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Andromaque, de Jean RACINE (1667).

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Par   •  21 Janvier 2018  •  Dissertation  •  1 876 Mots (8 Pages)  •  897 Vues

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Dans « Andromaque », son chef d’œuvre écrit en 1667 pour les bonnes grâces de son souverain Louis XIV, Jean Racine modernise un mythe grec selon les mœurs galantes de la cour où s’entremêlent intrigues diplomatiques et passions amoureuses. Satisfaisant aux exigences de la tragédie classique rythmée par l’alexandrin et la règle des trois unités, le poète dramatique brosse le portrait d’Hermione-une jeune princesse éconduite- qui convainc l’ambassadeur Oreste de commettre un régicide pour la venger. Dans la scène 3 de l’acte IV de cette pièce de théâtre, Hermione révèle son projet de vengeance concertée. Elle décide de faire tuer son fiancé parjure Pyrrhus par Oreste en abusant de l’amour qu’il lui voue. Hermione complote alors de faire tuer Pyrrhus. Oreste, trahissant ses valeurs, accepte le chantage d’Hermione et s’engage à tuer le rival haï. Conjuguant la peinture des passions contrariées par les exigences du devoir, Jean Racine conduit habilement la tragédie vers son issue tragique.

Dans cette scène décisive, le poète janséniste accélère le drame classique vers son issue tragique par la perversité d’Hermione.

Maître du suspense, Racine conduit la pièce vers son dénouement par le spectacle de l’élaboration d’un complot et brosse ainsi moralement un portrait à charge de son auteur Hermione qui pervertit perfidement Oreste, tous les deux succombant tragiquement à leurs passions...

D’emblée, l’urgence et le suspense précipitent le public vers l’issue de la tragédie.

Hermione et Oreste en complotant contre Pyrrhus prennent dans cette scène une initiative funeste alors qu’une autre catastrophe est prévue simultanément. En effet, Andromaque, soumise par Pyrrhus -qui la convoite- à un chantage sur la vie de son fils Astyanax, vient de dévoiler son projet de se tuer. Andromaque  a cédé au chantage de Pyrrhus en acceptant de l’épouser mais a décidé de se tuer ensuite pour se soustraire noblement au chantage tout en préservant la vie de son fils Astyanax. Ce déclenchement d’actions parallèles accentue la tension dramatique. En effet, une initiative catastrophique va être prise alors qu’Andromaque a déjà résolu de se tuer. Hermione et Oreste vont donc décider d’assassiner Pyrrhus au moment où Andromaque a aussi prévu de se suicider après l’avoir épousé (IV, 1). L’annonce de ces deux projets sanglants produit un effet de suspense.

Cette tension est encore accentuée par l’urgence de la situation. La pression temporelle est mise sur Hermione et Oreste qui doivent agir dans l’urgence servant ainsi le dessein du tragédien soumis à la règle des trois unités. En effet, Hermione veut tuer Pyrrhus au moment de la cérémonie qui est alors en cours de préparation : « ce jour, il épouse Andromaque » (v. 1214). Oreste doit également agir vite parce que son amante peut changer d’avis (v. 1174 et 1196-1200) et qu’il s’agit pour lui d’une occasion de pouvoir enfin l’enlever (III. 1). Racine répond ainsi à la contrainte de la règle de l’unité de temps (vingt-quatre heures au maximum) en accélérant le dénouement de l’action.

Cette pression temporelle conjuguée au suicide envisagé par Andromaque intensifie le tragique. Hermione offensée par la négligence de Pyrrhus va parvenir à manipuler Oreste pour en faire l’instrument de sa vengeance.

Hermione abuse alors de son pouvoir tyrannique sur Oreste puis le manipule par la proposition d’un marché amoureux conclu par deux sortes de chantages.

D’abord, Hermione avance une première raison d’honneur pour condamner Pyrrhus et joue verbalement de son pouvoir sur Oreste. La raison initiale qu’elle invoque est celle de sa « gloire offensée (v. 1189). Son autoritarisme s’exprime par la répétition insistante de « je veux » (v. 1153, 1169, 1175), les impératifs (v. 1157, 1170, 1174, 1175,  1195, etc.), un congé donné sans réplique (v. 1237, 1238, 1241). Hermione domine verbalement Oreste qu’elle interrompt et traite avec désinvolture : « pas à vous (v. 1176), « n’importe » (v. 1195) et une ironie méprisante : « voulez-vous prendre soin de sa vie » (v. 1221).

Profitant de l’amour qu’elle inspire à Oreste, son soupirant soumis, Hermione lui propose un marché (de dupe) amoureux. Le contrat consiste à se présenter comme la récompense du meurtre. Hermione promet en effet à Oreste de se marier avec lui : « soyez sûr de mon cœur » (v. 1231), puis le consentement à leur « fuite » en Grèce (v. 1254) ; ensuite, elle présente l’acte comme une chance unique pour Oreste de la séduire : « j’ai voulu vous donner les moyens de me plaire » (v. 1234) ; enfin, vu le « prix » (v. 1199) auquel elle s’évalue elle-même, le meurtre devient le seul moyen de la « mériter » (v. 1242) et une sorte d’ultimatum. Il s’agit d’un marché de dupes car le public sait en effet depuis la scène 1 de l’acte II qu’elle méprise Oreste ; elle se parjurera d’ailleurs à la scène 3 de l’acte V.

A la fin de la scène, Hermione exerce de surcroît deux sortes de chantages sur Oreste. Elle lui fait d’abord un chantage affectif aux vers 1198 à 12000 (tu dois le tuer maintenant sinon je puis l’aimer de nouveau ; tu auras donc laissé passer une occasion favorable) puis un chantage au suicide aux vers 1244 à 1246 (tu dois le tuer maintenant sinon je me tue et donc tu me perds).

Ainsi, par son orgueil blessé et sa superbe, Hermione abuse de son pouvoir sur Oreste en tentant de le convaincre d’être le bras armé de sa vengeance de femme délaissée. Dans ce chantage sentimental, Hermione dévoile la noirceur de sa personnalité…

Face à une telle démonstration de vices de la part d’Hermione, Oreste tente vainement de résister car, en participant au complot qu’elle ourdit contre Pyrrhus, il succombera finalement à l’influence funeste qu’elle exerce sur lui.

Par les vices qu’Hermione montre dans cette scène, elle apparaît haïssable. En effet, Racine livre au public un portrait à charge de la jeune princesse marqué par trois des sept péchés capitaux de la somme théologique de Saint Thomas d’Aquin. Il s’agit tout d’abord de l’orgueil (« superbia » en latin). L’hypertrophie de son ego et le sentiment de sa valeur personnelle entraînent le refus qu’on la contrarie, l’impossibilité de se sacrifier et le mépris d’autrui ; à cela s’ajoute son égoïsme consistant à n’agir que dans son propre intérêt, au besoin en manipulant autrui pour l’instrumentaliser. Son second péché est l’envie (« invidia » en latin) sur le plan amoureux, c’est-à-dire la jalousie car son désir de posséder l’objet aimé-Pyrrhus- échappe à sa raison. Hermione est incapable de trouver par la volonté (au contraire d’Andromaque) une issue raisonnable à sa situation. Le troisième péché d’Hermione est la colère (« ira » en latin) car elle est excessive et violente en paroles (ironie cruelle, insultes blessantes) et en actes (incitation au meurtre) à l’égard d’Oreste qui peine à la raisonner.

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