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« Ethnographie du Quai d’Orsay », Les pratiques des diplomates français par Christian Lequesne. CNRS Editions, 258 pages (2017)

Fiche de lecture : « Ethnographie du Quai d’Orsay », Les pratiques des diplomates français par Christian Lequesne. CNRS Editions, 258 pages (2017). Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  2 Juin 2020  •  Fiche de lecture  •  1 842 Mots (8 Pages)  •  557 Vues

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M5- FICHE DE LECTURE 1 – « Ethnographie du Quai d’Orsay », Les pratiques des diplomates français par Christian Lequesne. CNRS Editions, 258 pages (2017)

  1. Présentation

        Une immersion au cœur du ministère français des Affaires étrangères : voilà ce que nous propose Christian Lequesne à travers son ouvrage Ethnographie du Quai d’Orsay, Les pratiques des diplomates français. Ce ministère, réputé d’ordinaire discret, voire secret, lui a ouvert ses portes pour une enquête de trois ans. Lui laissant ainsi, la liberté d’assister à certaines réunions, et de recevoir près d’une centaine de diplomates en entretien privé. Universitaire français, spécialiste des questions de diplomatie et professeur de science politique, Christian Lequesne présente une étude approfondie de la fabrique de la politique étrangère en France sous la Vème république.

        L’ambition de cet ouvrage, est de comprendre une institution à travers l’étude préalable des agents qui la composent. Loin de se contenter d’observer les faits, l’auteur montre une réelle volonté de saisir le sens social des pratiques des agents. Il insiste sur la nécessité pour le chercheur, d’interpréter ce qu’il observe, et - pour reprendre ses termes - « d’assumer un choix épistémologique », tout en gérant sa subjectivité : c’est ce qu’Iver B. Neumann, un anthropologue social norvégien, appelle la théorie des pratiques. Cette approche méthodologique reste minoritaire en relations internationales et peu de travaux abordent l’étude des pratiques diplomatiques avec une dimension sociologique.

        L’ouvrage étudié se démarque donc des travaux ordinaires réalisés sur le sujet, par la volonté de son auteur, à décortiquer et comprendre le quotidien des agents du Quai d’Orsay, sans en pointer les dysfonctionnements potentiels. Après une présentation succincte des différentes thèses développées par Christian Lequesne dans cet ouvrage, nous nous proposons d’en faire l’analyse critique.

  1. Thématiques

        Les études ordinaires des pratiques diplomatiques se concentrent généralement sur le processus de décision et procèdent par l’étude d’une institution et de son fonctionnement pour en comprendre les acteurs. Ici, l’auteur nous propose une réflexion qui prend le chemin inverse, son hypothèse de départ est la suivante : « ce sont les agents qui créent les institutions »[1]. De ce fait, la méthodologie de l’auteur est basée sur les entretiens réalisés, et l’observation directe qu’il a pratiqué lors des réunions quotidiennes auxquelles il a pu assister. À la différence de l’observation participante pratiquée par Iver Neumann, l’observation directe est une approche qui implique que le chercheur soit extérieur à l’administration étudiée[2]. Les deux méthodes convergent pourtant sur un point : l’étude des agents dans leur environnement matériel. Ils en concluent que les lieux spécifiques dans lesquels s’exerce la diplomatie permettent de « lier la matérialité des pratiques à leur sens social »[3].

        Après avoir présenté sa méthode de recherche, l’auteur dresse le profil social et éducatif des agents du Quai d’Orsay, et fait état des éléments clés de la carrière diplomatique. Le principal point commun à tous les diplomates – qu’ils soient issus de l’ENA ou du concours de conseiller du cadre d’Orient – est qu’ils ont tous fait une ou plusieurs années à Science Po. Cependant, de plus en plus d’ambassadeurs sont issus du concours de conseillers d’Orient et non de l’ENA : l’auteur remarque ainsi une diversification des modes de recrutement mais assez peu des profils sociaux. On constate tout de même  la disparition des dynasties de diplomates, ainsi qu’une évolution du nombre de femmes diplomates avec 48 femmes ambassadeurs en 2015, soit 30% des effectifs (14% en 2013)[4]. Malgré ces récentes évolutions, l’accès à ce ministère reste très contrôlé et cela se traduit par un fort corporatisme et par l’existence de normes (officielles ou non). L’auteur cite par exemple le fait que tous les diplomates débutent leur carrière à l’administration centrale, puis devraient passer par un poste dans un cabinet ministériel avant d’espérer un poste d’ambassadeur.

        Néanmoins, le respect des normes en matière de plan de carrière, n’est pas suffisant pour réussir au Quai d’Orsay : le réseau relationnel d’un agent fait aussi la différence. D’ailleurs, tous les diplomates ont suivi à leur entrée au ministère, un programme de socialisation à l’Institut diplomatique, visant à favoriser la sensibilisation des nouveaux agents à la culture professionnelle du ministère. De ce fait, les relations sociales entretenues entre diplomates vont jouer un rôle déterminant dans l’attribution des postes : c’est ce que l’auteur nomme « relationnisme » ou « corporatisme administratif »[5]. En conséquence, les intégrations parallèles au sein du Quai d’Orsay ne sont pas vues d’un bon œil de la part des diplomates de carrière. Ces extérieurs, qu’ils jugent sans expérience, doivent alors se construire une légitimité auprès des membres de la carrière, certains n’y parviennent jamais.

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