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Histoire d'une ancienne route publique: la route de Paris à Sens sur le Plateau Briard

Analyse sectorielle : Histoire d'une ancienne route publique: la route de Paris à Sens sur le Plateau Briard. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  8 Mars 2017  •  Analyse sectorielle  •  5 346 Mots (22 Pages)  •  834 Vues

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HISTOIRE  D'UNE  ANCIENNE ROUTE  PUBLIQUE

LA  ROUTE  DE  PARIS  À  SENS  SUR  LE  PLATEAU  BRIARD

DITE ROUTE NATIONALE  19 JUSQU’EN 2006 [1]

Les historiens de l’Antiquité romaine ont considéré depuis fort longtemps le réseau routier romain comme le « système nerveux » de l’Etat, qu’une longue histoire, une aussi longue expérience et une jurisprudence très savante avaient lentement élaboré. Cette observation garde une valeur intemporelle. Qu’en serait-il, en effet, de la « puissance publique » d’un Etat qui ne pourrait faire connaître et appliquer chez lui ses lois, destinées à assurer l’ordre, la justice et la paix, et lever les contributions multiformes qui étaient nécessaires pour les rendre efficaces ? Si, dans un empire devenu immense, des routes n’avaient relié les bureaux impériaux aux provinces, les capitales provinciales aux cités, des routes secondaires et des chemins aux villages ou hameaux des cités, un empereur aurait-il pu le commander et gouverner, ses armées le défendre, des marchands l’enrichir de multiples manières [2] ? Il en fut ainsi partout jusqu’au moteur à explosion, au téléphone et à leurs multiples déclinaisons actuelles. Toutefois, les routes de l’Empire romain n’avaient pas été, et de loin, des créations purement romaines. Dans la Gaule devenue le royaume des Francs, puis la France républicaine, qui nous intéresse plus particulièrement ici, on sait aujourd’hui que les peuples proto-celtes, suivis par les Gaulois, y avaient élaboré un réseau routier de qualité, et même, au vu de ce que l’on découvre progressivement de nos jours, que les Gaulois maîtrisaient un système monétaire, un grand commerce et des prélèvements fiscaux dès le second siècle avant notre ère, avec ce qu’ils supposent de comptabilité et de contrôle [3].

Aujourd’hui comme hier, dans toute société structurée, les besoins constants du bien commun assumé par un Etat, petit ou grand, et des intérêts de ses citoyens ou sujets nécessitent de rassembler et organiser des ressources communes, dévolues à leur profit par des instances administratives, pour assurer à tous la justice, la sécurité et la paix. Comment imaginer qu’autrefois la collecte du tributum exigé en Gaule depuis la conquête de César sous ses formes multiples quoique peu changeantes n’ait pas dû emprunter les « grands chemins », les routes secondaires et les chemins ruraux dans les provinces, dans les cités avec les territoires qui dépendaient d’elles, pour relier les contribuables à leurs maîtres du moment ? N’avons-nous pas aujourd’hui nos autoroutes, nos routes nationales et départementales et nos chemins ruraux pour animer nos échanges postaux ?

Dans le royaume des Francs, comme dans les autres royaumes romano-germaniques, le réseau routier et son administration ont conservé de manière séculaire les fonctions essentielles que la Loi romaine avait soigneusement définies et financées. Certes, nombre de routes suscitent encore des interrogations auxquelles il est hors de question que nous apportions des réponses. L’une d’entre elles, encore peu connue, reliant Paris à Sens et à la vallée du Rhône par le plateau briard, offre des jalons fort suggestifs pour entreprendre une enquête. Elle pose immédiatement les questions classiques que toutes les routes soulèvent : cette route fut-elle « romaine », ou « gallo-romaine », ou plus ancienne encore ? Comment savoir si l’on a affaire à une route publique ou à une route secondaire, et quelles données permettraient de répondre qu'il s'agit de la première ? Qu’ont-ils à nous apprendre sur les rapports que leurs habitants entretenaient avec lui et avec elle, sur les habitants eux-mêmes et leurs liens avec les représentants de l’autorité publique ? Quel intérêt conserve-t-elle aujourd’hui ?

La route qui nous intéresse est en réalité une section d’un long chemin déjà connu à l’époque préhistorique. La carte des chemins migratoires proto-celtiques établie par J. Desanges dessine une

[pic 1]

Tracé simplifié de l’ancienne route de Paris à Sens par le Plateau briard.

En pointillé, la même route par les vallées de la Seine et de l’Yonne.

branche d’orientation sud-est nord-ouest, qui passe  entre  les sources de la Meuse et  de  la Seine, ne

suit pas la vallée de la Seine, mais traverse l’Yerres sur le plateau briard pour gagner ensuite les côtes de la Manche [4]. A. Lombard-Jourdan reproduit la même voie qu’elle dénomme « route de l’étain », allant des Cornouailles britanniques à Marseille ou en Italie, en traversant la Manche sans doute à hauteur de Boulogne, puis la Seine, d’abord à Charenton, puis aux environs de Bray-sur Seine, et les Alpes quand elle se dirige vers la haute Italie au lieu de descendre vers le port de Marseille [5]. Nous avons cherché à en reconstituer l’histoire sur une fraction de son parcours qui nous est la plus accessible et familière, c’est-à-dire depuis les abords du plateau briard jusqu’à Bray-sur-Seine.  Comme l’écrivait très justement Michel Mollat, « millénaire ou non, la route est toujours un fait humain », lié à des critères démographiques, économiques ou psychologiques. « Sans gain assuré, ou au moins escompté, remarquait-il, l’homme ne prolonge pas, à perte, une expérience. »

Une bibliographie considérable existe sur l’histoire des routes, notamment des routes anciennes [6]. Nous l’utilisons pour l’itinéraire que nous avons choisi, à propos duquel la toponymie et l’archéologie finissent par tisser une histoire probable pour les temps protohistoriques et romains. Les époques médiévale et moderne n’offrent guère d’informations d’une autre nature, sauf pour quelques bourgs mieux documentés que les autres. C’est le chemin de fer après 1840, et la première voiture automobile commercialisée en France en 1873, puis son moteur à explosion en 1884, qui ont révolutionné son infrastructure routière, les transports qu’elle achemine, comme la morphologie et la population des villes et des bourgs qu’elle dessert [7].

On a divisé ce récit en trois grandes sections : le tracé de la route et son évolution sur le Plateau briard de Bonneuil-sur-Marne à Bray-sur-Seine ; la vie des bourgs et villages qu’elle longe ou traverse, d’hier à aujourd’hui ; les activités évolutives de la route.

1. Le tracé ancien de la route et son évolution

         

Avant d’entreprendre un exposé de ce genre, il convient de rappeler les mises en garde qu’un spécialiste éminent des réseaux routiers en Gaule a formulées à propos de son propre travail. Intéressé par les routes et le peuplement du terroir de l’Oise, Michel Roblin insistait sur la déficience des informations fournies par l’Itinéraire d’Antonin et la Table de Peutinger. Il signalait la rareté des bornes milliaires en Gaule, sauf dans le sud-est, la structure en remblai des routes anciennes, certes reconnaissable  mais difficile à dater ; les incertitudes de la toponymie ; la difficulté de classification entre grandes routes et routes secondaires. J. Mesqui fait preuve de la même prudence [8] .

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