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Lecture Analytique incipit de "Danser les ombres" de Laurent Gaudé

Commentaire de texte : Lecture Analytique incipit de "Danser les ombres" de Laurent Gaudé. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  24 Juin 2019  •  Commentaire de texte  •  1 661 Mots (7 Pages)  •  1 039 Vues

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Quel intérêt Laurent Gaudé a-t-il trouvé à romancer une catastrophe ? est-ce un « filon romanesque » porteur ? (cf Ouragan, Zola Jackson Gilles Leroy sur l’ouragan Katrina Août 2005…) En quoi des circonstances exceptionnelles offrent-elles une entrée privilégiée pour connaître ou façonner des personnages ? En quoi le tragique n’exclut-il pas d’autres registres ? (fantastique, lyrique) ; du fait divers au romanesque : en quoi le réel peut-il laisser libre l’imagination du romancier ? d’autant que suivait les pas d’un ami, le photographe Gaël Turine qui signe la photo de couverture, 3 ans après le terrible tremblement de terre du 12 janvier 2010. C’est 10 jours avant cet événement que s’ouvre Danser les ombres. On peut se demander en quoi cet incipit plante un décor apte à faire survenir le début de ce roman.

Autres problématiques envisagées : en quoi cet extrait remplit-il à moitié les fonctions d’un incipit ? En quoi cet incipit installe-t-il les personnages et l’atmosphère propres au livre ? En quoi cet incipit est-il révélateur des choix de l’auteur ?

I. Un décor implanté dans une réalité fantasmée.

A. Les conditions spatio-temporelles de l’exotisme.

a). Le cadre spatio-temporel est indiqué dans cet incipit, tout comme s’y attend le lecteur à l’entrée d’un livre.

Des toponymes « la rue Veuve » l. 2 et « Ciné Pigaille » l. 19. Rétrospectivement, le lecteur apprendra qu’il s’agit de la ville de Jacmel, en Haîti, et que ces lieux sont authentiques.

Il y a un décor particulier, comme « son échoppe en bois, sous l’ombre des arcades des belles maisons construites après le grand incendie », type d’architecture typique des Caraïbes, à proximité de la mer (l. 8 à 10, « port » l. 39).

b) le discours direct quant à lui n’a d’intérêt que dans les particularités de langage qu’il reflète. Tout d’abord le surnom « Mam’ Popo »l. 14, 25, 29 et 41, régressif, donne à « la vieille Goma » le premier plan pour mieux entendre sa voix. D’une part la référence à « Paris » brosse un cadre colonial, d’autre part les mots « gourde », monnaie haïtienne, et l’expression affectueuse « mon nègre » situent l’action sous des cieux particuliers. Sa posture alanguie, la longue description des lignes 29 à 44, laissent à penser qu’il s’agit d’un personnage de premier plan.

c). L’apparition quant à elle fait référence à des rites éloignés de la culture anglo-saxonne ou des pratiques européennes. On retrouve les termes « Lansetkods » l. 65 et « raras » l. 70. Les sonorités renvoient à un univers inconnu des Européens. Les matériaux mentionnés (« toile de jute », l. 62 et « sirop de canne et poudre de charbon l. 58) ne sont pas des ingrédients communs

B. Des personnages typiques (vendeurs et masse) de la représentation touristique : on a en effet la mention

a) des commerçants l. 1, repris par une réification l. 32 « toute la rue et les pluriels à partir de la ligne 36. Cette généralisation permet avec le plus-que- parfait implante durablement ce décor. Le complément circonstanciel de temps « après le grand incendie » place le narrateur à la hauteur de ces personnages. Cette communauté semble installée là depuis toujours, comme l’indique l’attention portée à Mam’ Popo et la manière dont elle rythme le marché, pour leur amusement (le sobriquet et ses exclamations) ou son autorité morale quand elle donne le signal de départ (35). Les activités rituelles sont détaillées, différents groupes sont identifiés (l. 36 « les plus pressés », l. 37 « les autres ».) Toute la fin de journée semble échapper toutefois à tout rythme, étant donné la répétition du terme ‘immobile » à deux reprises (l. 30 et 43) et la composition circulaire du paragraphe, s’ouvrant et se fermant sur les commerçants : le temps, comme l’action, semblent s’être arrêtés. La forte opposition de la conjonction de coordination « mais » l. 41 et l’accumulation des négations insistent encore davantage sur l’inaction.

b) On a également des informations concernant la langueur que les touche les uns après les autres, montrant une solidarité dans la chaleur avec de nombreux compléments circonstanciels de manière. La caractérisation de Mam’ Popo développe tous les aspects de cette langueur, chaque nom commun étant accompagné d’un adjectif relevant de la langueur, avec l. 29 à 32 ‘muette, immobile, molle, tombante, suant lentement ».

c). Les compléments circonstanciels de temps rythment cette fin de journée qui n’en finit pas, mais plantent un décor immuable. Les longues périodes des phrases alanguissent le rythme du texte tout comme la chaleur alanguit les personnages, qui le ressentent dans leur corps. La moiteur est évoquée sans pudeur, avec des termes comme l. 31 « sa jupe tombante sur ses cuisses ouvertes ». Les préoccupations générales (dîner et signe de départ) sont partagées par un personnage qui est seul individué.

C. Un personnage qui sort du lot : seul à être dénommé sans pour autant faire « couleur locale » par opposition à la vieille Goma et son interlocuteur. Le narrateur se fait tantôt omniscient comme aux premières lignes, tantôt épouse le regard de « Lucine » (l. 6 et 45). Son commerce est décrit, et sa famille est mentionnée par le prénom Alcine, qui entre en écho avec

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