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Le Mariage de Figaro, Beaumarchais, 1788

Commentaire de texte : Le Mariage de Figaro, Beaumarchais, 1788. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  5 Février 2023  •  Commentaire de texte  •  3 015 Mots (13 Pages)  •  282 Vues

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[Écrit en 1788, Le Mariage de Figaro ne sera représenté qu’en 1784 pour la première fois, car plusieurs censeurs royaux ont déclaré la pièce inacceptable. Célèbre comédie, l’œuvre est aussi une satire politique et sociale, qui questionne les privilèges de la noblesse et certaines grandes institutions de la monarchie, comme la censure. Si Le Mariage de Figaro est le deuxième volet du « roman de la famille Almaviva », suivant Le Barbier de Séville et précédant La Mère coupable, la pièce met sur le devant de la scène le personnage de Figaro.][1] [En témoigne le célèbre monologue de la scène 3 du dernier acte, dans lequel Figaro se livre à une véritable introspection, tout en assumant certaines revendications chères à Beaumarchais. Le texte que nous allons commenter est extrait de ce long monologue, et montre notamment comment le théâtre devient une tribune qui permet à l’auteur de s’exprimer. En effet, derrière les paroles du personnage de Figaro, résonne la voix de l’auteur, Beaumarchais.][2] [Pourquoi peut-on dire que le valet de comédie gagne en profondeur dans ce monologue, qu’il devient un porte-parole des Lumières, voire un héros préromantique ?][3] [Nous verrons dans un premier temps, que Figaro se présente dans l’extrait comme un personnage qui souffre. Puis, nous montrerons comment son discours évolue, et que de l’évocation d’une situation personnelle, il prend l’apparence d’un discours politique et social bien plus général. Enfin, nous confronterons l’évolution de ce discours à celle du personnage : le valet de comédie ne devient-il pas un personnage de drame, un héros préromantique ?][4] 

 

 [Figaro apparaît dans cet extrait comme un personnage qui souffre, comme un homme blessé, qui exprime sa douleur et sa colère. Seul et en plein désarroi, il déclame en effet dans une longue tirade les malheurs de sa vie : sa déception amoureuse tout d’abord, puis le bilan amer de sa propre existence.][5] 

Figaro est tout d’abord malheureux, car il croit que Suzanne le trompe avec le comte

Almaviva. La première didascalie en dit long sur l’état du personnage : « l’obscurité » extérieure est à l’image de ses sentiments, qu’il exprime « du ton le plus sombre » (l.1). Si

Suzanne n’est pas explicitement citée, l’apostrophe qu’il fait à sa fiancée grâce à l’interjection « Ô », et à la répétition ternaire du substantif « femme » est claire. L’enchaînement des exclamatives révèle son abattement et sa tristesse. La trahison supposée de Suzanne le fait douter du genre féminin, dont il interroge jusqu’à l’« instinct » : « le tien est-il donc de

[pic 1] 

tromper ? » (l.3). De plus, une parole décousue et spontanée traduit la confusion intérieure de Figaro, comme le soulignent la juxtaposition de phrases courtes et les points de suspension des lignes 3 à 5. Se mêlent alors des retours sur la chronologie des faits (« Après m’avoir obstinément refusé », « à l’instant qu’elle me donne sa parole », « au milieu même de la cérémonie »), et une analyse de la situation : « et moi, comme un benêt… […] me voilà faisant le sot métier de mari » (l.14). Un troisième personnage entre en scène, « monsieur le comte »

(l.5) : l’évocation de ce dernier, entraîne Figaro à se remémorer les étapes antérieures de sa vie.  

L’introspection douloureuse de Figaro sur sa propre vie, crée une sorte de rupture dans le monologue, introduite notamment par la didascalie de la ligne 13 : « Il s’assied sur un banc ».

Il revient d’abord sur ses origines obscures : « Fils de je ne sais pas qui » (l.14). Dans une société où la naissance détermine une vie, le désespoir du personnage est évident. Les trois participes passés, « volé », « élevé » (l.14), « repoussé » (l.15), résument la jeunesse de Figaro. S’écrit progressivement dans le monologue, une autobiographie au présent de narration du personnage, dans laquelle une série d’énumérations présente les étapes de sa vie : « J’apprends la chimie, la pharmacie, la chirurgie » (l.16), « je me jette à corps perdu dans le théâtre » (l.18),

« je broche une comédie (l.19), « j’écris sur la valeur de l’argent » (l.29). Successivement médecin, vétérinaire, dramaturge, économiste, Figaro a enchaîné les métiers et accumulé les savoir-faire, sans jamais obtenir aucune reconnaissance : « Mes joues creusaient, mon terme était échu » (l.26). On apprend même son séjour en prison, grâce à l’euphémisme des lignes 29-

30 : « je vois, au fond d’un fiacre, baisser pour moi le pont d’un château-fort ». Condamné à abandonner « l’espérance et la liberté » (l.30), Figaro deviendra barbier à Séville, puis le valet du comte Almaviva.  

 

 [Le discours de Figaro est donc celui d’un personnage ému, qui souffre et qui fait le bilan d’une vie difficile et pleine d’obstacles. Mais nous allons voir que l’auteur va plus loin : l’évocation de la situation personnelle de son personnage progresse peu à peu vers un discours bien plus général, aux revendications politiques et sociales très claires.][6] 

 

         [En effet, le monologue de Figaro ne se contente pas de présenter la vie personnelle du personnage : un mouvement significatif du particulier au général se met en place, et permet au discours de prendre de l’ampleur. D’une lamentation intime, le monologue devient l’écho de la parole du peuple, des Lumières et de celle de l’écrivain.]7 

[pic 2] 

Une rivalité entre Figaro et le comte est mise en scène dans ce monologue, elle permet à l’auteur d’insérer un discours contre les privilèges de la noblesse et des puissants. Des lignes 5 à 11, Figaro apostrophe en effet le comte, et entretient avec lui un faux dialogue, où il formule sa rancœur, qui devient celle de chaque individu soumis à « un grand seigneur ». Figaro évolue incontestablement : à l’homme blessé qui confie ses malheurs, s’associe un porte-parole du peuple opprimé sous l’Ancien Régime[7]. Un jeu d’antithèses oppose par exemple le mérite de Figaro à celui, inexistant, de son maître, qui jouit pourtant de tous les privilèges et de toutes les reconnaissances. L’adverbe totalisant « tant » dans la question « Qu’avez-vous fait pour tant de biens ? » (l.8), s’oppose au pronom indéfini « rien » de la réponse « Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus » (l.9). La rivalité amoureuse des deux personnages prend peu à peu l’apparence d’un discours politique, qui dépasse l’histoire personnelle de Figaro. L’emploi du pronom personnel « vous », dans la répétition de l’injonction « Vous ne l’aurez pas » (l.6), montre que Figaro s’adresse directement au comte. Mais peu à peu, ce « vous » prend une valeur plus générale. Figaro semble alors s’adresser à tous les nobles. L’énumération de la ligne 7, « noblesse, fortune, un rang, des places, tout cela rend si fier ! », résume et critique implicitement le système social de l’Ancien Régime. L’opposition entre le verbe d’état « être » et le verbe de perception « se croire » à la ligne 6, déconstruit l’assimilation des termes « seigneur » et « génie », induite par le parallélisme de construction : « Parce que vous êtes un grand seigneur, vous vous croyez un grand génie ». De plus, la didascalie de la ligne 30, « Il se lève », montre l’engagement de Figaro, prêt à « tenir un de ces puissants de quatre jours, si légers sur le mal qu’ils ordonnent » (l.31), et à se confronter à lui.  

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