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Souveraineté et irresponsabilité

Analyse sectorielle : Souveraineté et irresponsabilité. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  8 Février 2015  •  Analyse sectorielle  •  1 461 Mots (6 Pages)  •  524 Vues

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Souveraineté et irresponsabilité

Les textes consacrant la responsabilité des fonctionnaires sont très nombreux. Le principe en était inscrit dans la Déclaration des droits de 1789 elle-même : « La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. » Au préambule du titre III de la constitution de 1791 il est dit : « Le pouvoir exécutif est délégué au roi pour être exercé, sous son autorité, par des ministres et autres agents responsables. » Le même principe est formulé en termes d’une netteté parfaite en 1793, en l’an III1. Le principe est d’ailleurs considéré comme tellement fondamental et intangible que lorsqu’en l’an VIII on veut constituer un gouvernement central très fort et soustraire son action aux influences électorales et démocratiques, on se garde bien de toucher à la responsabilité des fonctionnaires. On en formule encore le principe avec la même rigueur ; mais on subordonne à une autorisation du gouvernement en conseil d’État les poursuites dirigées contre les agents publics. C’est le célèbre article 75 de la constitution de l’an VIII : « Les agents du gouvernement autres que les ministres ne peuvent être poursuivis pour des faits relatifs à leurs fonctions qu’en vertu d’une décision du conseil d’État. » Quand en 1830 on révise la charte de 1814 dans un sens considéré comme libéral, on annonce une loi « sur la responsabilité des ministres et autres agents du pouvoir exécutif », loi qui ne sera point d’ailleurs faite malgré le dépôt d’un projet et de très longues discussions qui rempliront toute la session de 1835. Enfin en 1848 on formule le principe d’une manière encore plus précise et plus générale : « Le président de la République, les ministres, les agents et dépositaires de l’autorité publique sont responsables, chacun en ce qui le concerne de tous les actes du gouvernement et de l’administration » (art. 68, § 1).

Quant à la responsabilité générale de l’État il n’y a pas un texte depuis 1789 qui y fasse allusion de près ou de loin. Qu’on ne dise pas qu’on n’a pas pensé à la responsabilité, puisqu’on rencontre à chaque pas le mot et la chose, puisque de nombreux textes affirment la responsabilité de tous les agents publics. Si l’on n’y parle pas de la responsabilité de l’État, c’est que pour le législateur c’est une vérité d’évidence, un dogme intangible que l’État n’est jamais, ne peut jamais être responsable.

C’était logique. A y regarder de près souveraineté et responsabilité sont deux notions qui s’excluent. Sans doute la souveraineté peut être limitée et dans la conception de notre droit public traditionnel elle est limitée par le droit de l’individu, comme réciproquement elle limite le droit de celui-ci. Ces limitations réciproques sont réglées et ne peuvent être réglées que par la loi, expression de la volonté générale, émanation de la souveraineté elle-même et formant le droit du pays. C’est donc en définitive l’État souverain qui crée le droit et dès lors on ne peut admettre qu’il puisse être responsable. Dans la conception traditionnelle la responsabilité implique une violation du droit ; et qui crée le droit par un acte de sa volonté souveraine ne peut pas le violer. De même que dans les pays de monarchie absolue « le roi ne peut pas mal faire » et par conséquent ne peut pas être responsable, de même l’État démocratique, qui n’est que la nation souveraine organisée, ne peut pas mal faire, ne peut pas être responsable.

L’État souverain ne peut pas être responsable à l’occasion de la loi, expression même de la souveraineté. Il ne peut pas l’être davantage à l’occasion des actes exécutifs, actes juridictionnels ou administratifs. Si ces actes en effet sont conformes à la loi, la question de responsabilité ne se pose ni pour l’État ni pour l’agent public. S’ils sont contraires à la loi, elle ne se pose pas pour l’État puisque celui-ci a fait une loi, a créé le droit et a voulu que cette loi soit exécutée. Si elle ne l’est pas ou si elle est violée c’est que l’agent substitue sa propre volonté à celle de l’État souverain. Il n’y a dès lors qu’une volonté qui puisse être responsable, celle de l’agent public.

Tout cela était très logique, si logique que quelques auteurs, à tendance progressiste, dont les écrits font autorité, n’ont pu encore aujourd’hui se soustraire à cette sorte d’obsession qu’impose à leur esprit l’idée persistante de souveraineté. Obligés de reconnaître que la responsabilité de l’État est certainement engagée dans quelques cas, ils déclarent qu’elle n’est

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