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Incendies Résumé

Fiche : Incendies Résumé. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  12 Octobre 2019  •  Fiche  •  4 182 Mots (17 Pages)  •  5 728 Vues

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Séance 2 : scène 1 : « Notaire » une scène d’exposition originale ?

Incendies est une pièce de théâtre créée en mars 2003. Il s'agit du deuxième volet de la tétralogie Le Sang des promesses amorcée avec Littoral en 1997 et qui sera suivi par Forêts et Ciels. L'œuvre est écrite au cours de répétitions avec une troupe de comédiens, qui ont d’ailleurs influencé la création du caractère de certains personnages ( voir préface ). C’est une pièce tragique, inspirée par le mythe d’Œdipe, mais c’est une pièce influencée aussi par la vie du dramaturge Wajdi Mouawad, qui a connu la guerre du Liban pendant son enfance. Ce dernier est un auteur contemporain, qui a immigré en France puis au Canada pour fuir la guerre avec sa famille, et qui a découvert le théâtre là-bas. Il sort diplômé de l’école nationale de théâtre du Canada et se trouve être assez polyvalent : il joue, met en scène, écrit et dessine même… Depuis plusieurs années il vit en France et depuis 2016 il dirige le théâtre de la Colline à Paris.  

        La pièce s’ouvre sur un décès celui de Nawal, mère des jumeaux. Au bureau du notaire, Hermile Lebel. A la fois monologue, à la fois tirade puisque s’adresse à « vous ». Scène d’exposition et prologue. Com verbal et situation tragique.

Traditionnellement au théâtre, la première scène est là pour fournir au spectateur les éléments dont il a besoin pour comprendre l’intrigue et l’action qui va suivre. Wajdi Mouawad, auteur du 21ème  siècle renouvelle ici cette tradition : elle donne des informations essentielles (I) mais la mise en scène du personnage d’Hermile Lebel est assez originale (II) ….

I Une scène d’exposition qui remplit bien ses fonctions :

1) Elle présente les lieux :

La présentation qu’Hermile Lebel fait de son étude livre un certain nombre d’indications importantes: «les voitures et le centre d’achats», «l’autoroute» dessinent un paysage urbain, peu agréable, celui d’une grande métropole occidentale… Quant à la ville exacte, elle n’est pas clairement citée. Pour le lecteur, le prénom d’Hermile renvoie cependant au Québec.

2) … le temps, l’époque :

On suppose donc qu’il s’agit de l’époque contemporaine, aux vues de la description du paysage extérieur d’Hermile Lebel. La saison est clairement indiquée: pour le lecteur par la didascalie première «Jour. Eté». Pour le spectateur, la mention de la «fenêtre ouverte», et de «l’air conditionné» qui n’est pas installé le précise plus nettement.

3) …l’intrigue

La scène se passe après la mort d’un personnage dont le nom n’est pas encore cité: il s’agit d’une femme et le notaire dans son rôle traditionnel a convoqué les enfants pour leur faire part de son testament. A plusieurs reprises, Hermile Lebel s’adresse à ces enfants en utilisant l’impératif: «Entrez, entrez, entrez! Ne restez pas dans le passage enfin, c’est un passage». Dans son discours, il nous apprend aussi indirectement qu’il s’agit de deux jumeaux, une fille et un garçon. On apprend aussi que la mère n’était pas originaire du Canada, mais d’un pays «où il ne pleut jamais». Un certain silence la caractérisait « elle ne disait jamais rien à personne », « ne plus rien dire du tout », « elle m’a déjà parlé de vous. Un peu. Parfois ». Les négations s’enchaînent et s’accumulent: «jamais», «rien», «personne», «rien du tout», «rien», «rien». Une telle insistance suggère l’existence d’un secret et le lecteur pressent que c’est là que va se jouer l’intrigue.

4) …« Le passage » :

La scène se passe dans le bureau du notaire mais le mot « passage » est ambigu, et surtout le pronom « vous » qui s’adresse aux spectateurs et aux enfants qui sont absents de la scène ! On devrait plutôt dire « couloir » ? C’est que cette ouverture, cette scène d’exposition est symboliquement un « passage » dans la pièce, à la fois pour les spectateurs et pour les enfants, qui sont réticents « Entrez, entrez, entrez. Ne restez pas… ». Ce qui les attend semble mystérieux et sordide... « Il va bien falloir agir », « je comprends qu’on ne veuille pas entrer », « mal nécessaire ».

5) Et la tonalité de la pièce :

La tonalité de la pièce est plus ambiguë à définir: l’étude est située dans un environnement sinistre «j’ai une vue sur le centre d’achats», le local n’est pas encore totalement aménagé et Hermile Lebel souligne «les autres notaires sont partis. Je suis tout seul». On est dans une atmosphère de deuil (une femme vient de mourir), le notaire évoque le mauvais temps qui a caractérisé cette mort «Quand elle est morte, il pleuvait», et apparaît également très affecté par les événements: la didascalie finale «il éclate en sanglots

» le montre clairement. Il semblerait donc que la pièce s’inscrive dans un registre tragique ou du moins pathétique.

II Hermile Lebel :

  1. C’est un personnage étrange et attachant : ne cesse de s’excuser l.15 ou de se justifier l.60, 15. Il avoue facilement son ignorance « je ne sais pas » on dirait un enfant « zoiseaux »! l.45 Il commence un mensonge pour les réconforter puis se rétracte «Elle m’a souvent parlé de vous. Enfin pas souvent… »  . Il utilise bcp la fonction phatique du langage : « Oui. Bon. C’est sûr, c’est pas facile »… il parle pour maintenir un contact avec les jumeaux et exprimer son désarroi. Et il est très bavard ! Hermile Lebel est donc celui qui parle, contrairement à la mère.
  2. Décalage par rapport à sa fonction : il est le contraire de ce que l’on attend d’un notaire ! Il a une syntaxe relâchée et un langage familier « C’était pas…, C’est pas, racontars ».  Il n’arrive pas à se concentrer sur l’objet de l’entrevue avec ses clients, il fait des digressions « oiseaux, vue, panneau pub, air conditionnée… » Il fait des considérations générales vers la ligne 40 sur la mort. Il s’épanche facilement l.44, la fin, il fait des plaisanteries déplacées « l’enfer est pavé… » car il se sent mal et parce que les liens qui l’unissaient à sa cliente sont beaucoup plus profonds et vis-à-vis des jumeaux son discours est celui de la compassion: il comprend leur situation, mais insiste sur la vie qui continue: «il va bien falloir agir. Continuer à vivre comme on dit», et parlant du testament, il évoque «un mal nécessaire», l’adjectif lui-même est utilisé deux fois. Son rôle va donc largement au-delà de ce que l’on attend d’un notaire traditionnel.
  3. Son monologue est assez comique malgré la situation : il détourne, retourne les proverbes et les dictons « raconter des histoires, bonnes intentions, mer à boire, long en large ». Il fait des répétitions  « C’est sûr, c’est sûr, c’est sûr / Entrez, entrez, entrez / j’aimais votre mère / parlé de vous » Pour exorciser la mort ? Résister contre le deuil…
  4. Son discours décousu déforme le langage par sa bêtise mais révèle sa malice et sa poésie : la mort est personnifiée l. 40-41, par exemple : « elle détruit toutes ses promesses » l.41 : personnification de la mort, présent de vérité générale, les « promesses » de Nawal ? les « promesses » de la mort ? cad de reposer en paix ? De venir plus tard ? Ligne 56 figure de style un peu maladroite mais émouvante « Je ne vous raconte pas… ». Permet de contrer la gravité du propos, permet de repousser la tension dramatique avant l’entrée des jumeaux, le spectateur sent que la mécanique va se mettre en route alors c’est un peu inquiétant.
  5. Le discours du notaire révèle peu à peu une situation familiale assez mystérieuse dans laquelle il va jouer un rôle particulier : la mère ne semblait pas très proche de ses enfants ( « la jumelle, le jumeau » au lieu de les désigner par leur prénom ),  alors que le notaire semblait assez proche d’elle « j’aimais votre mère, ça m’a fait bcp de peine, votre mère qui m’a appris ». Du fait aussi de son silence, le notaire apparaît comme celui qui va pouvoir être un intercesseur.

Conclusion:

Une scène qui joue avec les codes traditionnels: comme scène d’exposition, elle donne un certain nombre

d’informations, mais de manière encore très parcellaire et crée autour du personnage de Nawal une impression de mystère que confirmera dans la suite le testament de la vieille femme. Elle présente par ailleurs un personnage singulier, Hermile Lebel qui dépasse l’image habituelle du notaire, par l’implication dont il fait preuve: il introduit les jumeaux dans leur histoire, et annonce ainsi le soutien qu’il va leur offrir jusqu’à la fin de leur quête.

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