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Créer, Est-ce Conjurer La Mort ?

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Par   •  29 Janvier 2012  •  2 117 Mots (9 Pages)  •  1 622 Vues

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Créer, est-ce conjurer la mort ?

Sujet de dissertation philosophique proposé aux élèves de section L en DST le 14 janvier 2006

Ce sujet a donné lieu à deux copies excellentes, et à plusieurs copies très solides. Je voulais d'abord remercier leurs auteurs (Solène, Olivier, Manon, Benoit, Lucile et Sabrina) pour des recherches authentiquement philosophiques, et ce avec d'autant plus d'ardeur que la question s'avérait d'une richesse et d'une difficulté considérables. Atteindre une vue synthétique du problème n'avait rien d'évident. Bravo à ceux et celles qui y parvinrent.

1. Détermination du problème

1.1. Définitions

Le verbe fort "créer" désigne l'acte par lequel un agent (le "créateur", et surtout pas le "créatif") fait advenir à l'existence une chose qui, jusque-là, n'existait pas. La "création" par excellence est celle de l'univers par Dieu. Dans un sens élargi - celui dont il était question ici, puisque, par définition, Dieu ne peut pas mourir -, on acceptera parmi les "créations" l'accomplissement de l'artiste (voir par exemple le travail d'Yves Tanguy ; à contester, le cas échéant, par la dévaluation de l'artiste dans la République de Platon), et même l'invention de l'ingénieur. "Créer" se distingue ici de "composer", ce qui consisterait seulement à présenter des choses connues dans un ordre inédit (on "compose" un bouquet, par exemple). Cette distinction méritait toutefois des nuances avec la composition musicale, notamment. Par ailleurs, la génération n'avait guère sa place dans la copie, puisqu'il s'agit stricto sensu de reproduction, non de création originale.

(Pour information : le correcteur de philosophie attend légitimement d'élèves littéraires qu'ils se soient essayés à la création artistique et qu'ils disposent d'une expérience de première main, personnelle, et je dirais même charnelle. N'attendez pas avril pour écrire, peindre, composer de la musique, sculpter...).

Le cours sur la conscience réfléchie et l'existence permettait de distinguer entre la "mort", état physique définitif de non-existence après une période de vie, et le "décès", interruption des processus métaboliques (également appelée "mort" dans la langue courante). La mort s'oppose à l'existence, à la vie, mais aussi à l'inerte (une pierre n'a jamais été vivante, aussi ne peut-on pas dire en toute rigueur qu'elle est morte).

"Conjurer" pouvait recevoir plusieurs définitions. D'une manière générale, on pourrait dire qu'il s'agit d'échapper définitivement à un événement désagréable ; le verbe relève du champ lexical de la magie, et véhicule une connotation d'irrationnel. "Conjurer" se distingue de "éviter" dans la mesure où la conjuration se présente comme définitive. Stricto sensu, "conjurer" s'oppose à "invoquer".

1.2. Forme de la question

"..., est-ce ... ?" : forme canonique de nombreuses questions philosophiques. Peut-on pleinement dire que créer revient à conjurer la mort ? S'interroger sur : "D'où vient la création ?", "Est-il souhaitable de conjurer la mort ?" ou encore "A quoi sert la création ?" n'entraînait pas de développements pertinents. De même, et comme d'habitude, le renversement de la question ("Créer, est-ce provoquer la mort ?") induisait à tous les coups le hors sujet. En revanche, la question, prise globalement, évoquait la croyance courante à propos de la création : dans la mesure où la chose créée subsiste à son créateur, celui-ci perdure parmi nous au-delà de son propre décès.

Deux copies exprimaient l'idée avec brio : "Même lorsque son glas sonne, le créateur ne disparaît pas des mémoires et, surtout, son existence spirituelle continue à travers une oeuvre qui témoigne d'une idée, d'un point de vue personnel sur le monde." ; "Léonard de Vinci est mort depuis longtemps et pourtant la Joconde n'a pas disparu avec lui, et des millions de personnes l'admirent chaque année. A travers elle, ils admirent les qualités artistiques qu'avait le peintre [et] de ce fait, Léonard de Vinci est toujours présent."

1.3. Relations entre les termes

Le simple examen des définitions permettait d'isoler en grande partie le problème de fond. La mort, entendue comme non-existence, paraît clairement opposée à la création, entendue comme irruption d'une chose dans l'existence ; mais par ailleurs, la création constitue un acte temporaire, éphémère, historiquement daté, dont on ne comprend guère comment il pourrait surmonter un état définitif comme la mort.

Ici encore, deux copies exprimaient le problème en termes très clairs "Peut-on réellement, par un acte humain et esthétique, conjurer un phénomène physique et insaisissable ?" ; "Il paraît impensable qu'une simple action telle que la création [conjure] un fait aussi [...] inéluctable que la mort. Comment le moyen pourrait-il combattre la fin ?" Merci pour ces formules limpides.

2. Réponse spontanée et réponse paradoxale justifiées

La réponse spontanée attribue des "pouvoirs" quasi "magiques" à la création (il n'était pas mauvais d'indiquer en introduction que la question se situe aux confins de la pensée mythologique, dans les mystères de la création, en présence d'Orphée, de Dédale et du portrait de Dorian Gray) : par son oeuvre marmoréenne, le créateur échappe à l'oubli (lot du commun des mortels), mais encore il survit à travers elle.

Réponse paradoxale : s'il existe bien un fait auquel nul ne peut échapper, c'est la mort ; les Danses macabres (Totentanz) insistent assez sur ce point : quoi que nous ayons accompli durant notre vie, la mort nous emporte. Génie admiré ou ignorant obscur, tous y passent.

3. Argumentation de la thèse et de l'antithèse

3.1. Thèse : la création conjure la mort

L'oeuvre

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