Pourquoi la firme

D’après l’économiste américain Theodore LEVITT, « La raison d’être d’une entreprise est de créer et de garder un client ». C’est dans cette vision très rationnelle et pour le moins, manichéenne de la firme, perçue uniquement comme une entité destinée à réaliser des profits, dans l’abstraction la plus totale du bien-être général, que William VANDERBILT, magnat des rails aux États-Unis, déclare en 1911, au moment d’une interview concernant le projet de suppression d’une ligne de chemin de fer, pourtant utile à la population new-yorkaise : « Le public, qu’il aille au diable (…). Je ne crois pas à cette idée stupide de travailler pour le bien de quiconque à part le notre, ça n’existe pas. » Dans cette optique, l’objectif de l’entreprise ne se réduit qu’à la maximisation de son profit, néanmoins, l’économiste Ronald COASE, dans son livre intitulé Les nouvelles théories de la firme souligne que cet objectif est trop réducteur pour l’entreprise, et qu’en outre elle constitue aujourd’hui une réalité sociale fondamentale. Elle est, en effet le cadre de travail de millions de salariés (3,5 millions en France), et les modes de gestion qui y ont cours ont une influence non négligeable sur la productivité globale de ces derniers. Dans l’approche béhavioriste, l’entreprise est de surcroît, perçue comme une structure au sein de laquelle les parties prenantes, avec en tête les salariés, les actionnaires et les managers interagissent, dans l’opposition, le compromis, ou encore la négociation pour défendre leurs intérêts respectifs. Le manager, figure dirigeante de l’entreprise apparaît dans les années 1880, pour faire face à la grande concentration industrielle et la nécessité pour celle-ci de détenir des salariés experts dans l’organisation du travail. Aujourd’hui, dans le cadre de mondialisation et de globalisation financière, l’activité de l’entreprise ne doit plus se limiter à une analyse purement économique, mais également sociale et environnementale dans le cadre notamment des règlementations de RSE mises en place par la plupart des gouvernements des pays de l’OCDE. Une firme comme UBER, fondée par Travis KALANICK en 2008 a, par exemple aujourd’hui un impact social en ce qu’elle génère de la disruption sur le marché du travail, avec des travailleurs sous statut d’auto-entrepreneur.

C’est pourquoi, il convient de s’interroger sur…

Si les premières formes de société par action apparaissent, comme l’a souligné Fernand BRAUDEL dans La dynamique du capitalisme en même temps que les premières formes de capitalisme, dont le terreau le plus favorable se trouve à Venise, c’est néanmoins au cours du XIXème siècle, et ses deux Révolutions Industrielles (1790 - 1820 et 1840-1870) que l’entreprise s’affirme de prend une place croissante dans l’analyse économique, mais aussi sociologique. Ainsi, des chercheurs s’intéressent aux conditions de vie des travailleurs dans les usines, à la manière de Louis-René VILLERMÉ, qui dans son rapport en 1841, va dénoncer ces conditions de travail, mais aussi le travail des enfants : « ce n’est pas du travail, c’est de la torture », dira-t-il à ce sujet. Ces préoccupations nouvelles vont également bon train avec l’affirmation de la question sociale au XIXème siècle qui préfigure la création

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