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Montaigne, les Essais, livre I, chapitre 31, des cannibales

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Par   •  16 Février 2021  •  Commentaire de texte  •  1 707 Mots (7 Pages)  •  1 615 Vues

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FICHE BAC N°1 : Montaigne, les Essais, livre I, chapitre 31, des cannibales

Montaigne publie les premiers livres de ses Essais en 1580. Le chapitre 31 du livre I est consacré aux cannibales, c’est-à-dire aux indiens du Brésil, les Tupinamba.  L’extrait que nous présentons se situe après une critique des gens d’esprit qui ont tendance, selon l’auteur, à déformer la réalité. A la lecture de cet extrait nous nous poserons la question : en quoi Montaigne renverse la définition des mots barbarie et sauvage par sa critique de la civilisation face à la nature ? Cet extrait est composé de quatre mouvements.

Lecture :

Analyse linéaire : premier paragraphe

        Or je trouve, pour revenir à mon propos, qu’il n’y a rien de barbare et de sauvage en cette nation, à ce qu’on m’en a rapporté, sinon que chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage.

Dès le premier mot de cet extrait nous remarquons la présence d’un connecteur logique : or, conjonction de coordination qui introduit une nouvelle donnée décisive. Elle introduit ainsi une rupture avec les propos précédents (la critique des gens d’esprit) et introduit un raisonnement rigoureux. Un deuxième connecteur : sinon que, connecteur de restriction se trouve aussi dans cette phrase. Montaigne revient ici à l’essentiel. Il y développe sa thèse : Il n’y a rien de barbare et de sauvage en cette nation sinon que chacun appelle barbarie ce qui n’est pas de son usage. Il insiste donc ici sur la relativité du jugement humain déjà évoqué au début du chapitre I : « Il faut les juger par la voie de la raison non par la voix commune ». Le terme usage : ici habitudes, coutumes, traditions, renvoie à la doxa : ensemble des opinions, des préjugés populaires, le contraire de la vérité l’aléthéia grecque. Le terme barbare est mis en valeur par la polyptote (dérivation) : barbare-barbarie, le mot signifiant ici « cruel », comme le terme sauvage qui lui est coordonné signifie « grossier ». L’utilisation des négations : « n’-rien, n’-pas » induisent une réfutation de la thèse adverse.  Dans cette périphrase, Montaigne dénonce le point de vue commun des Européens qui associent différence et infériorité.

Comme de vrai nous n’avons d’autre mire de la vérité et de la raison que l’exemple et idée des opinions et usances du pays où nous sommes.

Comme, connecteur logique de comparaison introduit la deuxième phrase, le pronom « nous » s’inscrit dans la stratégie argumentative de Montaigne qui ici inclut son lecteur dans son propos. Deux termes induisent une restriction du champ de la réflexion pour les Européens : la négation « n’» et son auxiliaire « de » et l’expression « autre mire ». Cette restriction s’applique à deux termes forts : « vérité » et « raison » qui s’articulent en antithèse avec les termes « exemples, opinions, usances ». La vérité : ce qui est conforme au réel, ce qui peut être vérifié et la raison : la cause réelle d’une chose, ce qui permet de distinguer le vrai du faux, le bien du mal, ce qui permet d’élaborer, d’analyser la réalité s’opposent donc à l’exemple : ce qu’on tire d’une situation par son bruit, à l’opinion : la croyance imaginaire et fausse et à « usances » que nous retrouvons ici en une polyptote « d’usage » de la première phrase. Encore, ici, est renforcée l’opposition contre la doxa.

Là est toujours la parfaite religion, la parfaite police, parfait et accompli usage de toutes choses.

En cette troisième phrase du premier paragraphe, l’anaphore du mot parfait crée un procédé d’insistance proche de l’ironie. Le caractère sans défaut des croyances (religion), du bon ordre (police) est critiqué implicitement, ainsi que pour la troisième fois le terme d’usage (coutumes).

Dans ce premier paragraphe, en utilisant les procédés de la restriction, de l’anaphore, de l’antithèse, Montaigne renverse la doxa qui voudrait que ce soit l’usage des personnes dites civilisés qui fonde la vérité. Il s’agit donc d’un premier renversement des valeurs et d’une insistance sur la relativité des croyances des Européens.

Deuxième paragraphe.

Ils sont sauvages, de même que nous appelons sauvages les fruits que la nature, de soi et de son progrès ordinaire, a produits ; là où, à la vérité, ce sont ceux que nous avons altérés par notre artifice et détournés de l’ordre commun, que nous devrions appeler sauvages.

Ce deuxième paragraphe s’ouvre sur un raisonnement par analogie : « de même que ». Le champ lexical de la nature est marqué en son début ici par les termes : « sauvages, fruits, nature ». Le terme « sauvage » est pris dans le sens de « naturel » opposé à « civilisé, fabriqué ». L’expression : « progrès ordinaire » renvoie à l’ordre naturel qui marque l’antithèse avec les termes : « altérés, artifice, détournés ». Ces mots péjoratifs expriment l’idée d’une modification nocive, d’un écart de la voie naturelle. L’ordre commun renvoie au progrès ordinaire à l’ordre de la nature cet ordre qui devrait s’appeler sauvage. Le retournement de signification est donc ici accompli entre sauvage : qui est à l’état de nature, qui respecte l’ordre de la nature et sauvage qui n’est pas à l’état de nature qui est civilisé.

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