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Commentaire littéraire : Voltaire, Dictionnaire philosophique, article « Anthropophages », 1769, extrait.

Commentaire d'arrêt : Commentaire littéraire : Voltaire, Dictionnaire philosophique, article « Anthropophages », 1769, extrait.. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  2 Novembre 2020  •  Commentaire d'arrêt  •  960 Mots (4 Pages)  •  1 036 Vues

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Parcours : Notre monde vient d’en trouver un autre. Le « sauvage », une arme pour la critique.

Texte 2 : Commentaire littéraire : Voltaire, Dictionnaire philosophique, article « Anthropophages », 1769, extrait.

Publié pour la première fois sous le titre Dictionnaire philosophique portatif, cet ouvrage de Voltaire, ni vraiment dictionnaire, ni proprement « philosophique », a pour ambition d’offrir à un lectorat curieux et cultivé une réflexion plus accessible que les articles de l’Encyclopédie de Diderot et d’Alembert.  

 

ANTHROPOPHAGES

 

   Il n’est que trop vrai qu’il y a eu des anthropophages ; nous en avons trouvé en Amérique. […]

   En 1725 on amena quatre sauvages du Mississipi à Fontainebleau, j’eus l’honneur de les entretenir[1] ; il y avait parmi eux une dame du pays, à qui je demandai si elle avait mangé des hommes ; elle me répondit très naïvement qu’elle en avait mangé. Je parus un peu scandalisé ; elle s’excusa en disant qu’il valait mieux manger son ennemi mort que de le laisser dévorer aux bêtes, et que les vainqueurs méritaient d’avoir la préférence. Nous[2] tuons en bataille rangée ou non rangée nos voisins, et pour la plus vile[3] récompense nous travaillons[4] à la cuisine des corbeaux et des vers. C’est là qu’est l’horreur, c’est là qu’est le crime ; qu’importe quand on est tué d’être mangé par un soldat, ou par un corbeau ou un chien ?

    Nous[5] respectons plus les morts que les vivants. Il aurait fallu respecter les uns et les autres. Les nations qu’on nomme policées[6] ont eu raison de ne pas mettre leurs ennemis vaincus à la broche ; car s’il était permis de manger ses voisins, on mangerait bientôt ses compatriotes ; ce qui serait un grand inconvénient pour les vertus sociales. Mais les nations policées ne l’ont pas toujours été ; toutes ont été longtemps sauvages ; et dans le nombre infini de révolutions[7] que ce globe a éprouvées, le genre humain a été tantôt nombreux, tantôt très rare. Il est arrivé aux hommes ce qui arrive aujourd’hui aux éléphants, aux lions, aux tigres dont l’espèce a beaucoup diminué. Dans les temps où une contrée était peu peuplée d’hommes, ils avaient peu d’art[8], ils étaient chasseurs. L’habitude de se nourrir de ce qu’ils avaient tué fit aisément qu’ils traitèrent leurs ennemis comme leurs cerfs et leurs sangliers. C’est la superstition qui a fait immoler[9] des victimes humaines, c’est la nécessité qui les a fait manger.

   Quel est le plus grand crime, ou de s’assembler pieusement pour plonger un couteau dans le cœur d’une jeune fille ornée de bandelettes[10], à l’honneur de la Divinité, ou de manger un vilain[11] homme qu’on a tué à son corps défendant ? […]

    J’ai lu dans des anecdotes de l’histoire d’Angleterre du temps de Cromwell[12] qu’une chandelière[13] de Dublin[14] vendait d’excellentes chandelles[15] faites avec de la graisse d’Anglais. Quelque temps après un de ses chalands[16] se plaignit à elle de ce que sa chandelle n’était plus si bonne. « Hélas ! dit-elle, c’est que les Anglais nous ont manqué ce mois-ci. » Je demande qui était le plus coupable, ou ceux qui égorgeaient des Anglais, ou cette femme qui faisait des chandelles avec leur suif[17] ?

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