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Les classes populaires, des électeurs comme les autres?

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Par   •  12 Décembre 2022  •  Dissertation  •  1 987 Mots (8 Pages)  •  185 Vues

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Camil Rain

Les classes populaires, des électeurs comme les autres ?

« Une personne pense politiquement comme elle est socialement. Les caractéristiques sociales déterminent les préférences politiques »[1], ainsi Paul Lazarsfeld décrit l’attitude des citoyens vivant en démocratie, selon lui soumis à des déterminismes sociaux déterminant leurs préférences politiques et choix électoraux. Le sociologue développe alors sa théorie de la « communication à deux étages » minimisant le rôle des médias et des campagnes électorales dans le choix électoral des citoyens[2]. La prégnance de la condition sociale dans les choix électoraux étant la variable structurant les débats et analyses de la sociologie électorale, il convient d’en faire l’une des grilles de lecture de la répartition du vote dans la société française.

Les classes populaires constituent un ensemble hétérogène et en évolution permanente, elles ont en commun « une positon matériellement et culturellement dominée dans notre société »[3]. La part des classes populaires dans la population active est passée de 59% en 1982 à 52% en 2012[4], elles représentent une part de l’électorat déterminante dans le résultat des élections nationales. Pourtant, parmi les huit Président de la 5ème République, seul deux se sont fait élire en faisant campagne ouvertement à gauche. Ainsi, la notion de vote de classe est centrale dans l’analyse du vote des classes ouvrières, et plus particulièrement l’évolution historique de la pertinence de celle-ci dans ces analyses.

De 1988 à 2012, la part du vote de gauche au sein du vote ouvrier passe de 59,2% à 40,1%[5], alors que, sur la même période, la part du vote d’extrême droite double, passant de 17,6% du vote ouvrier à 30,9%. L’évolution du vote ouvrier et celle du vote des classes populaires, plus difficile à lire, met en avant des contradictions, voire des limites, aux théories déterministes.

Il convient alors de se demander dans quelle mesure la convergence des conditions de vie des classes dites populaires justifient leur classification en une seule et même classe. La structure de la socialisation politique ouvrière et son déclin ont été déterminant dans l’évolution du vote depuis les premières études sociologiques du vote en France (I), bien que le vote populaire n’ait jamais été complètement acquis à la gauche (II).

I/ La socialisation politique des classes ouvrières

        À partir des années 30, période de publication des premiers travaux de sociologie du vote en France, des instances de socialisation dans différentes sphères de vie apparaissent comme incontournable dans l’analyse des comportements électoraux, surtout au sein des classes ouvrières. Cette structuration a pour colonne vertébrale le Parti Communiste Français.

À partir du début des années 2000, émerge une gauche radicale qui ne s’inscrit ni dans l’anarchisme, ni dans la rigidité de la doctrine et de la socialisation du PCF, mais qui est le fruit du bouleversement des mécanismes de socialisation et par extension du déclin de la conscience de classe.

  1. Les instances de socialisation et leur déclin

En premier lieu, on observe une influence centrale de la famille dans la socialisation politique. C’est la première sphère de construction de préférences partisanes, en effet, en 1997, un tiers des Français déclarent voter comme au moins un de leurs parents[6].

Au sein des classes ouvrières, la socialisation politique est également permise par l’implantation des syndicats et la présence du PCF dans les entreprises, proche de certaines organisation syndicale et formant lui-même ses militants souvent travailleurs ouvriers.

  1. La disparition progressive du Parti Communiste

Alors qu’il compte officiellement 700 000 adhérents en 1979 et qu’il obtient en moyenne un score de 20,7% par circonscription aux élections législatives de 2918, le PCF voit ses résultats s’affaiblir à chaque élection, et en 2002 ce dernier chiffre tombe à 4,8%[7].

Ce déclin s’explique en partie par la chute de l’URSS, mais aussi par la distance prise par le parti en interne avec les militants ouvriers, notamment par une ouverture sociologique. À partir des années 1960, surtout vers les fonctionnaires, qui prennent de plus en plus de place dans les fonctions de délégués au sein des fédérations locales du parti[8]. Dans « Les ouvriers partis du « parti des ouvriers » », Catherine Leclerc souligne également l’importance du rapprochement avec le parti socialiste, qui se traduit notamment pour le PCF par l’abandon de la notion de « dictature du prolétariat », valeur centrale de l’engagement communiste.

  1. La polarisation des classes populaires au 21ème siècle

Depuis le début du 21ème siècle, alors que la socialisation politique est de plus en plus individuelle et que les instances de socialisation tendent à perdre en influence, la conscience de classe semble être un concept disparu. En 1976, 68% des Français déclarent avoir le sentiment d’appartenir à une classe, contre 56% en 1987[9]. En 2019, seul 10,3% des salariés sont adhérents à un syndicat[10], soit le plus faible taux jamais enregistré.

On observe également un éclatement des classes populaires d’ordre géographique. Au premier tour de l’élection présidentielle de 2022, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen obtiennent respectivement 23% et 36% des voix des ouvriers[11]. Jean Luc Mélenchon arrive notamment en tête en Île-de-France et obtient la majorité absolue des suffrages exprimés dans la banlieue est de Lyon[12]. Marine Le Pen arrive en tête dans 20 000 communes, le chiffre le plus haut parmi les candidats au premier tour, s’imposant surtout dans les zones rurales.

On observe en Europe l’émergence de partis de gauche radicale distincts des partis communistes (La France Insoumise, Die Linke, Mouvement 5 étoiles, Podemos, Syriza…) qui s’adressent à un électorat jeune, urbain, bourgeois en partie mais aussi dans des communes à forte population immigrée ou issue de l’immigration. Dans le même temps, les classes populaires vivant dans la ruralité se tournent de plus en plus vers l’extrême droite, en témoigne le score de Marine Le Pen au premier tour de l’élection présidentielle de 2022, qui arrive en tête du vote ouvrier avec 36% des suffrages exprimés.

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