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Témoignage ou roman historique ?

Fiche de lecture : Témoignage ou roman historique ?. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  8 Novembre 2022  •  Fiche de lecture  •  456 Mots (2 Pages)  •  222 Vues

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Il faut mesurer toute la différence entre roman historique, récit (ou témoignage) historique, et fiction historique : un même matériau historique, mais des « licences », du moins une liberté, toute différente. L’une des finalistes du Goncourt 2022, est au cœur de ce type de débat. Dans Les presque soeurs, Cloé Korman raconte en effet l’histoire de deux fratries de trois fillettes, les Korman, ses grandes-cousines, qu’elle n’a jamais connues, et celles qu’elle appelle les Kaminsky : comme des milliers d’enfants juifs entre 1941 et 1944, ces fillettes furent raflées et placées en centres d’internement dans le Loiret, en région parisienne, puis en Allemagne, avec l’aide des autorités de Vichy. Beaucoup furent déportés et assassinés par les Nazis. Cette histoire, c’est donc celle de ses grandes-cousines et de trois autres fillettes qui ont partagé pendant un peu plus d’un an les pérégrinations des petites Korman, mais sont parvenues à s’évader et ont survécu. Cette histoire, c’est l’Histoire qui a laissé des traces dans les familles et les édifices d’aujourd’hui. Mais cette histoire, sous la plume de Cloé Korman, c’est autre chose qu’un récit ou qu’un témoignage : selon la couverture de l’éditeur, Gallimard, c’est un roman. Avec ce que cette nuance générique suppose d’élaboration littéraire. La réception critique du roman est plutôt bonne : la charge émotionnelle est forte, malgré une narration tout en retenue. Le lecteur s’attache beaucoup au sort poignant de ces fillettes qui n’oublient jamais qu’elles sont sœurs, veillent les unes sur les autres et traversent leur sort avec autant de dignité que d’ingéniosité. Pourtant, le roman suscite aussi une polémique, parce que justement l’Histoire a laissé des traces dans les familles et dans les édifices, et que les authentiques petites Kaminski, qui sont aujourd’hui de très vieilles dames, au patronyme de Novodorsqui, parlent d’un « vol d’histoire ». Elles ont rencontré Cloé Korman, lui ont confié leurs souvenirs – qu’elles ont écrits et dont elles vont témoigner dans les établissements scolaires, mais elles n’imaginaient pas que la romancière livrerait tel ou tel détail de « leur » histoire ou inventerait tel ou tel mobile psychologique en relatant un épisode ou un autre. Cloé Korman met en effet en œuvre tous les ressorts de la liberté romanesque : elle s’appuie certes sur une documentation qu’elle cite en annexe, mais comble aussi les blancs de l’historiographie, révèle une part d’intime en croisant les points de vue et en formulant l’informulé, l’informulable même. Dans le litige qui oppose désormais les avocats de l’éditeur et celui des rescapés, on trouve les arguments littéraires : la liberté du roman, sa responsabilité, certes, mais affranchie d’une « vérification » factuelle, au profit d’une vérité supérieure, symbolique, stylisée, qui ment explicitement pour dire vrai, et ne s’en cache pas.

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