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Étude du poème El Desidichado de Gérard de Nerval

Lettre type : Étude du poème El Desidichado de Gérard de Nerval. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  15 Décembre 2013  •  Lettre type  •  1 421 Mots (6 Pages)  •  956 Vues

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D’où la nécessité de tenter quelques explications préalables.

D’abord le titre : El desdichado est un mot espagnol dérivé par le privatif des de dicha qui signifie chance, bonheur. Le desdichado serait donc le malchanceux, le malheureux. Les commentateurs ont retenu en fait « déshérité » à la suite de Walter Scott. Cette traduction est plus suggestive que la précédente. Pourquoi ? Ce terme a été emprunté par Nerval au roman Ivanhoe de Walter Scott. Nerval, en bon romantique, est fasciné par le Moyen-âge. Dans cette évocation de l’Angleterre médiévale, un mystérieux chevalier, compagnon de Richard Cœur de Lion, dépossédé de son château par Jean Sans Terre, se présente sans armoiries dans un tournoi ; son bouclier, à côté d’un chêne déraciné portait le mot espagnol « Desdichado »3. La question est de savoir pourquoi ce personnage éminemment romanesque a séduit le poète. Nerval a pu y voir une similitude avec sa propre situation familiale : le pouvoir seigneurial des Labrunie a été aboli par l’Ancien Régime. De même comme le mystérieux chevalier scottien, Il se voit lui aussi privé de ses racines nobiliaires qui l’apparentent aux Biron et aux Lusignan cités plus loin. Surtout, Nerval voit dans ce chevalier errant un frère dont il partage la détresse et le dénuement psychologique. Le chevalier privé de sa terre a aussi perdu son identité.

Dans le premier vers, on notera l’importance des majuscules :

Le Ténébreux est celui qui appartient à l’enfer, l’épithète est relayée par le « soleil noir ».

Le Veuf : une note de Nerval, « olim : Mausole ? » peut nous mettre sur la voie. Olim en latin signifie autrefois. Quant à Mausole, il s’agit d’un satrape en l’honneur de qui sa sœur et épouse, Artémise II, fit bâtir un somptueux tombeau, le Mausolée d’Halicarnasse, l’une des sept merveilles du monde. Nerval y voit donc son rattachement esthétique au domaine des morts (une des pistes qui parcourt tout le sonnet) en même temps que sa solitude affective, reprise dans l’Inconsolé. La détermination des trois adjectifs substantivés par l’article défini « le » souligne la forte identification de Nerval à ces types.

Dans la préface des Filles du Feu dédiée à Alexandre Dumas, il écrivait, non sans dérision : « Ainsi, moi, le brillant comédien naguère, le prince ignoré, l’amant mystérieux, le déshérité, le banni de liesse, le beau ténébreux, adoré des marquises comme des présidentes, moi, le favori bien indigne de madame Bouvillon, je n’ai pas été mieux traité que ce pauvre Ragotin, un poétereau de province, un robin ! ». Nous retrouvons dans ces propos bien des qualificatifs du 1er quatrain, preuve s’il en est qu’ils formaient un tout pour notre poète.

Vers 2. Qui est ce prince d’Aquitaine ? Sans doute le Prince noir, le vainqueur de Poitiers. Nerval y reconnaît en lui la couleur noire du malheur, celui qui sème la désolation sur son passage, le massacreur de Limoges, le vainqueur de plusieurs sièges (un premier sens de la tour abolie ?). Quant à la « tour abolie », elle peut renvoyer, d’après le dictionnaire des symboles, à deux significations, la rupture de l’équilibre, de la continuité entre la terre (y compris les mondes souterrains) et le ciel, ou le symbolisme médiéval de la vigilance et de l’ascension. Dans les deux cas, il s’agit d’un retour brutal au sol après une tentative de s’élever jusqu’au ciel. C’est aussi l’arcane XVI du tarot (la tour foudroyée de la Maison-Dieu) à interpréter comme la chute des constructions de l’orgueil humain.

Vers 3. L’étoile est aussi l’arcane XVII du tarot. C’est l’Étoile de Vénus, étoile double de l’espérance et de l’amour. Le luth constellé renvoie bien sûr à l’Étoile et évoque en même temps l’instrument qui accompagnait le troubadour célébrant la fin’amor. Le thème amoureux croise pour la première fois la célébration poétique.

Vers 4. Le Soleil est l’arcane XIX du tarot, c’est l’arcane de l’illumination totale sous lequel pour la première fois l’homme n’est plus seul. Le psychanalyste Carl Gustav Jung y décèle pour sa part la voie solaire de l’extraversion et de l’action, par opposition à la voie lunaire de l’introversion, de la contemplation et de l’intuition4. Comme la tour abolie évoquait la mort, de même l’oxymore du soleil noir est une vision de fin du monde. Cet oxymore, dans lequel le soleil devient le symbole de sa propre négation,

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