Horace - Corneille - Monologue de Sabine (Scène 1, l'acte III)

Le XVIIème siècle français est marqué par la succession de deux courants artistiques qui s'opposent : le baroque et le classicisme. Impliquant deux visions contradictoires du monde, ces mouvements s'expriment également dans des formes littéraires qui leur sont propres. Pierre Corneille est un dramaturge qui écrit entre ces deux périodes. Il a écrit une comédie L'Illusion comique, une tragi-comédie Le Cid et plusieurs tragédies dont Horace, en 1630. Cette pièce s'inspire d'une légende de l'antiquité romaine, rapportée par Tite-Live. Elle se déroule pendant la guerre entre deux cités voisines Albe et Rome. Pour éviter un conflit sanglant, les deux villes se sont mises d'accord pour choisir trois guerriers chacune et de les faire combattre. La ville qui perd le duel doit capituler. Les guerriers choisis à Albe sont les Curiaces et ceux choisis à Rome sont les Horaces mais ces deux familles sont intimement liées. Dans cet extrait des vers 739 à 764, le personnage de Sabine est confronté à un grand dilemme car Sabine est la femme d'Horace et la sœur de Curiace ce qui la relie aux deux villes. Il est donc tout naturel qu'elle se demande dans quel camp se placer. Nous nous demanderons à l'étude de cette œuvre comment pour Sabine la morale des sentiments prévaut sur la morale des sacrifices ? Dans un premier temps, nous aborderons le monologue d'une femme perdue puis nous verrons l'exposition de son dilemme.

Dans les tragédies, le monologue est une scène de délibération du personnage, c'est un va et vient entre deux options qui augmente bien souvent le désespoir d'un personnage. Sabine, dans le monologue présenté, se doit de faire un choix difficile : se rallier à sa famille, ses trois frères Curiace, ou à son mari, Horace. Tout d'abord, dans cette exposition, située à la première scène 1 de l'acte III, le personnage de Sabine se construit autour de ce dilemme cruel. Elle se retrouve seule sur scène, se parle à elle-même, à voix haute afin d'être entendue des spectateurs. A travers ce discours, Corneille lui permet de nous révéler ses sentiments et son extrême angoisse face au combat qui oppose son mari à ses frères. Pour cela, l'auteur utilise de nombreuses oppositions comme « douce et grossière » (Vers 739), « ces éclairs » et « le fort des ombres » (Vers 743), « un jour qui fuit » et « les nuits plus sombres » (Vers 744), « un moment de clarté » (Vers 745) et « plus d'obscurité » (Vers 746). Il emploie également le champ lexical de l'obscurité « ombre » (Vers 743), « nuits plus sombres » (Vers 744), « plus d'obscurité » (Vers 746) tandis que quand il parle de la lumière, elle est « impuissante » (Vers 740). Ensuite, nous retrouvons un personnage dérouté, délibératif et tragique. Le dramaturge choisit des rimes plates de type aabb pour nous faire part de la souffrance, de la peine, du chagrin de Sabine et nous transmettre ses émotions. Cette mélancolie est présente tout au long de la scène. Nous pouvons remarquer qu'elle s’adresse à son âme, à sa propre conscience, et tente de la raisonner en lui adressant directement la parole : « Vain effort de mon âme, impuissante lumière » (Vers 740). De même, nous constatons l'importance des Dieux pour Sabine « Trop favorables Dieux, vous m'avez écoutée ! » (Vers 760), « Si même vos faveurs ont tant de cruautés » (Vers 764). Elle semble

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