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Souveraineté numérique européenne

Compte rendu : Souveraineté numérique européenne. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  12 Décembre 2020  •  Compte rendu  •  3 142 Mots (13 Pages)  •  369 Vues

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NUMÉRIQUE ET DÉMOCRATIE

NOTE INDIVIDUELLE

Article principal : FLORIAN GERARD-MERCIER ET GEOFFROY DE NEUVILLE, Construire une souveraineté numérique européenne, Atlantico, Septembre 2020.

« Grâce à la crise, pour la première fois, le mot « souveraineté » a été inscrit dans un accord européen »[1], s’est proclamé Valérie Hayer, eurodéputée (LREM). Son propos renvoie directement au plan de relance du secteur du numérique à hauteur de 750 milliards d'euros, à l'échelle européenne, signé en juillet par l'ensemble des États membres. « C’est une formidable opportunité pour l’UE d’accélérer dans cette guerre technologique menée par les géants américains et chinois »[2], a renchérit Guillaume Savornin.

La crise sanitaire à laquelle nous faisons face accélère significativement le recours aux outils numériques. Ces derniers se révèlent fondamentaux dans le milieu médical afin de mieux encadrer la pandémie. Le recours au numérique est bien évidemment imposé dans la recherche d'un vaccin mais se révèle aussi très utile dans l’attention portée, par les autorités publiques, sur la propagation du virus dans la population. Entre février et avril, le nombre de téléconsultations a, par exemple, été multiplié par plus de 100.

Toutefois, l'urgence de cette crise sanitaire a aussi mis en exergue les failles de notre système dans l’usage des nouveaux outils numériques ce qui pourrait avoir une grave incidence sur la manière dont la société s’organise. Selon Europol, la pandémie de Covid-19 a intensifié les phénomènes de cybercriminalité à travers l’Europe avec une plus grande diffusion d'images pédopornographiques et la multiplication des escroqueries en ligne « devenues une stratégie idéale pour les cybercriminels cherchant à vendre des articles qui, selon eux, empêcheraient ou guériraient le Covid-19 »[3]. La crise sanitaire s'est aussi traduite par la diffusion massive de fausses informations dont certaines qui ont pu avoir des conséquences graves sur la santé publique, avec l’appui de certains dirigeants et célébrités. Il a notamment été question du fait que la consommation de cocaïne permettrait d’immuniser les individus, ce qui s'est traduit, notamment en Iran, par divers cas d'intoxication au méthanol. "Nous ne combattons pas seulement une épidémie, nous combattons une « infodémie »" avertissait Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur de l’OMS. La grande quantité d'informations produite et diffusée, chaque jour, complexifie l'analyse et le discernement de ce qui est vrai et de ce qui est faux. La crise sanitaire pose également des interrogations de nature sécuritaire. On peut notamment évoquer le grand recours aux applications de visioconférence, notamment Zoom. Cette dernière suscite de nombreuses critiques et son image a été ternie par la révélation de diverses failles de sécurité. On peut, par exemple, parler du piratage de réunions avec la diffusion d’images pornographiques (« zoom bombing »).

La crise sanitaire a éveillé les consciences et a mis en pleine lumière la grande dépendance de l’Occident pour ses médicaments. 80 % des médicaments consommés par les Européens sont d’origine chinoise. Au-delà de la « diplomatie du masque », entre 1995 et 2014, la dépendance de la production française à l'égard de la Chine a été multipliée par 10 selon une étude du CEPII. La crise sanitaire illustre également notre dépendance aux technologies des GAFAM. En effet, la crise leur a permis l’ouverture de nouveaux marchés et leur régulation est écartée de l'agenda politique. Pour Laurence Devillers, « l’urgence ne doit pas devenir pour eux l'occasion de prendre un trop grand pouvoir »[4]. Le sujet épineux du traçage numérique des malades est très intéressant compte tenu de ces enjeux. Nombreux sont les Français qui se sont déclarés hostiles à ce type d'application qui s’affranchirait de fait des libertés individuelles garantis par la Constitution. Le dilemme s'établit donc entre le fait de privilégier les libertés individuelles ou d'agir au maximum afin de préserver la santé des Français. Les européens se sont pratiquement tous dirigés vers la solution de traçage proposé par Google et Apple qu’ils intègrent directement dans leurs smartphones. Cette solution élimine la nécessité de créer et de télécharger une application tierce. Au travers de « StopCovid » puis de « TousAntiCovid », la France exprime son refus de ne pas dépendre des deux géants américains. « Ce refus n’est pas un refus dogmatique. Il n’intervient pas, en soi, parce qu’il s’agit d’Apple et de Google. Mais parce qu’une grande entreprise, aussi performante soit-elle, n’a pas à contraindre les choix de politique sanitaire d’une nation souveraine. Et parce que pour garantir la sécurité des données des Français et l’efficacité sanitaire du dispositif, la France a fait le choix de l’indépendance » déclarait Cédric O, secrétaire d'État chargé de la Transition numérique[5] Cela ne signifie pas pour autant l’absence de dépendance aux GAFAM sur le sujet du traçage. Les API de Google et Apple sont les seuls à même de donner accès au Bluetooth en arrière-plan ce qui est pourtant essentiel à ce type d’application. Le 28 avril 2020, Apple s’était opposé à l’ouverture de son antenne Bluetooth aux développeurs européens. Dans le domaine du numérique, la dépendance aux GAFAM renvoie en grande partie à la domination des clouds américains. Selon, OVHcloud, deux-tiers des données européennes sont actuellement stockées dans des clouds non-européens. Cette réalité a poussé Guillaume Poupard à insister sur le fait que « nous ne pouvons pas faire l'économie d'un traitement conjoint de notre sécurité et de notre souveraineté numérique. Nous devons rester maîtres de notre destin “[6].

 

La notion de souveraineté apparaît en France au XVIème siècle avec Jean Bodin.  Le juriste Louis Le Fur écrivait « la souveraineté et la qualité de l'état de n’être obligé où déterminé que par sa propre volonté dans les limites du droit qu'il s'est fixé »[7]. La souveraineté peut aussi renvoyer directement à une nation. La souveraineté nationale implique que le peuple puisse maîtriser son destin du fait de son autodétermination.

Le concept de souveraineté a largement été bouleversé suite à l'apparition de l'informatique qui modifie les pratiques dans tous les domaines. Depuis les années 1990, à travers le monde, les États doivent compter avec de nouveaux acteurs qui les concurrencent dans les services rendus à leur population. Il est aujourd'hui difficile d'évoquer un secteur où l'État agit en dehors de toute dépendance du réseau numérique et de manière indifférente aux acteurs qui les dominent. L'irruption d'internet et des nouveaux modèles de régulation qui en découlent, qui donne une grande place au secteur privé, questionne l’imperméabilité du « paradigme de l'expression unilatérale, verticale et contraignantes du pouvoir normatif des états »[8].

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