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Mort et résurrection des idéologies

Synthèse : Mort et résurrection des idéologies. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  30 Mars 2024  •  Synthèse  •  2 907 Mots (12 Pages)  •  22 Vues

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Mort et résurrection des idéologies

La chute du mur de Berlin puis de l'URSS aurait marqué la fin des grandes idéologies, qui depuis le XIXème siècle, dominaient les sociétés occidentales. Il semble pourtant difficile de renoncer tout à fait à ces "grands récits" qui donnaient une direction sinon un sens à l'histoire des hommes et justifiaient souvent leurs engagements et convictions. Mort ? Résurrection ? Métamorphose? Quels concepts et valeurs orientent les sociétés contemporaines à la fois individualistes et mondialisées ?

Pour mourir, il faut avoir vécu. Le mot idéologie est créé par Antoine Destutt de Tracy (1754-1836) pour désigner la science nouvelle (logos) qui a pour objet l'étude des idées (forme, aspect en grec). Il s'agit pour celui que Napoléon taxera d'idéaliste trop éloigné des faits de la réalité, d'observer les rapports que les idées entretiennent avec les signes, le langage et le réel. Très rapidement, le terme prend une connotation péjorative : l'idéologie, c'est l'abstraction ou la théorie qui fausse l'appréhension du réel. Marx radicalise et approfondit cette critique dans L'Idéologie allemande en : l'idéologie est pour lui la distorsion du réel organisée en discours cohérent par une classe sociale (en l'occurrence la bourgeoisie) pour servir ses propres intérêts. Les bourgeois représentent ainsi le monde et la structure sociale de façon à légitimer leur place dominante et la poser comme naturelle et seule possible. Elle relève donc d'une dissimulation ou du moins d'une erreur. C'est pour cela, qu'elle est difficilement perceptible par celui qui y adhère (elle est pour lui, le réel ou la seule vérité envisageable) alors qu'elle est toujours reconnue comme telle par ses adversaires. "L'idéologie est toujours l'idéologie de l'autre" explique ainsi Raymond Aron. Connoté, le mot peut néanmoins avoir un sens plus neutre voire être envisagé de façon plus positive. Dès le milieu du XIXème siècle, l'idéologie signifie l'ensemble des idées qui inspirent un gouvernement ou un parti. Elle est alors synonyme de "courant de pensée". Bien plus, elle peut sembler utile pour légitimer une autorité politique et obtenir sans l'usage de la force l'adhésion d'une population à une décision ou à une politique. Nécessaire, elle n'en est pas moins dangereuse. Entre le projet politique, le "logiciel" comme on l'appelle aujourd'hui (i-e le discours qui habille ce projet) et la propagande, la frontière est parfois bien mince. Le terme de "Think tank" prisé aujourd'hui pour désigner ces laboratoires d'idées qui n'hésitent pas à se lancer dans le lobbying intellectuel est sans doute plus acceptable que celui "d'idéologue du parti" mais les réalités sont proches. C'est que comme l'a affirmé Max Weber et bien d'autres à sa suite, il paraît impossible de faire de la politique hier comme aujourd'hui sans rêves, ni imaginaires, sans vision du monde, ni ... idéologie.

Dans le monde en voie de sécularisation du siècle des Lumières puis du XIXème, les idéologies s'étaient peu à peu fait leur place pour finir par devenir la grille quasi majoritaire d'interprétation de la société au début du XXème: libéralisme, communisme, nationalisme puis totalitarisme (voir encadré) s'opposent mais ont en commun de donner à leurs adeptes convaincus et parfois fanatiques, une explication de l'histoire et de la destinée humaine à la fois cohérente et rassurante. Le sens de l'histoire prend ainsi tour à tour, le visage de l'avènement de la liberté et/ou du régime démocratique, de la généralisation du système capitaliste, de la libération des peuples ou des nations, de l'accès au pouvoir du prolétariat et de son internationalisation, de la création d'un homme nouveau et cela pour des siècles et des siècles. On le sent les idéologies prennent la place laissée vacante par la religion : il y est question d'éternité, de bonheur, du sacrifice du présent au nom d'un avenir meilleur, de peuple élu et d'avenir radieux. Parfois même, il n'est pas besoin de remplacer un récit par un autre : Max Weber a bien montré que le capitalisme a fait bon ménage avec la doctrine protestante tandis que Mircea Eliade montre que le marxisme a apparenté la souffrance sacrificielle du prolétariat à la passion christique. De même, c'est aussi une forme d'imposture religieuse que Camus dénonce dans L'Homme révolté en faisant du totalitarisme soviétique une monstrueuse trahison de l'esprit de révolte: souffrez ici bas et les lendemains chanteront pour d'autres...

L'agonie commence. Les deux guerres mondiales révèlent l'abomination fanatique et criminelles des systèmes fondés sur le messianisme idéologique : l'impérialisme capitaliste a jeté les peuples les uns contre les autres et justifie la colonisation, le nationalisme et le nazisme ont érigé en principe la haine de l'autre, le régime communiste multiplie les purges, tue en masse les koulaks, pratique la terreur et s'apprête à mettre en coupe réglée une grande partie de l'Europe de l'Est. Si certains resteront sourds plus longtemps que d'autres (voir sur ce point l'analyse de François Furet dans Le passé d'une illusion ), l'avènement de sociétés démocratiques, informées donc plus critiques et individualistes rend les populations plus circonspectes à l'égard de toute forme d'engagement. Camus, Aron parlent dès les années 50 de "mort des idéologies" parce qu'ils en ont fait eux-même le deuil mais ils ne renoncent pas alors à défendre des valeurs, ni à avoir des convictions. Ce qu'on appelle la post-modernité (à partir des années 80) est bien plus radical. Dans La condition post-moderne (1979), le philosophe Jean-François Lyotard parle de "fin des grands récits" et des grands mythologies (celles-là même que Roland Barthes avait étudiées en 1956 en faisant du stéréotype, la figure centrale de toute idéologie). Les valeurs devenues relatives ne sont plus susceptibles de fédérer les peuples dans leur totalité en même temps que l'effondrement de l'URSS (et avec elle du communisme) semble consacrer l'avènement d'un libéralisme

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