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QPC - L'intérêt général contre le droit de la collectivité territoriale.

TD : QPC - L'intérêt général contre le droit de la collectivité territoriale.. Recherche parmi 297 000+ dissertations

Par   •  15 Novembre 2016  •  TD  •  2 393 Mots (10 Pages)  •  948 Vues

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"La législature d'un peuple ne peut être chargée de pourvoir qu'à l'intérêt général." C'est dans ces termes que Sieyès énonçait la primordialité de l'intérêt général dans le droit français, concept qui prévaut jusqu'à nos jours et qui est à l'affiche de la décision des 2e et 7e chambres réunies du Conseil d'Etat du 26 septembre 2016 tenant sujet de ce commentaire.

En l'espèce, le tribunal administratif d'Orléans, lors d'un jugement du 10 février 2015, annule les articles 42 et 86 al. 3 du règlement de voirie de la commune d'Orléans à la demande des sociétés Electricité réseau distribution France et Gaz réseau distribution France (les sociétés) . La commune d'Orléans interjette alors appel devant la cour administrative d'appel de Nantes et soulève par la même occasion une question prioritaire de constitutionalité (QPC), dans laquelle elle fait grief aux alinéas 2, 4 et 7 de l'article 115-1 du code de voirie routière de porter atteinte à son droit de propriété garanti par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ainsi qu'au principe de libre administration des collectivités territoriales posé par l'article 72 de la Constitution. La cour administrative d'appel de Nantes a ensuite transmis la question au Conseil d'Etat.

Les sociétés et la ministre de l'environnement, de l'énergie et de la mer soutiennent que la QPC de la commune d'Orléans est irrecevable car elle ne répond pas aux exigences de l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, en particulier en ce qu'elle ne présente pas de caractère sérieux.

La question qui se pose aux juges du Conseil d'Etat est donc de déterminer si la QPC soulevée par la commune d'Orléans affirmant son droit de propriété ainsi que le principe de libre administration présente un caractère sérieux.

A cette question, le Conseil d'Etat répond par la négative en indiquant que les dispositions litigieuses ne constituent par d'atteintes disproportionnées ni au droit de propriété de la commune ni au principe de libre administration. En effet, il estime possible de limiter les droits de la communauté de disposer librement de ses biens et de son administration dans un objectif d'intérêt général. En prime de ne pas être nouvelle, la question ne présente donc pas de caractère sérieux, ce qui amène le Conseil d'Etat à refuser de renvoyer la question proritaire de constitutionalité au Conseil constitutionnel.

Il convient donc d'éclairer le raisonnement juridique qui a motivé la décision du Conseil d'Etat en étayant les droits et libertés que la collectivité territoriale peut faire valoir dans le contexte d'une QPC (I) et d'apprécier le périmètre législatif et jurisprudentiel venant limiter l'exercice de ces droits (II).

I. La collectivité territoriale et la QPC

En vertu de l'article 23-1 et suivants de l'ordonnance du 7 novembre 1958, tout justiciable peut faire grief à une disposition législative qui « porte atteinte aux droits et libertés garantis par la Constitution ». Cette partie se centrera sur le droit de propriété et le principe de libre administration de la collectivité territoriale et l'invocation qui peut en être faite dans une question prioritaire de constitutionalité (A), avant de détailler les critères de recevabilité de la QPC posés par l'article 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958,  précisément les critères de caractère nouveau et sérieux (B).

A. Le droit de propriété et de libre administration

Ayant la personnalité morale depuis ???, les collectivités morales peuvent jouir de certains droits, dont plusieurs ont une valeur constitutionnelle. Parmi ceux-ci figure le droit de propriété : dans sa décision n° 86-207 DC du 26 juin 1986, le Conseil constitutionnel a affirmé que les dispositions de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 relatives au droit de la propriété et à sa protection concernaient aussi la propriété des personnes publique. A ce titre, les collectivités territoriales sont habilitées à faire valoir leur droit de propriété. Le principe de libre administration a lui été pour la première fois consacré dans sa décision n° 79-104 DC du 23 mai 1979 (Territoire de Nouvelle-Calédonie), puis le Conseil constitutionnel a reconnu implicitement dans sa décision du 2 juillet 2010 (Commune de Dunkerque) que le principe de libre administration des collectivités territoriales fait partie des droits et libertés garantis par la Constitution.

Les collectivités territoriales sont donc fondées à invoquer une violation de leur droit de propriété ainsi que de libre administration pour contester une loi. Cependant, la capacité de soulever une question prioritaire de constitutionalité se heurte à certaines conditions posées par la législation, en particulier les articles 23-3 et 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958 : le caractère nouveau ou sérieux que la question doit présenter.

B. « Nouveau » et « sérieux » : les exigences principales de la QPC

Selon les articles 23-2 et 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958, une QPC doit spécifiquement comporter trois caractéristiques : Elle doit être appliquable au litige en question, ne pas avoir déjà été déclarée conforme à la Constitution (23-2), et doit présenter un caractère nouveau ou sérieux. En l'espèce, la QPC était applicable au litige ; ce sont les conditions du « nouveau » et « sérieux » qui posent d'avantage de problèmes. En effet, c'est à cause de l'absence de ces caractéristiques dans la QPC, affirmée par le Conseil d'Etat, qui l'avait amené à refuser son renvoi au Conseil constitutionnel.

La question qui se pose en premier est celle du critère de nouveauté. Le terme « nouveau » est ici compris en deux sens qu'il faut distinguer. En son sens littéral, il signifie que la disposition législative contestée n'a jamais encore été examinée par le Conseil constitutionnel quant à sa conformité avec la Constitution. Cependant, il veut aussi dire que le Conseil d'Etat, dans sa qualité de 'juge du filtre' (selon l'art. 23-4 de l'ordonnance du 7 novembre 1958), n'a pas jugé opportun de transmettre la question à l'examen des juges constitutionnels.

Dans la décision en question, il semblerait que le Conseil d'Etat ait agi en application de la seconde pratique, car la conformité de l'article 115-1 du code de voirie routière à la Constitution n'a pas encore été analysée par le Conseil constitutionnel. Certes, une QPC portant sur l'article 115-1 du code de voirie routière avait déjà été amenée devant le Conseil d'Etat, mais il avait nié la necéssité de statuer sur la demande renvoi au motif que le requérant s'était désisté (Conseil d'État, 8ème et 3ème sous-sections réunies, 31/03/2014, 374855). La constitutionnalité de l'article 115-1 du code de voirie routière n'a donc pas encore été étudiée ; plutôt, c'est l'impression que le Conseil d'Etat ne voit pas grand intérêt à ce que cette question soit répondue qui se profile. C'est dans cette mesure qu'il a nié le caractère nouveau de la QPC soulevée par la commune d'Orléans.

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