous l’empire du premier et du second délai (B)
A. L’apport explicite de l’arrêt : la possibilité de l’accomplissement de la condition jusqu’à l’expiration du délai de réitération
Dans son attendu principal, la Cour de cassation relève l’existence de deux délais distincts par leur objet :
1. un premier délai dans lequel la condition suspensive devait se réaliser.
2. un second délai dans lequel la vente devait être réitérée par acte authentique.
La Cour de cassation a donc dû trancher la question de savoir lequel de ces délais fixait le terme jusqu’auquel pouvait être accomplie la condition suspensive. Elle a, dans l’arrêt, procédé à l’identification du délai butoir de réalisation de la condition suspensive (1). La Cour de cassation fonde son choix sur l’article 1134 ancien du code civil. C’est donc sur la volonté des parties que la Cour de cassation a assis la justification de l’identification du délai butoir de réalisation de la condition suspensive (2).
1. L’identification du délai butoir de réalisation de la condition suspensive
En l’espèce, la condition suspensive discutée consistait dans l’obtention d’un crédit, condition classique en matière de ventes immobilières. Il faut immédiatement écarter la question de la nature purement ou simplement potestative d’une telle condition, la Cour de cassation considérait qu’une telle condition échappe à la sanction fulminée par l’article 1174 anc. du code civil. Il en va de même sous l’empire du droit nouveau (art. 1304-2 c. civ.) car il ne dépend pas de la seule volonté de celui qui cherche un emprunt de l’obtenir, il faut encore que le prêteur acquiesce (art. 1171 anc. c. civ. visant la condition mixte). L’emprise du débiteur sur la condition, notamment sa capacité à empêcher que le crédit lui soit accordée par sa totale passivité ou sa mauvaise grâce, est appréhendée par l’article 1178 anc. du code civil et l’article 1304-3 nouveau dont la sanction n’est pas la nullité de l’obligation mais la réalisation fictive de la condition qui emporte au contraire la perfection de l’obligation sous condition suspensive qui accède alors au statut d’obligation pure et simple (Le vendeur n’avait aucun intérêt à s’engager sur ce terrain car précisément il ne voulait plus vendre).
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