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Le petit Poucet, Perrault

Fiche de lecture : Le petit Poucet, Perrault. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  9 Décembre 2012  •  Fiche de lecture  •  2 417 Mots (10 Pages)  •  2 029 Vues

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LE PETIT POUCET

Il estoit une fois un bucheron et une bucheronne qui avaient sept enfants, tous garçons ; l’aîné n’avait que dix ans, et le plus jeune n’en avait que sept. On s’estonnera que le bucheron ait eu tant d’enfans en si peu de temps ; mais c’est que sa femme allait viste en besogne, et n’en faisait pas moins que deux à la fois.

Ils estaient fort pauvres, et leurs sept enfans les incommodaient beaucoup, parce qu’aucun d’eux ne pouvait encore gagner sa vie. Ce qui les chagrinait encore, c’est que le plus jeune estait fort delicat et ne disait mot, prenant pour bestise ce qui estait une marque de la bonté de son esprit. Il estait fort petit, et, quand il vint au monde, il n’estait gueres plus gros que le pouce, ce qui fit que l’on l’appella le Petit Poucet.

Ce pauvre enfant estoit le souffre-douleurs de la maison, et on lui donnoit toûjours le tort. Cependant il estoit le plus fin et le plus avisé de tous ses freres, et, s’il parloit peu, il écoutoit beaucoup.

Il vint une année très-fâcheuse, et la famine fut si grande que ces pauvres gens resolurent de se deffaire de leurs enfans. Un soir que ces enfans estoient couchez, et que le bucheron estoit auprés du feu avec sa femme, il luy dit, le cœur serré de douleur :

« Tu vois bien que nous ne pouvons plus nourrir nos enfans ; je ne sçaurois les voir mourir de faim devant mes yeux, et je suis resolu de les mener perdre demain au bois, ce qui sera bien aisé, car, tandis qu’ils s’amuseront à fagoter, nous n’avons qu’à nous enfuir sans qu’ils nous voient.

— Ah ! s’écria la bucheronne, pourrois-tu toi-même mener perdre tes enfans ! »

Son mary avoit beau luy representer leur grande pauvreté, elle ne pouvoit y consentir ; elle estoit pauvre, mais elle estoit leur mere.

Cependant, ayant consideré quelle douleur ce luy seroit de les voir mourir de faim, elle y consentit, et alla se coucher en pleurant.

Le Petit Poucet ouït tout ce qu’ils dirent, car, ayant entendu, de dedans son lit, qu’ils parloient d’affaires, il s’estoit levé doucement et s’estoit glissé sous l’escabelle de son pere, pour les écouter sans estre vû. Il alla se recoucher, et ne dormit point le reste de la nuit, songeant à ce qu’il avoit à faire.

Il se leva de bon matin, et alla au bord d’un ruisseau, où il emplit ses poches de petits cailloux blancs, et ensuite revint à la maison. On partit, et le Petit Poucet ne découvrit rien de tout ce qu’il sçavoit à ses freres.

Ils allerent dans une forest fort épaisse, où à dix pas de distance on ne se voyoit pas l’un l’autre. Le bucheron se mit à couper du bois, et ses enfans à ramasser des broutilles pour faire des fagots. Le pere et la mere, les voyant occupez à travailler, s’éloignerent d’eux insensiblement, et puis s’enfuirent tout à coup par un petit sentier détourné.

Lorsque ces enfans se virent seuls, il se mirent à crier et à pleurer de toute leur force. Le Petit Poucet les laissoit crier, sçachant bien par où il reviendroit à la maison, car en marchant il avoit laissé tomber le long du chemin les petits cailloux blancs qu’il avait dans ses poches. Il leur dit donc :

« Ne craignez point, mes freres ; mon pere et ma mere nous ont laissez icy, mais je vous rameneray bien au logis : suivez-moy seulement. »

Ils le suivirent, et il les mena jusqu’à leur maison, par le même chemin qu’ils estoient venus dans la forest. Ils n’oserent d’abord entrer, mais ils se mirent tous contre la porte, pour écouter ce que disaient leur pere et leur mere.

Dans le moment que le bucheron et la bucheronne arriverent chez eux, le seigneur du village leur envoya dix écus, qu’il leur de voit il y avoit longtems et dont ils n’esperoient plus rien. Cela leur redonna la vie, car les pauvres gens mouroient de faim. Le bucheron envoya sur l’heure sa femme à la boucherie. Comme il y avoit longtemps qu’elle n’avoit mangé, elle acheta trois fois plus de viande qu’il n’en falloit pour le souper de deux personnes. Lorsqu’ils furent rassasiez, la bucheronne dit :

« Helas ! où sont maintenant ces pauvres enfans ? Ils feroient bonne chere de ce qui nous reste là. Mais aussi, Guillaume, c’est toy qui les as voulu perdre ; j’avois bien dit que nous nous en repentirions. Que font-ils maintenant dans cette forest ? Helas ! mon Dieu, les loups les ont peut-être déjà mangez ! Tu es bien inhumain d’avoir perdu ainsi tes enfans ! »

Le bucheron s’impatienta à la fin, car elle redit plus de vingt fois qu’ils s’en repentiroient, et qu’elle l’avoit bien dit. Il la menaça de la battre si elle ne se taisoit. Ce n’est pas que le bucheron ne fust peust-estre encore plus fâché que sa femme ; mais c’est qu’elle luy rompoit la teste, et qu’il estoit de l’humeur de beaucoup d’autres gens, qui ayment fort les femmes qui disent bien, mais qui trouvent très importunes celles qui ont toûjours bien dit.

La bucheronne estoit tout en pleurs :

« Helas ! où sont maintenant mes enfans, mes pauvres enfans ? »

Elle le dit une fois si haut que les enfans, qui estoient à la porte, l’ayant entendu, se mirent à crier tous ensemble :

« Nous voyla ! nous voyla ! »

Elle courut viste leur ouvrir la porte, et leur dit en les embrassant :

« Que je suis aise de vous revoir, mes chers enfans ! Vous estes bien las, et vous avez bien faim ; et toy, Pierrot, comme te voyla crotté, viens que je te débarboüille. »

Ce Pierrot estoit son fils aîné, qu’elle aimoit plus que tous les autres, parce qu’il estoit un peu rousseau, et qu’elle estoit un peu rousse.

Ils se mirent à table, et mangerent d’un apetit qui faisoit plaisir au pere et à la mere, à qui ils racontoient la peur qu’ils avoient eüe dans la forest, en parlant presque toûjours tous ensemble. Ces bonnes gensétoient ravis de revoir leurs enfans avec eux, et cette joie dura tant que les dix écus durerent. Mais, lorsque l’argent fut dépensé, ils retomberent dans leur premier chagrin, et résolurent de les perdre encore, et, pour ne pas manquer leur coup, de les mener bien plus loin que la premiere fois.

Ils ne purent parler de cela si secrettement qu’ils ne fussent entendus par le Petit Poucet, qui fit son compte de sortir d’affaire comme il avoit déjà fait ; mais quoyqu’il se fut levé de bon matin pour aller ramasser des petits cailloux, il ne put en venir à bout,

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