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La Loyauté De La Preuve

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Par   •  23 Novembre 2014  •  7 307 Mots (30 Pages)  •  2 526 Vues

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La loyauté de la preuve (à travers quelques arrêts récents de la chambre criminelle) (par M. Pascal Lemoine, conseiller référendaire à la Cour de cassation)

L’interrogation de la base documentaire Jurinet, effectuée en accolant les mots-clés "loyauté" et "preuve", permet de consulter 177 arrêts rendus par la chambre criminelle de la Cour de cassation depuis 1963. Même si toutes ces décisions ne concernent pas directement notre sujet, elles permettent néanmoins de constater, à travers ce simple prisme statistique, qu’il s’agit d’une question qui est fréquemment invoquée au soutien d’un pourvoi en cassation formé en matière pénale.

Domat a défini la preuve comme "ce qui persuade l’esprit d’une vérité" (1), ce qu’exprime également la maxime latine "idem est non esse et non probari" (2).

Aussi, dès lors que la recherche de la vérité reste l’objectif majeur du procès pénal, les questions liées à l’origine et à la valeur de la preuve sont d’autant plus importantes qu’elles ne peuvent plus, dorénavant, être dissociées des impératifs d’efficacité et de célérité (3) qui doivent également guider la conduite de la procédure pénale jusqu’à son terme. Cette préoccupation, qui explique que le panel des réponses pénales se soit largement diversifié au cours des deux décennies écoulées, a pour effet de confier fréquemment à la juridiction de jugement, saisie sur le fondement de l’article 385 du Code de procédure pénale, le soin de trancher d’éventuelles nullités de procédure.

Dans le même temps, la délinquance et la criminalité ont évolué. En ayant habilement recours aux nouvelles technologies, aussi bien pour commettre les faits que pour tenter d’empêcher l’identification de leurs auteurs et leur permettre d’échapper aux poursuites, elles tendent à revêtir plus largement que par le passé un caractère sophistiqué, occulte, parfois opaque (4). De son côté, l’accusation souhaite également profiter des avancées technologiques, dans un souci évident d’efficacité.

Du point de vue de la loyauté de la preuve, cette évolution de la délinquance et des techniques d’investigation pose à la Justice la question de l’étendue du contrôle qu’elle exerce sur les preuves qui lui sont soumises, au regard notamment des principes contenus, dans les articles 3, 5, 6, 8 et 10 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

L’article 6 pose les deux principes d’égalité des armes et de respect du contradictoire qui emportent des conséquences originales, par exemple, sur la définition des règles admises pour recueillir les témoignages, avec le développement de la notion de procès équitable. En outre, à la différence de l’article 8, il ne prévoit pas de possibilité de déroger aux principes qu’il édicte, hormis celui -limité- de la publicité des débats à l’audience de la juridiction de jugement.

Pour autant, ce texte ne mentionne pas le principe de loyauté, et l’article 14 du Pacte international des droits civils et politiques n’y fait référence qu’en consacrant le droit de chacun à ne pas s’auto-incriminer, tandis que l’article préliminaire du Code de procédure pénale n’y fait pas davantage allusion, alors pourtant qu’il définit les principes directeurs du procès pénal (5).

Si l’on définit la loyauté comme "la fidélité à tenir ses engagements, à obéir aux règles de l’honneur, de la probité" (6), il s’ensuit que le respect du principe de loyauté devient, non seulement, la condition d’exercice des droits de la défense mais, plus généralement, celle de la conduite du procès équitable.

Cette définition rejoint d’ailleurs celle qu’en donnait, il y a plus de quarante ans, le doyen Bouzat (7), pour lequel la loyauté est "une manière d’être de la recherche des preuves, conforme au respect des droits de l’individu et à la dignité de la justice".

Plus récemment, les auteurs d’une recherche universitaire portant sur les transformations de l’administration de la preuve pénale (8) ont relevé que "philosophiquement, les objectifs de la procédure pénale -vérité, légitimité, efficacité- au service desquels est mise la preuve se révèlent en tension interne, la légitimité pouvant cantonner la recherche de vérité et d’efficacité, ou l’inverse ; l’efficacité pouvant tendre à l’objectivation de la vérité, ou à sa défiguration, etc.".

Comment garantir, dans ces conditions, une exigence de loyauté dans la production des preuves qui soit compatible, non seulement avec le principe de liberté des preuves posé, notamment, par l’article 427 du Code de procédure pénale, mais aussi avec l’assurance d’une procédure pénale équitable et impartiale tout en restant efficace ?

Tenter cette conciliation c’est finalement essayer d’ériger au rang d’un principe général de procédure (9) et conférer valeur juridique à un concept, celui de loyauté, qui appartient, faute d’affirmation textuelle explicite, essentiellement au domaine moral.

La Cour européenne des droits de l’homme, depuis un arrêt du 6 décembre 1988 (10), paraît avoir consacré une obligation de loyauté dans la réunion policière et judiciaire des preuves, corollaire de l’exigence d’un procès équitable. Elle prend soin cependant de rappeler que l’admissibilité des modes de preuve relève essentiellement du droit interne (11), et que les organes de la Convention se bornent "à rechercher si la procédure, considérée dans son ensemble, y compris le mode de présentation des preuves, revêt un caractère équitable" (12).

Une telle approche est critiquée car cette conception "globalisante (est) finalement moins protectrice de l’accusé qu’on aurait pu l’espérer" (13).

Aussi, dès lors qu’il se trouve ainsi renvoyé à ses propres responsabilités, en quelque sorte, le juge national doit-il se montrer particulièrement exigeant sur les conditions d’obtention des preuves qui lui sont soumises, et doit-il admettre celles qui auraient été obtenues de manière déloyale, voire illicite, et même illégale ?

En effet, si "l’intérêt supérieur de la société, mais aussi l’intérêt du présumé innocent convergent pour que, devant la vérité, tout obstacle juridique tenant aux modes de preuve soit aplani" (14), n’y-a-t’il pas "quelque contradiction à sanctionner la transgression de la loi sur la base de preuves elles mêmes obtenues illégalement"

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