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Histoire et memoire cas

Cours : Histoire et memoire cas. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  21 Septembre 2016  •  Cours  •  1 306 Mots (6 Pages)  •  724 Vues

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Histoire et mémoire

l'histoire s'est véritablement constituée, en tant qu'une des sciences de l'homme, au XIX° siècle, en établissant une méthode spécifique avec les essais antérieurs, considérés comme des tentatives par trop idéologiques ou comme des compilations purement érudites. Cette « discipline » implique un éloignement à l'égard de tout ce qui peut être anecdotique, sentimental, symbolique et par conséquent à l'égard de tout ce qui touche à la mémoire. Or histoire et mémoire sont aujourd'hui de plus en plus associées par les historiens eux-mêmes, mais surtout par les médias. Plus préoccupant, le politique s'en mêle au point de mettre au jour des lois mémorielles, pleines de bons sentiments mais sujettes à de vives controverses.

Comme le souligne Jean Pierre Riou, l'histoire est avant tout savante : elle est une pensée du passé. L'historien donne un cadre chronologique et « périodise » l'objet de sa recherche pour finir par donner une représentation du passé. L'historien entretient donc avec la mémoire un rapport de filiation, mais aussi de filtration. En revanche, le mot mémoire est pour le moins ambigu et polysémique : il y a la « mémoire-souvenir » qui est l'aptitude à se rappeler les événements et la « mémoire-monument » qui consiste à conserver volontairement la mémoire et ses vestiges ; la mémoire manipulée, faite de souvenirs et d'images à vocation symbolique (et souvent propagandiste). La mémoire sera toujours une représentation sélective et orientée du passé.

Certains historiens se sont engagés, au nom de valeurs humaines, à militer au nom de l'éducation civique comme Pierre Vidal Naquet dans les assassins de la mémoire, contre les révisionnistes et les négationnistes. Parfois même ils s'invitent à des procès (comme ceux de Touvier ou de Papon) pour une confrontation entre mémoire des témoins et paroles d'historiens, puisqu'il s'agit alors conformément au souhait de Primo Lévi de ne pas banaliser. Il y a donc superposition de deux démarches : une démarche scientifique (l'histoire) et une démarche affective, émotive (la mémoire) présentées comme solidaires.

Le risque est grand d'une transformation institutionnelle, d'une récupération politique. L'Etat commémoratif, prompt à célébrer la gloire des morts et des héros (voir les monuments aux morts présents dans tous les villages) ou les gestes fondateurs (14 juillet), peut très vite devenir un Etat-pénitence, un Etat-repentance qui s'occupe plus du passé que du futur, peut-être non sans arrière-pensées. Peut alors prospérer une « histoire officielle », dès lors qu'existent des lois qui sanctifient la mémoire. Les lois Gayssot qui crée le délit de négationnisme du génocide juif, et Taubira, tendant à la reconnaissance par la France, de la traite et de l'esclavage en tant que crime contre l'humanité restreignent la liberté d'expression et de recherche des historiens, tout comme dans un autre genre, la proposition de loi du 23 février 2005 enjoignant aux chercheurs « d'accorder à l'histoire de la présence française outre-mer la place qu'elle mérite»

Que penser du fait qu'un historien, Olivier Pétré-Grenouilleau, spécialiste incontesté de l'esclavage et de la traite négrière, ai vu son ouvrage Les traites négrières attaqué en justice par un collectif parce qu'il avait avancé que la traite négrière était un phénomène qui a duré treize siècles sur plusieurs continents, ce qui éluderait le caractère particulier de la traite transatlantique « sacralisée » par la loi Taubira.

D'un point de vue méthodologique, il y a de toute façon maldonne : il n'y a pas besoin de lois mémorielles pour condamner l'esclavage, le racisme et le génocide. L'objectif de ces lois n'est d'ailleurs pas de punir ces crimes, mais d'appliquer rétrospectivement des définitions et des sanctions à un passé de plus en plus lointain. Or rappelons que la notion juridique de crime contre l'humanité date de 1945 et celle de génocide de 1948. En condamnant l'esclavagisme pratiqué sous Napoléon, en lui appliquant des catégories juridiques actuelles, on commet le péché suprême en histoire : l'anachronisme.

Histoire, mémoire et politique entretiennent donc des rapports conflictuels. Sans doute avec un peu de maturité, les démocraties occidentales sauront-elles lutter contre la tyrannie de la mémoire, en repensant à ce qu'écrivait Vidal Naquet dans les assassins de la mémoire : « Si l'histoire a quelque chose à nous enseigner, c'est qu'aucune vérité historique ne peut reposer sur l'appareil d'Etat. La vérité n'a aucun besoin de la police et des tribunaux, elle a besoin d'historiens ». Or, parce que la mémoire comporte

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