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LE JEU DE LA TURQUIE DANS LA GESTION DE LA CRISE MIGRATOIRE

TD : LE JEU DE LA TURQUIE DANS LA GESTION DE LA CRISE MIGRATOIRE. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  5 Janvier 2019  •  TD  •  3 419 Mots (14 Pages)  •  627 Vues

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Introduction

Pour échapper aux violences de la guerre civile syrienne qui fait rage au lendemain des printemps arabes, plus de 5 millions de Syriens ont quitté leur pays depuis 2014, dont quasi 3 millions pour la Turquie, selon le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCNUR). Celle-ci est ainsi devenue en 2016 le premier pays d’accueil de réfugiés au monde . Réel « trait d’union » entre l’Orient et l’Europe, elle compte plus de 8 000 km de frontières maritimes, et 3 000 km de dyades, dont 352 km de frontières avec l’Irak, 877 km avec la Syrie, et 206 km avec la Grèce à l’ouest (Annexe 1).

L’incapacité de l’UE à gérer cet afflux important de migrants sur son sol a conduit à la création d’une crise migratoire alors que les réfugiés ne représentent que 0,2 % de la population européenne . La crise prend un tournant pendant l'été 2015, lorsque plusieurs milliers de réfugiés majoritairement Syriens, Irakiens et Afghans gagnent la Turquie pour la plupart rejoindre l’UE. En effet, la Turquie étant l'un des rares pays à ne pas exiger de visas, en septembre 2015, le nombre de réfugiés passant la frontière turque à destination de la Turquie ou en transit vers l'Union connaît un pic sans précédent. Face à ce constat, l'UE est au pied du mur et la coopération avec la Turquie qui semblait déjà indispensable devient inévitable. La gestion de la crise migratoire par la Turquie va offrir au président Erdoğan un pouvoir diplomatique et une force de négociation sans précèdent. Au-delà de la simple question humanitaire, cette crise implique des enjeux géopolitiques et stratégiques pour la Turquie qui, grâce à sa position géostratégique, détient aujourd'hui les clés des frontières européennes.

Ce rapport étudiera dans quelles mesures le problème de la crise migratoire a- t-il fait de la Turquie un acteur incontournable mais contesté de sa gestion. Dans un premier temps, il s'agit d'observer la position géostratégique de la Turquie qui lui a permis de jouer un rôle prépondérant dans l’accueil des réfugiés et d’être un partenaire incontournable pour l’UE (I). Dans un second temps, c’est l’instrumentalisation et la contestation de la gestion des réfugiés qui seront étudiées (II).

I. La Turquie, pays incontournable au regard sa position géostratégique

Point de passage incontournable entre le Moyen-Orient et l’Europe, la Turquie a accueilli depuis le début de la crise des réfugiés plusieurs millions de déplacés. Elle s’est d’abord illustrée par l’ouverture immédiate de ses frontières pour accueillir les réfugiés, notamment les Syriens persécutés par Bachar al-Assad et l’État islamique (EI). Si la plupart des réfugiés sont restés en Turquie, beaucoup ont rejoint la route des Balkans pour rejoindre l’Europe, terre d’asile et des droits de l’Homme. Cependant, cette dernière a échoué à mener une politique d’accueil et voit inévitable la coopération avec la Turquie, point d’entrée majeur des immigrants, pour limiter les passages illégaux.

A. La position géostratégique de la Turquie dans l'accueil des migrants

Politique de portes ouvertes de la Turquie dès le début de la guerre en Syrie

Bien que la crise migratoire représente un défi majeur pour la plupart des pays de la région – Liban, Jordanie – et l’UE, la Turquie a fait figure d’exception en ouvrant ses frontières dès les prémices de la crise migratoire, notamment aux réfugiés syriens. Cela est notamment dû à la relation spéciale qu’elle a entretenue pendant des siècles avec la Syrie et à la rupture de ses relations diplomatiques avec Bachar al-Assad en 2011 suite aux attaques des civils par armes chimiques . Dès 2011, la Turquie mène alors une politique de porte ouverte et accueille des réfugiés de plus en plus nombreux au fur et à mesure que les guerres en Syrie et contre l’EI s’intensifient. Cette « diplomatie humanitaire » a en réalité vu le jour lorsque le Président Recep Tayyip Erdoğan a lancé une importante mission d’assistance en Somalie la même année . En tant que puissance moyenne, d’après la théorisation d'Eduard Jordaan, la Turquie va ainsi endosser ce rôle du « bon citoyen international » . Même si cette politique humanitaire est apparue sincère dans un premier temps, elle a aussi permis au pays de sortir grandi auprès de la communauté internationale et être salué par nombre d’observateurs . Ainsi, la Turquie était un modèle pour la région, aspirant à un leadership régional . Mais si Erdoğan a prôné l’accueil des immigrants, surtout au début de la crise qu’il pensait courte , l’augmentation du nombre de réfugiés entrant sur le territoire due à la pérennisation des guerres, a un coût de plus en plus important que l’État ne peut plus supporter seul.

Pays de transit incontournable

En parallèle, la Turquie est aussi un pays de transit, puisque environ un million de réfugiés sont entrés en 2015 sur son sol, 900 000 d’entre eux ayant passé la même année la frontière turco-grecque illégalement d’après Frontex (annexe 2). Les enjeux pour l’Europe seraient d’empêcher les migrants illégaux d’entrer sur son territoire en les bloquant avant qu’ils soient sur la route des Balkans, c’est-à-dire en Turquie. Pour que cette dernière puisse effectivement accueillir un nombre de plus en plus important de réfugiés selon le souhait de l’UE, il lui faut inévitablement un soutien financier, qui se concrétisa en mars 2016.

B. Une coopération inévitable entre l’UE et la Turquie : négociations de l’accord et enjeux

Même si la Turquie n’est pas membre de l’UE, le Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne octroie à l’Union une personnalité légale pouvant conclure des accords internationaux dans le domaine migratoire. C’est dans ce cadre juridique que fut signé la déclaration UE – Turquie en 18 mars 2016, négociée par Ankara et Angela Merkel, au nom des 28 États-membres.

La Déclaration UE – Turquie

Cet accord, une aubaine pour les États-membres suite à leur échec à mettre en place un système de quotas, a des avantages multiples pour l’UE. Il permet l’« extra-territorialisation » du contrôle des frontières, c’est-à-dire le contrôle en dehors des frontières établies par l’espace Schengen, afin de prévenir l’entrée illégale d’immigrants sur le territoire européen. L’accord

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