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Message de Grévy aux chambres 6 février 1879

Commentaire de texte : Message de Grévy aux chambres 6 février 1879. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  2 Février 2020  •  Commentaire de texte  •  2 215 Mots (9 Pages)  •  913 Vues

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Jules Grévy est le premier républicain élu à la présidence de la République. Ennemi du pouvoir personnel, il se prononce en 1848 contre l’élection du chef de l’Etat au suffrage universel direct. Il est nommé commissaire de la République du Jura par le Gouvernement issu de la Révolution de 1848, puis élu député du département. Le 4 avril 1849, il est élu vice-président de l’Assemblée mais le coup d’état de Napoléon du 2 décembre 1851 met fin à ses fonctions, et redevient avocat. Dans les années 1868-1869, il redevient député et s’allie à Gambetta et Thiers dans l’opposition de la guerre de 1870 et dans la condamnation de l’insurrection de la Commune. Par la suite, il est élu Président de l’Assemblée Nationale, démissionne en 1873, et est réélu en 1876. Ce n’est que le 30 janvier 1879 que les députés et les sénateurs l’élisent, à la suite de la démission de Mac Mahon. Dans ce contexte, il décide d’adresser un message aux chambres le 6 février 1879, dans lequel il expose sa conception de la fonction présidentielle et entend réformer l’organisation des institutions de la IIIe République prévue par les lois constitutionnelles de 1875.

La IIIe République marque un point de départ du régime parlementaire en France, dicté par une collaboration entre le corps législatif et le corps exécutif, où chaque institution doit son pouvoir de l’approbation d’une autre. C’est alors que pour la première fois en France apparait la notion de Constitution, loi fondamentale fixant l’organisation et le fonctionnement d’un organisme, généralement un Etat, et ayant généralement une valeur supérieure à la loi, où se regroupent les lois constitutionnelles de 1875, régissant l’organisation du régime sous la IIIe République. Bien que ces lois prévoient un Président de la République puissant, afin de conserver la théorie monarchiste du pouvoir, le message que Jules Grévy adresse aux sénateurs, le 6 février 1879, bouleverse complètement l’organisation institutionnelle. En effet, il centre sa volonté au sein du corps législatif et entend réduire à néant la surpuissance exécutive, afin de tempérer les relations entre les pouvoirs publics. Cependant, son influence a pris une place d’une telle importance que l’on assiste à une pratique institutionnelle totalement inconnue des textes prévus pour la IIIe République.

De ce fait, dans quelles mesures le message de Grévy marque-t-il un tournant dans le régime politique de la IIIe République ?

S’il n’apparait que la Constitution Grévy marque un effacement progressif de l’exécutif (I), il n’en demeure pas moins que la pratique présente des dérives institutionnelles (II).

I. La « Constitution Grévy », effacement progressif de l’exécutif

La conception politique de Grévy a marqué les esprits d’une telle grandeur que Marcel Prélot surnomme ce phénomène la « Constitution Grévy », se caractérisant principalement par une méfiance envers l’exécutif, conduisant à l’affaiblissement des pouvoirs de la présidence.

A) La méfiance envers le Gouvernement

Jules Grévy exprime une méfiance importante vis-à-vis de l’exécutif. Souvent rallié au chef de l’Etat, le Gouvernement est parfois sujet à abuser de ses fonctions, au détriment de la volonté du peuple. Afin de remédier aux lacunes gouvernementales, Grévy exige que les ministres « s’inspirent des besoins réels, des vœux certains du pays, d’un esprit de progrès et d’apaisement ». Par là, il fait part de sa volonté que les institutions s’adaptent et se plient aux désirs du peuple, ce qui souligne le souhait d’établir la souveraineté du peuple. Grévy impose aussi au Gouvernement d’adopter une application libérale des lois ; il inspire ainsi à une politique davantage libérale et conservatrice de la Révolution. En effet, on sent que le nouveau Président de la République s’oppose à la guerre prévue en 1870 et que sa priorité repose sur le rétablissement de la paix. Dans cette lignée, il ordonne au Gouvernement de continuer à « entretenir et développer les bons rapports qui existent entre la France et les puissances étrangères » ; il centre son attention sur le grand souci français de la paix, notamment avec l’Allemagne durant l’épisode de la crise boulangiste. De plus, Grévy montre un sentiment de dépendance du Gouvernement vis-à-vis des autres institutions, puisqu’il adopte une « politique libérale et conservatrice », afin que les autres pouvoirs de la République soient réunis dans le but qu’ils « portent leurs fruits au Gouvernement ». Aux yeux du nouveau chef de l’Etat, les ministres semblent être donc incapables, à eux-seuls, de maintenir l’ordre et de préserver la paix au sein de la République française. En réalité, la méfiance de Grévy envers l’exécutif se justifie par la pratique : durant la IIIe République, la France sera gouvernée par 104 Gouvernements différents, ce qui témoigne d’une instabilité abondante, d’autant plus que ces gouvernements avaient une durée de vie moyenne de 6 mois. Afin d’éviter un effondrement de la politique française, Grévy place ce Gouvernement à la dépendance absolue du corps législatif, ce qui permet de maintenir bien difficilement les institutions mises en place. Si la puissance du Gouvernement perd la confiance de Jules Grévy, il n’est pas négligeable que le chef de l’Etat opte pour une mise en retrait de la présidence.

B) L’affaiblissement du chef de l’Etat

La déchéance de la puissance présidentielle a débuté bien avant le message de Grévy aux sénateurs. En effet, la crise du 16 mai 1877 a marqué un point de départ à cette chute progressive. En situation de cohabitation, le Gouvernement et le Président de la République, Mac Mahon à l’époque, optaient pour des idées opposées du régime parlementaire, ce qui a conduit à la démission du Gouvernement et ensuite à celle du chef de l’Etat. Le message de Grévy du 6 février 1879 n’a fait qu’accélérer le processus d’anéantissement du pouvoir présidentiel. La conception politique de Grévy se décentre énormément sur le Président. En effet, il commence par préciser que c’est l’Assemblée Nationale qui l’a élevé en tant que chef de l’Etat, et qu’elle lui impose des nouveaux devoirs. Derrière ces paroles, il justifie son pouvoir par l’autorisation des députés donnée pour accomplir ses missions. De plus, puisqu’il n’est pas élu au suffrage universel direct, il devient dépendant du corps législatif, atténuant davantage sa légitimité, et donc sa puissance. En effet, plus un Président

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