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Commentaire Butor la Modification

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Par   •  2 Janvier 2019  •  Commentaire de texte  •  3 018 Mots (13 Pages)  •  1 376 Vues

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Blanche Rolland

1ES1

Commentaire littéraire

 Michel Butor 

La modification (1957)

Michel Butor, auteur du XXe siècle, écrit en 1957 La modification, ouvrage majeur du Nouveau Roman, mouvement remettant en cause le roman traditionnel, et faisant de la vie intérieure des personnages le centre du récit. Concevant « le roman comme recherche », il s'intéresse à de toutes nouvelles manières d'écrire l'espace, dans Passage de Milan (1954) notamment, par l'intermédiaire d'un immeuble parisien qu'il étudie à travers une succession d'heures, puis d'écrire le temps, dans L'Emploi du temps (1956), où l'évocation du passé du narrateur est interrompue par des références au présent. Pour son troisième roman, La Modification, le narrateur relève et commente les actions insignifiantes qui se déroulent dans un wagon de chemin de fer de Paris à Rome, pour finalement constater sa « modification » psychologique. C'est donc entre ces deux villes que le train emporte Léon Delmont, le protagoniste, de l'une vers l'autre, la mémoire et les projets du personnage pris entre une épouse dont il se croît las et une maîtresse italienne qu'il veut à ses côtés. Il suffira d'un voyage aller pour que sa modification psychologique et celle du lecteur se produisent.

L'extrait que nous allons étudier est l'incipit de ce roman. Un incipit désigne les premiers mots, ou les premiers paragraphes, d'une œuvre littéraire. Il annonce la suite du texte, en définissant son genre, les choix stylistiques de l'auteur mais aussi le point de vue adopté par le narrateur, tout en tentant d'attirer le lecteur. C'est bien souvent grâce à l'incipit que nous, lecteurs, arrivons à définir le lieu, l'époque et les personnages de l'histoire. Or, l'incipit proposé par Butor nous interroge sur le rôle de l'incipit dans le Nouveau Roman.  

Ce début de roman déroutant nous amène à nous demander en quoi ce début de roman renouvelle t-il la forme et la fonction de l'incipit romanesque.

Nous verrons dans un premier temps si cet incipit présente, comme il se doit le protagoniste et de quelle manière cette présentation est différente de celle d'un héros de roman classique

Au travers de son incipit, Butor nous présente, comme dans tout bon incipit, le protagoniste et l'action qu'il exécute. Or, ici, ce personnage est d'un type bien nouveau : il est banal. Sa normalité surprenante fait de lui un anti-héros.

Ce fait est souligné par l'attention posée sur chacun des mouvements du corps du protagoniste. Tous ses gestes sont minutieusement scandés et analysés, pour pouvoir par exemple monter dans le wagon ou encore soulever une valise. «Vous avez mis le pied gauche sur la rainure de cuivre, et de votre épaule droite vous essayez en vain de pousser un peu plus le panneau coulissant » (l.1) : dès la première phrase de l'incipit, souligné par la locution adverbiale « en vain », notre protagoniste est présenté comme faible et impuissant face aux objets qui l'entourent. En effet, le simple fait de soulever une « valise assez petite » (l.7) est présenté comme un exploit nécessitant une grande force pour le protagoniste afin de l'accomplir.

L'auteur accorde une grande importance aux sensations physiques. Il insiste sur chacun des mouvements, analysés minutieusement, image par image. Le personnage se trouve ainsi associé à des verbes de mouvement : « mis le pied » (l.1), « introduisez » (l.5), «vous êtes entré » (l.23), « vous vous échappiez » (l. 27). Sa gestuelle n'a effectivement rien d'héroïque, au contraire : « vos doigts se sont échauffés si peu lourde qu'elle soit » (l.8). Ici, l'auteur appuie sur le fait que le protagoniste se doit de rassembler toutes ses forces pour être capable d'accomplir une tâche anodine. Cependant, nous apprenons par la suite que cette faiblesse est une « faiblesse inhabituelle » (l.14). Nous comprenons que cette épuisement n'est pas dû à l'anatomie même du personnage, mais parce que le début de la vieillesse vient le toucher. On pourrait alors s'attendre à un personnage très vieux, or il vient « seulement d'atteindre les quarante-cinq ans ». Même s'il n'est pas des plus jeunes, sa faiblesse physique est supérieure à celle d'un homme ordinaire de quarante-cinq ans.

Le champ lexical de l'anatomie humaine est très présent, donnant au texte aspect médical : « pied » (l.1), « épaule » (l.2 et 11), « doigts » (l.8), « muscles », « tendons » et « phalanges » (l.10), « paume », « poignet » et « bras » (l.11), « dos », « vertèbres », « cou » et « reins » (l.12), « yeux » et « paupières » (l.16), « tempes », « peau » et « cheveux » (l.17).  

Cette longue description du corps et de son mouvement va nous permettre de mieux cerner le personnage : du fait qu'il ait les « tempes crispées » (l.17), on en déduit que notre personnage est nerveux et manque d’assurance. En effet, cette description longue et détaillée des efforts du protagoniste nous permet de discerner et le mal-être intérieur du personnage. Aucun trait de caractère n'étant énoncé, ses mouvements et les objets qui l'entourent sont donc considérés par le lecteur comme très révélateurs de la faiblesse physique et morale du personnage.  

L'auteur insiste sur les sensations éprouvées, ici désagréables. Ces sensations sont mise en avant par la vue mais plus particulièrement par le sens du toucher. Ainsi, quand l'auteur écrit que le personnage est « comme baigné, dans son sommeil imparfait, d'une eau agitée et gazeuse » (l.19), nous en déduisons qu'il se sent secoué et maladif, presque en situation de malaise. C'est un « homme habitué aux voyages », et on pourrait s'imaginer alors un aventurier, or, tout cela n'a rien d'une aventure palpitante puisque nous réalisons que ce voyage en train, notre personnage le fait souvent. « Comme à l'habitude » (l.25), il semble plutôt enclavé dans des habitudes et routinier. Aussi, cet homme semble vouloir ce cacher, c'est donc un voyage clandestin « car il ne fallait, pas que quelqu'un sût » (l.26).

Pour Butor, les objets qui entourent les individus sont révélateurs de la conscience humaine. Ici, par exemple, la valise a une « poignée collante» (l.8), un peu comme la manière dont se sent cet homme, pas vraiment à l'aise et réveillé. Le voile « de fumée légère » (l.16) qui l'incommode pourrait se rapporter à la fumée du train. Le train est désigné comme un espace trop bruyant, trop confiné… La réalité est possiblement présentée selon la psychologie du personnage : actuellement, elle le reflet pessimiste d'un train, ce qui est légitime sachant que cet homme fuit quelque chose : « c'était vers Rome que vous vous échappiez pour ces quelques jours » (l.27).

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