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Commentaire Composé du poème Ma Morte Vivante de Paul Eluard

Mémoire : Commentaire Composé du poème Ma Morte Vivante de Paul Eluard. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  11 Mars 2012  •  1 794 Mots (8 Pages)  •  46 070 Vues

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Paul Eluard "Ma morte vivante"

En 1947, le poète Paul Eluard fit paraître un recueil intitulé Le Temps déborde, dans lequel figurait un court poème en vers libres, " Ma morte vivante". Ce texte, ici soumis à notre étude, évoque la mort prématurée de Nusch, la jeune épouse du poète, mais surtout le désespoir de ce dernier et sa nostalgie du bonheur perdu. Ces thèmes ont déjà été traités par les poètes lyriques des siècles passés comme Ronsard par exemple; mais note verrons comment Euard les renouvelle par le moyen d'une écriture simple, mais qui parvient à suggérer toute la gravité de cette perte. Nous étudierons d'abord le thème dominant du poème: la douleur de la séparation, et la dimension pathétique qu'il confère au texte. Puis nous verrons comment le poète rappelle en filigrane l'union vécue avec la femme aimée, mais aussi le rapport harmonieux avec le monde que permettait cet amour. Enfin, nous examinerons en quoi l'écriture même du poème constitue un paradoxe, dans la mesure où le poète semble désormais renoncer au monde, et délier la mort.

Les premiers mots du poème (" Dans mon chagrin rien n'est en mouvement") rattachent d'emblée le texte aux registres lyrique et pathétique : les indices de la première personne sont très fréquents, et les premiers vers du poème évoquent le sentiment d'un néant, d'une attente désespérée. Le raccourcissement progressif des vers libres (v. 1-.3) provoque l'impression d'un enfermement, d'une disparition progressive de l'espoir. Les tournures négatives sont en effet très présentes (" rien n'est en mouvement", v. 1 " personne ne viendra/Ni de jour ni de nuit/Ni jamais plus de ce qui fut moi-même", v. 2-4), et elles mettent en évidence la solitude du poète, l'absence de vie ou de mouvement autour de lui; le futur, associé à ces négations, évoque un avenir sans espoir, et l'expression "jamais plus", employée au vers 4, donne à cette solitude un caractère irrévocable.

La suite du poème rappelle le bonheur perdu ; mais les derniers vers évoquent à nouveau " un monde indifférent" et traduisent l'impression de solitude par des sensations physiques :" J'étais si près de toi que j'ai froid près des autres''. Le "je" solitaire semble abandonné de tous, et incapable de se distraire de son chagrin. L'explication de ce désarroi est donnée par le titre et par le vers 4: "ce qui fut moi-même " désigne à la fois Nush et l'union intime qui existait entre elle et le poète. Ce vers associe donc deux thèmes opposés : la fusion des deux époux, le " moi " contenant en lui-même un "tu ", et la disparition de cette fusion exprimée par le recours au passé simple et au pronom démonstratif neutre "ce" qui "annule" l'identité de Nusch. Le jeu des sonorités (assonances en "è" , et "u" , allitération en "ni "), réparties en chiasme, donne au vers une struc- ture fermée, qui renforce l'idée que la séparation est définitive. Dans la suite du texte, le recours au parallélisme, la répétition du verbe "se séparer" et l'emploi du passé composé (v. 5, 7, 8, 10 et 12) insistent sur le caractère irrévocable de cette perte et sur le caractère obsessionnel de la détresse du poète. Toujours placés en début de vers, les adjectifs possessifs de la première personne rappellent que le poète est le seul survivant, que son corps seul peut éprouver la réa- lité de cette séparation : " Mes pieds [...] ne connaîtront plus mon poids ni le repos " (v. 12-14) ; l'allitération en " p" donne au vers 14 une sorte de pesanteur, comme pour insister sur l'idée d'une perte insoutenable. Les vers 15 à 18 expriment la même idée : " Il m'est donné de voir ma vie finir/Avec la tienne/Ma vie en ton pouvoir/Que j'ai crue infinie". L'antithèse " finir/infinie" et l'emploi du verbe " croi- re" sont révélateurs ; le poète à

découvert que le bonheur éternel est une illusion ; avec cette mort, il perd une partie de lui-même, et reste seul avec sa douleur.

Le titre du poème, tout à fait paradoxal rappelle en effet la mort de Nusch, mais aussi sa survie dans le souvenir. Les vers 5 à 14 évoquent en effet l'union parfaite qui existait entre les deux époux, grâce au jeu des répétitions et des pronoms possessifs, qui met en corres- pondance différentes parties de leurs corps : " Mes yeux [...] tes yeux", "Ma bouche [...] ta bouche". Chacun de ces éléments évoque le contact privilégié que permettait le rapport amoureux. La sensualité, mais aussi l'union des regards. Cette proximité physique était aussi une harmonie spirituelle, une soumission heureuse au pouvoir de la femme aimée (voir vers 17), et le début du vers 21 ("J'étais si près de toi ") résume en fait une complicité profonde, une union parfaite des deux époux l'un avec l'autre. Cette vision, qui évoque clairement l'union physique, mais aussi l'harmonie absolue que peut être l'amour, est d'ailleurs caractéristique de la poésie surréallste. Composée de dix vers relativement longs (octosyllabes, décasyllabes et Alexandrins), la deuxième strophe Impose dans le texte l'image du bonheur perdu : ce poême du deuil est aussi une célébration de l'amour.

Cependant,

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