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Messages médiatiques

Dissertation : Messages médiatiques. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  10 Août 2021  •  Dissertation  •  3 546 Mots (15 Pages)  •  1 189 Vues

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1. Synthèse : l’attention oblique face aux messages médiatiques

L’attention est devenue un sujet central dans les débats sur l’économie numérique – et l’objet d’une économie, voire d’une écologie propre. Malgré son usage dans les cultural studies ou en science politique, la notion “fille” d’attention oblique n’a pas la même popularité, peut-être parce qu’elle n’a fait l’objet que de rares usages et peu d’analyses empiriques (Berjaud, C. 2015). Sans doute la vision contemporaine de l’attention, majoritairement influencée “par les nombres” (approche quantitative, largement entretenue par les grandes plateformes numériques comme Facebook), joue-t-elle également. Influence au long cours enfin, le phénomène de dénonciation et de dévalorisation des médias (et, par voie de conséquence, l’aliénation “fatale” de ses publics populaires), qui prend sa source dans la conception de la culture que nous avons héritée du 19e siècle. À cette époque — et le modèle est encore partiellement partagé aujourd’hui, la culture authentique était élitiste, caractérisée par une exigence de rareté et de distance intellectuelle. L’attention oblique constitue pourtant l’un des concepts clés développés par le sociologue britannique Richard Hoggart. Son but est d’examiner le passage de l’usage à l’appropriation d’une culture par les classes populaires. Dans son œuvre majeure, La Culture du pauvre (1970), il qualifie d’attention oblique (ou encore de consommation nonchalante) comme une « capacité du lecteur, de l’auditeur ou du téléspectateur à construire une posture qui lui est propre se construit du point de vue de la classe d’origine, marquée par son habitus, mais qui précisément conduit “à en prendre et en laisser”, une formule que rapporte à maintes reprises Richard Hoggart pour  « illustrer l’ambivalence de la position du récepteur entre acquiescement et indifférence » (Piponnier, A. 2018). Il critique ainsi l’idée (reçue) d’une influence “monolithique” des moyens de communication de masse sur les classes populaires. Surtout, il montre que, loin d’être passif face aux nouveautés, ce public les réinterprète. Il marque ainsi une disposition spécifique à s’adapter auxdites nouveautés : concrètement, il en retient ce qui convient à son “ethos” et en ignore consciemment certaines parties. Hoggart précise : « Les attitudes nouvelles font corps avec les attitudes déjà existantes et n’apparaissent pendant longtemps que comme les modalités nouvelles d’une attitude ancienne. […] Pour comprendre les traits les plus caractéristiques de la vie populaire, il faut donc retenir quelques valeurs typiques de la culture morale du monde d’aujourd’hui et chercher dans quelle mesure elles se rattachent, fût-ce au prix de distorsions, aux valeurs reconnues de longue date par les membres des classes populaires. » À prendre et à laisser, à boire et à manger… Derrière les formules qui résument la notion d’attention oblique, se font jour plusieurs dimensions d’analyse : la dimension temporelle évoquée ci-dessus (rapport à la tradition et à la “nouveauté”, la modernité, etc.), mais aussi la dimension d’autorité des messages et de leurs émetteurs, “négociée” ou “oppositionnelle”.

Dans le cas d’une réception dite négociée, les publics ne refusent pas le contenu du discours ou du message ; ils le reçoivent à la lumière de leurs histoires personnelles, dans un contexte souvent local et/ou intégrant des éléments externes. A contrario, dans une situation de réception oppositionnelle, le refus est manifeste et « l’attention oblique devient une manière de s’opposer aux messages, le plus souvent à partir de visions du monde différenciées voire concurrentielles, liées à l’existence de systèmes de contre-valeurs ou de contre-culture, passant par l’expression du “nous” en opposition à “eux” » (Berjaud, C. 2015). Cette dernière posture de résistance est particulièrement intéressante à analyser dans le cas de nouveaux “groupes” de populations (on sait que la définition des “classes populaires“ est problématique) comme ces Français “invisibles” étudiés notamment par Pierre Rosanvallon. La relation aux médias de ces groupes de “récepteurs“ mal couverts par la statistique publique, peu visibles pour les pouvoirs publics et peu ou mal appréhendés par les politiques sociales, est précisée par un rapport du Credoc. L’un des principaux constats posés est l’importance du sentiment d’invisibilité sociale. La moitié des Français affirment être confrontés très souvent (ou assez souvent) à des difficultés qui ne sont pas couvertes par les médias ni prises en compte par les pouvoirs publics. Plus remarquable encore, sept Français sur dix pensent que ce phénomène touche beaucoup de leurs concitoyens en France (et pas uniquement les ouvriers ou tel ou tel groupe). Cette non-considération posée, difficile d’imaginer une adhésion forte voire hégémonique, passive, etc., au message médiatique… Et surtout de ne pas se défier de la notion de “public”, populaire ou non. Rappelons-nous qu’à la fin du siècle précédent, le paysage de la sociologie de la culture est largement dominé par les théories de la légitimité, ce qui retarde d’autant la pénétration des recherches anglo-saxonnes. Une situation qui explique selon certains (Pasquier, D. 2005) la faible activité enregistrée en sociologie des médias dans l’Hexagone, par comparaison avec d’autres pays (nombre de travaux publiés, etc.). Et l’auteur de préciser : « On pourrait s’étonner que Bourdieu ait accepté de publier en 1970 dans sa collection aux Éditions de Minuit la traduction par Passeron des Uses of Literacy de Hoggart. Faut-il y voir le fait qu’il y a plus de liens entre les Cultural Studies et les théories de la légitimité culturelle qu’il n’y paraît a priori ? Non, car comme Passeron s’en est expliqué dans le colloque « Richard Hoggart en France » (Passeron, 1999), les enjeux étaient ailleurs, et il s’agissait plutôt de promouvoir une forme d’ethnographie compréhensive susceptible de contrer les travaux des « sociologues des mythologies » déjà dénoncés par Bourdieu et Passeron dans un article des Temps modernes de 1963. Bref, de s’opposer à la mouvance d’Edgar Morin. » Un tel contexte explique le peu d’approfondissement “empirique” de concepts comme l’attention oblique. Et ce d’autant que les sciences de l’information et de la communication naissent tout juste en France. La vision élitiste et pessimiste des médias entretenue par l’École de Francfort n’y est sans doute pas étrangère non plus. Pour “extraire“ l’attention oblique de cet arrière-plan, il faut probablement revisiter la notion de “récepteurs”, de “publics”, les “décrocher” de celle de “classe” – et des nombreuses polémiques qui ont accompagné son développement depuis le siècle dernier (Esquenazy, J.-P. 2006). Bref, envisager les publics comme des communautés souvent provisoires, dont la définition résulte de façon importante des partis-pris théoriques du chercheur. En effet, le rapport entre un contenu de communication donné et ses publics est analysé dans un arrière-plan balisé par des scénarios, des hypothèses de recherche. Jean-Pierre Esquenazy distingue ainsi six grandes conceptions d’appréhension de la réception qui obéissent à six logiques distinctes : activation par l’œuvre, publics suscités par des stratégies commerciales ou produits de la stratification sociale, définis par des interactions sociales, précisés par des enquêtes, etc. Moyennant ce travail fondamental de choix dans la définition (non triviale) des communautés, la notion d’attention oblique paraît pertinente pour analyser de façon qualitative, à l’instar de Clémentine Berjaud, la réception réelle (ce qui est “pris” ou “laissé”, “bu” ou “mangé“, etc., pour suivre les images inspirantes de Hoggart) de discours politiques populistes ou d’autres phénomènes médiatiques de notre époque. La question de l’influence des moyens modernes de communication posée par le sociologue britannique demeure d’actualité. Influence sur les pratiques professionnelles (appréhension du travail, de son “sens”, etc.) ou relatives au foyer (conjoint, enfants, etc.) et à son environnement (liens sociaux de proximité, etc.), sur les loisirs et les divertissements, le rapport à l’argent, les perceptions de la naissance et de la mort, etc.

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