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Lecture linéaire "Mai" Apollinaire

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Par   •  31 Mars 2020  •  Cours  •  2 434 Mots (10 Pages)  •  14 378 Vues

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Objet d’étude  n°3 : La poésie du XIXème au XXIème

Alcools, Section « Rhénanes » APOLLINAIRE

L.A. Texte 2: « Mai » - APOLLINAIRE

PB : Comment le poète détourne-t-il le topos du printemps et utilise-t-il le cadre rhénan comme miroir de sa mélancolie ?

Introduction

Présenter Apollinaire

Présenter Alcools publié en 1913 : Le recueil Alcools se compose comme une marqueterie (un ensemble composite, révélateur des différentes facettes de la vie du poète).

Les poèmes correspondent à des périodes d’écriture très variées puisqu’il y a environ 10 ans d’intervalle entre le premier et le dernier poème écrit. En 1910 Apollinaire envisage de publier un recueil intitulé Le Vent du Rhin puis l’annonce sous le titre de Eau de vie. Celui-ci est encore provisoire et en 1912, il préfère Alcools avec un pluriel évoquant les différentes inspirations.

Il s’inspire aussi du « Rhin littéraire » : celui du romantisme allemand de Heinrich Heine (1797 – 1856) et Clemens Brentano (1778- 1842) mais aussi du romantisme français de Hugo (Voyages rhénans) et de Nerval qui a traduit Heine.

Ce poème est extrait de la section « Rhénanes » daté de 1902 mais présenté en 1905, inspiré par sa liaison avec Annie Playden.

Nous assistons à une promenade du poète sur le Rhin. Le mois de mai symbolise le printemps, topos de la poésie depuis d’Antiquité que l’on pourrait opposer à d’autres poèmes comme « Automne malade », autre titre du recueil. Mais, ici, il annonce une mélancolie qui fait de ce texte une élégie (= texte lyrique fondé sur l’impossibilité d’aimer et exprimant tristesse, souffrance).

Lecture du poème

Annonce des mouvements du texte : Strophe 1, une rencontre impossible au présent qui fait surgir le souvenir d’un amour passé en strophe 2. La strophe 3 se démarque car elle est un quintil contrairement aux quatrains précédents et suivant : étrange vision circassienne (=d’un cirque) comme un collage surréaliste. Strophe 4 : retour au paysage printanier en écho au vers 1. On remarque que dans les deux dernières strophes, le poète s’est effacé, nous tenterons de comprendre pourquoi.

Annonce de la problématique

Le titre

« mai » évoque par métonymie le printemps : saison propice à l’espoir de rencontre et à la naissance de l’amour

6 occurrences du mot « mai » sur l’ensemble du texte apparence de personnification :

Présentation de l’unité du poème

 Structure du texte : 4 strophes d’alexandrins dont trois quatrains et un quintil pour l’avant-dernière qui vient rompre l’aspect traditionnel du poème.

L’unité est marquée par la reprise anaphorique du premier hémistiche au vers 14 créant une sorte de circularité – On comprend qu’il s’agit d’un poème blason consacré au printemps (= poème exclusivement dédié à la description, souvent valorisante, d’une femme ou d’un élément)

Mvt 1

Strophe 1 :

Une rencontre impossible

 Un espoir de rencontre sur 2 vers et demi :

      reprise du titre par double occurrence de « mai » : la seconde occurrence est soulignée par l’épithète méliorative « joli ». La répétition donne au vers une allure de chanson, genre de prédilection d’Apollinaire (voir « Chanson du Mal-Aimé »

      « Le mai le joli mai en barque (embarque ?) sur le Rhin   personnification du fleuve = analogie paysage/poète

     Présence féminine : des « dames » synonyme de « femme » marque un certain respect et l’on retrouve l’épithète « jolies » accentué par l’adverbe d’intensité « si ». Le désir de proximité et de rencontre est exprimé par l’apostrophe directe et le vouvoiement « Vous êtes… ».

     Évocation de la « barque sur le Rhin » qui semble annoncer une promenade amoureuse. L’écho à la rime : « Rhin et riverains » où l’on note un jeu d’homophonie (riverain = rive-rhin) et le bercement de l’alexandrin régulier des vers 1 et 2 (6+6) mettent en place une atmosphère très douce.

   = Tout laisse augurer une charmante scène romantique qui en réalité s’achève violemment dès le vers 3

 La cruelle déception – vers 3

 Force de l’écriture poétique : c’est la conjonction de coordination à l’hémistiche du vers 3 « mais » qui annonce l’impossibilité de la rencontre : ce terme fait écho par homophonie au mois de « mai », mais de façon négative « joli mai/jolies mais ». Le jeu de mots et de sonorités exprime ici dérision ou amertume.

 Echec de la rencontre souligné métaphoriquement par l’éloignement de la barque v.3 en particulier, et plus généralement par un champ lexical : « du haut de, s’éloigne » complétés plus loin dans le poème par « en arrière, s’éloignait, lointain. »

 Noter qu’au présent (v. 3) succèdera l’imparfait (v. 12) pour le verbe « s’éloigner » qui peut marquer un éloignement géographique et temporel.

 Au vers 4, mise en valeur du verbe « pleurer » à l’hémistiche : Apollinaire joue avec l’expression saule pleureur en inversant les termes et en insistant sur les larmes puisque l’adjectif « pleureur » est transformé ici en verbe pour marquer davantage l’action ; cette personnification de l’arbre, comme celle du mois de mai au vers 1, permet de comprendre que c’est en réalité le poète qui pleure.

 

Cet éloignement de la barque, métaphore de l’éloignement du sentiment amoureux, fait surgir le souvenir d’une passion introduit par la conjonction « or ».

Mvt 2

Strophe 2 :

Souvenir d’un amour passé

 Les éléments de la nature qui incarnent la renaissance et le printemps sont systématiquement contrebalancés par l’évocation de la tristesse et de la rupture voire de la mort : soit un verbe d’action qui, paradoxalement, n’évoque pas le mouvement mais l’immobilité « vergers fleuris se figeaient » v.5 ( on note l’allitération en [f]), soit des participes passés « pétales tombés / pétales flétris » soulignés par une anaphores aux vers 6 et 8.

 Le souvenir personnel est explicite et l’on note l’apparition du déictique « JE » (déictique : pronom qui fait référence ici à l’énonciateur) = le poète

 Vers 7 : « Sont les ongles de celle que j’ai tant aimée » :

 le passé composé « que j’ai tant aimée » confirme l’échec de l’amour mais signale également qu’il s’agissait là d’un amour récent (allusion à Annie Playden) : l’évocation est lyrique et nostalgique.

 la femme apparaît à travers une périphrase qui la place au centre du vers avec enjambement de la césure. Le mot le plus important sur le plan affectif est « celle » : l’importance est soulignée par l’effet d’insistance que crée la prononciation du e muet et occupe sept temps du vers d’où rupture par rapport aux trois autres vers de la strophe au niveau du rythme puisqu’ils ont un rythme en [6/6] alors que le vers 7 est en [5/7].

 Par métaphore filée, le paysage évoque le corps de la femme aimée, celle-ci apparaissant par une série de métonymies aux vers 6 à 8 :

 les termes valorisants sont eux-mêmes qualifiés par des adjectifs marquant le passé et un aspect péjoratif : « ongles » associés par métaphore à « pétales des cerisiers de mai » qui sont « tombés » + « paupières » associées par comparaison à « pétales » qui sont « flétris ».

 l’évolution du paysage : « fleuris, tombés, flétris » dans un même quatrain, en même position aux 5ème et 6ème syllabes, est sans doute aussi celle de la relation amoureuse qui s’est soldée par une rupture.

Les deux premières strophes ont ainsi pour points communs deux topoï (pluriel de topos) littéraires : déception amoureuse et tristesse du paysage mimétique de celle du poète.

La modernité de l’écriture apollinarienne apparaît d’une certaine façon dans la strophe suivante qui rappelle la technique du collage et de la superposition d’images métaphoriques des surréalistes avec l’évocation des saltimbanques chers aux symbolistes.

Mvt 3

Strophe 3 

Les saltimbanques

Intertextualité : voir le document « Thème de la bohème en poésie »

 Vers 9 : le lien entre le cadre rhénan et le thème des saltimbanques est créé par le complément circonstanciel « sur le chemin du bord du fleuve »

 Seul quintil du poème : ralentissement du récit - ici le mouvement est celui de la liberté et de l’errance exprimés par l’adverbe « lentement », seul terme long du vers placé en position finale.

Mimétisme entre le mouvement de ce cortège et le rythme particulier de la strophe : une seule longue phrase avec double enjambement et rejet du verbe suivaient + rythme très lent de l’alexandrin au vers 10 en  [2 2 2 2 2 2 ] en raison de l’énumération « un ours, une singe, un chien »

 Importance de la musique : « fifre » et « air de régiment » = la gaieté et la sensation de la vie qu’offre ce tableau de bohémiens est cependant très éphémère, autant que peut l’être le bonheur d’aimer puisque l’on retrouve ici le verbe « s’éloignait » qui fait écho à celui du vers 3.

Musicalité également présente dans les allitérations en [s] et [t] : « ours/singe/tziganes/suivaient/roulotte/traînée/tandis/ s’éloignaient »

Cf : poème « Art poétique » de Verlaine :

« De la musique encore et toujours !
Que ton vers soit la chose envolée
Qu'on sent qui fuit d'une âme en allée
Vers d'autres cieux à d'autres amours
. »

    Cette scène circassienne très pittoresque se révèle étrange car elle poursuit l’aspect mélancolique du quatrain qui la précède tout en donnant au poème une sensation de vivacité par les couleurs suggérées et la musique légère (« fifre »). Cette ambiguïté et hésitation entre gaieté et tristesse est aussi celle de la syntaxe et de la conjonction « tandis que » : sont-ce les tziganes qui jouent du fifre ou le poète distingue-t-il deux groupes de personnes perçus l’un par la vue (saltimbanques), l’autre par l’ouïe (soldats / « régiment ») ?

Mvt 4

Strophe 4

Une image ambiguë du printemps

 L’unité du poème se révèle dans ce premier vers du dernier quatrain par la reprise anaphorique de l’hémistiche liminaire « le mai le joli mai ».

 Le mot « ruines » est doublement mis en valeur : place à la rime + diérèse [ru-i-ne]. Description qui, une fois e plus, perturbe le lecteur : le verbe « parer » exprime un embellissement comme si le printemps venait orner de verdure et de beauté les murs décrépis de ces ruines

MAIS

on note une similitude dans les évocations de la nature entre cette strophe et la deuxième : description ambivalente et ambiguë de la nature printanière = association d’images mélioratives et de connotations péjoratives :

    - énumération du vers 15 qui semble traduire la richesse et la générosité de la nature pourtant : « fleurs » (+) ≠ « nues » (-) et « vigne » (+) ≠ « vierge » (-) : la vigne vierge est une plante qui ne produit pas de fruits

    = à une nature pleine de promesse et féconde s’opposent le dépouillement et la stérilité

 « le vent du Rhin » : écho au poème de Verlaine « Chanson d’automne » marquant la fin d’un amour « Et je m’en vais / Au vent mauvais/ Qui m’emporte/ Deçà, delà /Pareil à la feuille morte » = le fleuve vient clore le poème comme il l’a ouvert (vers 1) en conférant à cette conclusion une note d’humour avec l’évocation des « roseaux jaseurs » où l’on trouve un chiasme des allitérations en [r/z/z/r] - harmonie imitative entre sons et drôlerie de la scène : est-ce une allusion au secret du roi Midas que les roseaux répandent ?

 Le dernier mot de ce poème, « vignes », reprend le thème de l’ivresse comme un écho à « Nuit rhénane » et suggère le pouvoir de la création poétique qui allie observation/description/souvenir.

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