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La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, « instrument constitutionnel de l’ordre public européen » ?

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Par   •  23 Septembre 2021  •  Dissertation  •  1 862 Mots (8 Pages)  •  528 Vues

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La Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, « instrument constitutionnel de l’ordre public européen » ?

Signée le 4 novembre 1950 à Rome et entrée en vigueur trois ans plus tard, la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, communément dénommée Convention européenne des droits de l’homme, est aujourd’hui un élément essentiel du contrôle de conformité des normes issues des ordres juridiques des quarante-sept Etats l’ayant ratifiée. Depuis son premier arrêt en 1960, et par son interprétation extensive de la Convention,  la Cour européenne des droits de l’homme a considérablement développé le poids de cette dernière dans les ordres juridiques nationaux, où elle a acquis une valeur de référence juridique supra-législative à présent incontestée. La Cour est allée jusqu’à proclamer dans son arrêt du 23 mars 1995  Loizidou c. Turquie que la Convention est, de plein droit, un « instrument constitutionnel de l’ordre public européen ».

Cependant, peut-on véritablement considérer que la Convention est devenue, plus de cinquante ans après sa signature, une référence suprême des normes juridiques européennes de même valeur que les dispositions constitutionnelles des ordres juridiques nationaux ?

La Convention jouit aujourd’hui d’un statut qui tranche à bien des égards avec la portée relative et contingente des autres traités et accords internationaux, sans que ses conditions de rédaction et d’adoption n’aient pu le laisser présager (I). Sa place dans la hiérarchie des normes demeure néanmoins incertaine, reflétant l’inachèvement d’un « ordre public européen » encore en construction (II).

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La CEDH s’est imposée comme une norme de référence  de premier plan pour les juridictions nationales et européennes.                                                                        

Ainsi, la jurisprudence de la CEDH, volontariste, a hissé la Convention au rang des normes de références ayant une « signification particulière » (CJCE, 3 septembre 2008, Kadi).

En effet, bien que la Cour ait pris soin de rappeler qu’elle considère que « le mécanisme de sauvegarde instauré par la Convention revêt un caractère subsidiaire par rapport aux systèmes nationaux de garantie des droits de l’homme » (CEDH, 7 décembre 1976, Handyside c. Royaume-Uni),  elle n’en a pas moins forgé ses propres concepts et témoigné d’une grande autonomie dans l’interprétation de la Convention, faisant de cette dernière une référence de premier ordre bien au-delà des champs qu’elle aborde explicitement.

Se fondant sur l’article 53 de la Convention qui déclare qu’aucune de ses dispositions « ne sera interprétée comme limitant ou portant atteinte aux droits de l’Homme et aux libertés fondamentales qui pourraient être reconnues conformément aux lois de toute partie contractante ou à toute autre convention », la Cour en a fait une interprétation résolument ouverte.

En matière de droit à un procès équitable, l’article 6 de la Convention compte parmi les sources  d’inspiration les plus prolifiques de la Cour. Ainsi, elle en a dégagé le droit d’accès à un tribunal (CEDH, 21 février 1975, X c. Royaume-Uni) mais aussi le droit d’obtenir l’exécution d’une décision de quelque juridiction que ce soit, en tant que partie intégrante du procès, (CEDH, 26 septembre 1996, Di Pede c. Italie). De même, la Cour a jugé que la France avait violé l’article 3 de la Convention interdisant la torture et les peines ou traitements inhumains ou dégradants en maintenant pour une durée abusive une personne en détention provisoire (CEDH, 27 août 1992, Tomasi c. France).

En développant une jurisprudence aussi dynamique et précise, la Cour européenne des droits de l’homme a cherché à faire dépasser à la Convention le statut de simple source d’inspiration des systèmes nationaux de protection des droits fondamentaux, pour faire émerger un contrôle unifié du respect de ces droits, dont la Convention serait la norme de référence suprême.

Par ailleurs, Les juges nationaux et communautaires ont de leur côté accueilli très largement la CEDH et la jurisprudence de la Cour et modifié leurs droits internes en conséquence

On constate en effet, d’une manière générale, que la Cour européenne des droits de l’homme n’a pas entretenu avec les Etats de tension similaire en durée ou en intensité à celle qui sont nées entre la CJCE et les Etats membres, par exemple à propos de l’applicabilité directe des directives (cf. CE, 22 décembre 1978, Ministre de l’Intérieur c. Cohn-Bendit).

Les Etats se sont en effet rapidement pliés aux décisions de la Cour, pourtant simplement déclaratoires d’un point de vue formel (sauf pour les décisions individuelles ouvrant droit à une compensation pécuniaire), dans des domaines sensibles comme la dépénalisation de l’homosexualité en Irlande du Nord (CEDH, 22 octobre 1981, Dudgeon c. Royaume-Uni), ou très précis, comme dans le cas de la publicité des audiences (CEDH, 23 juin 1981, Le Compte, Van Leuven et De Meyere c. Belgique), la jurisprudence de la Cour faisant alors irruption dans les règles et les coutumes procédurales des Etats parties à la Convention.

La France n’a ratifié la Convention qu’en 1974 et ouvert le droit au recours individuel en 1981. Le premier arrêt visant la France quant à lui, rendu en 1986, sera d’ailleurs pour elle l’occasion d’adapter ses dispositions juridiques relatives au droit d’asile (CEDH, 18 décembre 1986, Bozano), domaine qui reste pour la France, l’un des sujets de contentieux les plus fréquents.

Le droit communautaire, quant à lui, a très rapidement fait une place de choix à la Convention. Ainsi, dès 1970, la Cour de Luxembourg considère que les droits proclamés dans la Convention font partie des principes généraux du droit communautaire (CJCE, 17 décembre 1970, Internationale Handelgesellschaft). La CJCE l’a réaffirmé dans l’arrêt Limburgse Vinyl Maatschappij du 15 octobre 2002.  Enfin, lorsque la CJUE a  été conduite à contrôler la conformité des actes de droit dérivé à la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne adoptée en 2000 (CJUE, 1er mars 2011, Association belge des consommateurs tests-achats), elle l’a fait à la lumière de la Convention européenne des droits de l’homme, citée par le traité de Maastricht (1992) comme l’une des garanties, pour le droit communautaire, des droits fondamentaux.

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