Étude linéaire La Bruyère ; Les Caractères ; Chap IX : Des Grands

La Bruyère, Les Caractères, chap.IX, « Des Grands », remarque 50, les deux premiers paragraphes.

Pamphile. Etude linéaire.

Situation - Introduction : Dans le chap IX des Caractères, La Bruyère poursuit la description de la société sous l'Ancien Régime en s'intéressant au denier cercle de l'entourage du roi, celui des Grands. La remarque 50 fait le portrait de Pamphile, l'un de ces Grands. (Lecture)

Figurant dans le chap « Des grands », tout semble désigner Pamphile comme un grand, mais La Bruyère ne lui reconnaît pas cette qualité et met au contraire en relief sa vanité et ses faux-semblants. Pour l'auteur, il s'agit de déployer la « fausse grandeur » de Pamphile pour mieux la démolir, la démasquer. L'analyse suivra 2 axes : le passage de l'individu « Pamphile » à l'archétype « Un Pamphile », puis « les Pamphiles » et un mouvement inverse d'un entourage assez indistinct, « les gens qu'il rencontre », à une restriction et une individualisation progressive « un homme », « quelqu’un », « vous », le rapport discordant de Pamphile avec le monde se résolvant en comédie.

Composition : le 1° paragraphe met en scène le personnage avant de le définir d'une formule forte « fausse grandeur qui l'abaisse », Le 2° paragraphe inverse le mouvement : tout en généralisant le portrait La Bruyère complète et précise la définition et parvient à une nouvelle formulation, avant de remettre Pamphile en mouvement et en présence d'autrui, et d'avancer le jugement qui le réduit à un perso de comédie.

Etude linéaire : Dès les premières lignes, La Bruyère met en scène son perso : son nom, les lieux où il évolue, le public, la voix élevée, première indication théâtrale. Pamphile est caractérisé par une hauteur affectée dont La Bruyère souligne la disconvenance, double : au regard des lieux « dans les salles ou dans les cours », Pamphile se conduit dans les endroits publics comme s'il était chez lui, au regard des personnages ensuite cf « emploie sans discernement » = pas de véritable échange, par les antithèses et oxymores cf « civils et hautains », « honnêteté impérieuse », La Bruyère manifeste la discordance entre ce qu'est le personage, d'une prétention aveugle et outrancière, et ce qu'il devrait être, entre ce qu'il fait et ce qu'il devrait faire. La Bruyère prépare ainsi la formule oxymorique par laquelle il exécute son perso, exécution que viennent cautionner les amis de Pamphile bien malgré eux, « il a une fausse grandeur qui l'abaisse ».

La première phrase du 2° paragraphe joue d'une écriture mimétique : elle renferme le personnage, suffisant et égocentrique, sur lui-même en accumulant les énoncés, cf les énumérations ..., multiplie les adjectifs possessifs. « Un Pamphile est plein de lui-même » = phrase qui relance le mouvement, crée une généralisation du « caractère » par l'article indéfini et le réduit ainsi à une unité au sein d'une série + présente Pamphile comme une totalité pleine, en dépit du nom qui évoque la dispersion : allitérations, redoublement sur plan du sens, de la syntaxe et des sonorités « ne se perd pas... ». « Ne sort point de l'idée de ... » = la phrase se déploie de même que Pamphile déploie tous ses titres, appropriation illégitime = grandeur empruntée, et illusion cf « idée ». « Il ramasse pour ainsi dire toutes ses pièces » = le mouvement de déploiement se prolonge en rassemblement, phrase mime la parade de Pamphile et manifeste la vanité. « Toutes ses pièces » = éléments qui composent un ensemble = le processus de rassemblement est nié au moment même où il est énoncé. Le personnage est fait de morceaux, semblable au geai paré des plumes du paon chez La Fontaine, Pamphile n'est plus qu'ostentation. La mention du « cordon bleu » achève de disqualifier le personnage en dénonçant son jeu et le rend ainsi dérisoire. « Un Pamphile en un mot ...» : oppose très nettement l'illusion, le paraître à la réalité, la copie à l'être. « d'après un grand » formule frappante qui renchérit sur celle du 1° paragraphe, Pamphile ne forme pas un tout homogène, une pers véritable, n'est pas un « original », mais une copie.

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