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Analyse de la gravure de Doré pour la Petit Poucet et comparaison avec l'incipit

Dissertation : Analyse de la gravure de Doré pour la Petit Poucet et comparaison avec l'incipit. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  13 Septembre 2016  •  Dissertation  •  1 964 Mots (8 Pages)  •  1 475 Vues

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  1. Analyse de  La première des onze illustrations de  G. Doré « Tu vois bien que nous ne pouvons plus nourrir nos enfants »

  1. Tracer un espace de référence

L’illustration de Doré joue un rôle d’exposition et de présentation des personnages, dans leur situation de disette ; elle met en place un contexte humain. Un certain nombre d’éléments jouent un rôle référentiel : il s’agit de dénoter l’espace d’une chaumière de bûcheron avec la cognée, la corde à linge, l’empilement de fagots en arrière plan, les sabots de l’homme, le bahut et la marmite, le banc sur lequel sont assis les deux personnages ; le costume des personnages, ainsi que leurs attitudes remplissent une fonction descriptive et narrative. 

  1. Composition et éclairage : un espace dramatisé. 

Les différents personnages sont rassemblés dans une construction en pyramide qui part à gauche de la hache du bûcheron et à droite de la main que le Petit Poucet  appuie sur le sol. Les deux lignes viennent se rencontrer sur le poteau en bois du second plan qui retient la pile de bois formant comme un mur dans la partie centrale. On peut relever de nombreuses lignes parallèles dans le dessin des personnages humains : parallèles de la jambe droite de l’homme et de la jambe gauche de la femme ; parallèle des bras gauches ; parallèle de la jambe gauche de l’homme et du grand pli dans la robe, du pied du banc, du bras gauche du Petit Poucet. Ces lignes unifient fortement les personnages : elles les définissent assez comme mari et femme. Quoique dirigés dans des directions différentes, leurs yeux sont sur la même ligne horizontale.

En même temps une grande ligne diagonale reliant le dos du chien à gauche à la marmite en haut du bahut isole les deux parents, les enferme chacun dans leurs propres pensées. Les objets du second plan les encadrent chacun dans leur espace spécifique : le personnage du mari est encadré par le pilier de la cheminée et par le poteau central, tandis que sa femme est enfermée entre ce même poteau et la ligne médiane du meuble à droite. Cette solitude est accentuée par les directions croisées de leurs regards : vers la droite pour le mari et vers le bas à gauche pour sa femme.

  1. Les personnages

Les attitudes expriment la gravité et les traits du visage peignent une évidente  tristesse. Cet accablement est relayé par les postures des animaux familiers qui forment comme des répliques des personnages humains auxquels ils font face. Les quatre personnages (mari /femme ; chien/chat) ont quelque chose de hiératique : ils subissent la situation. La participation des animaux à l’atmosphère émotionnelle souligne la profondeur dramatique d’une situation à laquelle nulle créature ne peut échapper : la famine irrémédiable.

 Un cinquième personnage, le Petit Poucet semble lui au contraire en action, en mouvement en éveil. Ce groupe de personnage reproduit l’image des cinq doigts de la main. Cependant la place à ras de terre du Petit Poucet et le fait qu’il reste invisible pour les autres personnages insistent sur sa petitesse, son humilité, sa nullité même. C’est l’intrus négligeable, marginal, mais qui va introduire sa dynamique propre dans la situation et trouver les ressources d’un renversement triomphal.

  1. Les objets

La distribution des objets dans l’espace leur donne une grande force expressive : l’assiette vide du premier plan est à l’intersection de plusieurs lignes de force de la composition. Elle se trouve dans le prolongement du manche de la cognée du bûcheron, elle est le point d’aboutissement de la ligne qui passe par le bras droit du bûcheron et par le navet qu’il tient ; elle forme la base d’une diagonale qui part en haut de la marmite, passe par la tête de la femme et descend le long de son buste ; elle prend place aussi à l’aplomb du pilier de la cheminée. Une autre ligne la relie à la main du Petit Poucet après être passé par la tête du chat. L’emplacement de ce détail emblématique de la disette, à un point de convergence des lignes structurant la composition lui confère la valeur d’un message très explicite. Ni l’outil de travail, ni la main de l’homme, ni l’ingéniosité de la femme ne parviennent désormais à nourrir la famille. La marmite a été remisée sur le bahut, comme si elle était désormais inutile.

  1. L’éclairage de la scène

Bien que l’illustrateur n’ait retenu que la fumée émanant du foyer, l’éclairage est cependant assuré par la cheminée à gauche. Le feu qu’elle contient est en partie hors cadre : il aurait introduit une symbolique étrangère à la suggestion de la disette. Doré recourt ici à une technique d’éclairage qui n’est pas sans rappeler celle de Georges de la Tour ou des frères Le Nain, des peintres de personnages populaires au XVII ème siècle, inspirée d’un style inventé par le peintre italien Caravage. Cet éclairage latéral et incomplet crée des oppositions fortes de lumière, des contrastes entre les zones éclairées et celles qui ne le sont pas, ce qui crée une atmosphère dramatique. Les linges blancs pendent comme des haillons. La préoccupation, la gravité des visages sont accentuées : le visage blême de la femme contraste avec les noirs et blancs qui semblent ravager celui de son mari. La blancheur des vêtements sur le personnage féminin introduit une pâleur, une froideur mortifère qui annule ce que la flamme du foyer aurait dû introduire de rassurant. Le tranchant clair de la hache se détache avec force, et suggère au lecteur le thème du carnage qui apparaîtra dans l’épisode de l’ogre.  Le ventre de la marmite est caressé par la lumière du foyer qui l’illumine comme un vase sacré, comme une promesse de plénitude peut-être. Les ombres portées accompagnent les objets et les personnages du premier plan. Au-delà de cet étroit cercle de lumière fumeuse, le reste du monde se dissout dans l’ombre, le mystère, les dangers, une froideur mortelle. C’est ce que le Petit Poucet va devoir affronter ; il n’est pas inutile qu’il cherche à savoir ce qui l’attend.

Comparaison de l’illustration de Doré avec l’incipit de Perrault 

  1. Les moyens de l’exposition

La gravure se rapporte au second paragraphe du texte de Perrault et au dialogue qui est rapporté. Doré choisit sans doute le moment où les deux parents sont auprès du feu, celui où le bûcheron annonce son projet à sa femme : le personnage est représenté la bouche ouverte entrain de parler. La mère est encore muette et le Petit poucet a connaissance depuis sa cachette sous le banc (l’escabelle chez Perrault) de cette proposition. L’illustrateur choisit donc un instantané d’une grande intensité dramatique. Le conteur précise qu’il était caché sous l’escabeau de son père, mais Doré le situe en dessous de la mère, à droite de l’illustration.

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