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Voltaire, Dictionnaire Philosophique (1764) " Guerre "

Mémoires Gratuits : Voltaire, Dictionnaire Philosophique (1764) " Guerre ". Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  10 Octobre 2012  •  1 927 Mots (8 Pages)  •  1 318 Vues

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(Intro) En 1749, Voltaire décide de répondre à l’invitation de Frédéric II, et part pour la Prusse. Il demeure cinq ans au château de Sans-Souci. La coopération entre un homme de pouvoir et un homme de lettres, d’abord idyllique, tourne court rapidement. Finalement les deux hommes se brouillent, et Voltaire doit quitter l’Allemagne. Voltaire n’a pas apprécié l’autoritarisme et le bellicisme du souverain. Cette expérience malheureuse servira à illustrer les malheurs de Candide dans le chapitre III du conte éponyme ainsi que dans l’article "Guerre" du Dictionnaire philosophique.

Ce texte présente l’intérêt d’une argumentation au travers d’un récit. Il vise à dénoncer les horreurs et surtout l’absurdité de la guerre. Il est un exemple de la fameuse ironie voltairienne.

Dans un premier temps Voltaire détourne habilement les principes du conte classique. Par la dénonciation il le transforme ensuite en un conte philosophique. Il affirme son jugement dans un apologue final.

A. Un conte classique détourné

Les marques d’une anecdote

Voltaire a repris les attributs d’un personnage de conte : le récit prend sa source dans la noblesse, nous avons là le prince du conte. Notons le champ lexical de la noblesse et du pouvoir allié à celui de l’armée : "généalogiste, "prince", "ligne" (au sens de descendance), "comte", "maison" (2) (au sens de famille noble), "province", "droit divin", "conseil", "gloire", "pouvoir", "puissances", "chef", "drapeaux". Nous serions presque dans le registre épique.

Pourtant ce n’est pas un "prince charmant" car sa noblesse est de façade. Il se révèle vain et prétentieux. De même, l’épopée sombre dans la folie meurtrière : les princes ne sont pas de preux chevaliers. Ils sont comparés à Gengis Khani, Tamerlanii, Bajazetiii, c’est-à-dire des conquérants cruels et sanguinaires.

Les marques de l’indétermination

Voltaire a repris aussi les marques de l’indétermination propres au conte. Elles permettent de sortir de la réalité. C’est la fonction du « il était une fois » pour le temps, et d’une contrée éloignée pour le lieu. Ici, ce procédé permet soit d’échapper à la censure, soit de donner une portée plus générale à l’exemple. En effet Voltaire s’inspire de la guerre de Sept ansiv (petites principautés, dévastation par des mercenaires, alliances changeantes…) qu’il a aussi dénoncée dans Candide.

Les personnages « prince », « comte » ou leur famille, leur « maison » sont annoncés par l’article indéfini « un », tout comme le lieu, « province », notons également que "les autres princes […] couvrent une petite étendue de pays" : là encore l’anecdote se situe dans un espace indéterminé qui apparente le texte au registre du merveilleux. Les indications de temps sont aussi peu précises : « il y a trois ou quatre cents ans » nous renvoie dans un passé éloigné et approximatif. Rien ne permet de dater précisément les événements : cela apparente encore une fois le texte au registre du merveilleux.

Mais l’indétermination a surtout pour fonction de montrer les prétentions injustifiées et ridicules du prince. Le prince justifie ses droits par un lignage à plusieurs étages « en droite ligne d’un comte dont les parents avaient fait un pacte de famille, il y a trois ou quatre cents ans avec une maison dont la mémoire même ne subsiste plus. Cette maison avait des prétentions éloignées sur une province dont le dernier possesseur est mort d’apoplexie ». L’accumulation est ridicule. Les droits sur l’héritage sont inconsistants. C’est pourtant sur cette absence de preuve que le prince revendique le bien. Notons les deux points qui marquent une déduction absurde et provocatrice : « le prince et son conseil concluent sans difficulté que cette province lui appartient de droit divin ». Enfin les habitants ne veulent pas de ce souverain qu’ils ne connaissent pas. Pourtant le prince n’entend pas ces objections et impose un « droit incontestable ». C’est ainsi que Voltaire montre que les origines de la guerre sont dérisoires et absurdes.

Syntaxe du conte

Le texte reprend souvent l’adjectif démonstratif « ce » parfois placé en tête de phrase, en anaphore : "cette maison", "cette province", "ces multitudes". Voltaire oppose fortement l’inconsistance des prétentions à la focalisation sur ce lieu et ces gens. Ce lieu oublié accède à l’existence et à la notoriété par la convoitise dévoyée du prince. Les événements s’enchaînent dès lors de façon inéluctable. L’asyndète (absence de subordination comme de coordination), notamment dans le premier paragraphe avec les ":", renforce cette accélération mécanique des événements.

Voltaire utilise donc l’exagération pour attirer l’attention du lecteur sur ses intentions. Il vide de sa substance le conte classique : ce n’est pas une belle histoire, mais au contraire une aventure absurde, dérisoire et sanguinaire. C’est même une mécanique infernale. Nous passons insensiblement d’un récit anodin à une dénonciation de la guerre.

B. Un conte philosophique

La guerre

Le champ lexical de la guerre devient plus présent : « marche à la gloire », « équipée », « mercenaires », « se battre », « s’acharnent les unes contre les autres », « puissances belligérantes », « s’attaquant tour à tour », « drapeaux », « exterminer ».

Mais la guerre n’apparaît pas comme une activité ordonnée, aucune stratégie guerrière n’est réellement évoquée. Le vocabulaire guerrier se réduit à un jeu de guerre enfantin. Il s’agit ici de "se battre", les peuples sont répartis en "bandes" ; ils se lancent sans réfléchir dans une "équipée". Tout se mesure en termes de gain : il s’agit de "gagner" la guerre comme on gagne un jeu. Ce langage enfantin intrigue le lecteur.

La dérision de la guerre : la guerre est vue comme un jeu puéril

Il s’agit d’abord d’une parade : chaque participant revêt quelques attributs militaires

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