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L'émergence du principe général de responsabilité du fait des choses

TD : L'émergence du principe général de responsabilité du fait des choses. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  8 Mars 2016  •  TD  •  8 476 Mots (34 Pages)  •  847 Vues

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4ÈME  SÉANCE  –  LE FAIT DES CHOSES

I – 1er thème : L'émergence du principe général de responsabilité du fait des choses

        A ce stade, il faut mettre de côté l’ensemble des régimes spéciaux de responsabilité du fait des choses que l’on retrouvera ultérieurement pour se concentrer sur l’article 1384 alinéa 1er du Code civil et sur la construction édifiée par la jurisprudence à partir de ce texte.

        Le sort des victimes d’accidents entraînés par l’emploi de choses n’est pas totalement ignoré par les rédacteurs du Code civil. L’amélioration de leur condition s’est alors manifestée, à l’époque de la rédaction du Code civil, au moyen d’un procédé du droit de la preuve : la présomption.

        Elle permet à la victime de profiter d’un renversement du fardeau de la preuve. Ainsi, parce qu’il y a fait d’une chose, la responsabilité du gardien de cette chose va être, à certaines conditions, présumée. Et il s’agit alors de savoir dans quels cas existe cette présomption et de quelle manière celui sur qui elle pèse, va pouvoir se dégager.

        Les rédacteurs du Code civil n’avaient estimé nécessaire d’améliorer la situation de la victime que dans deux cas bien précis :

  • à propos des accidents causés par des animaux (1385) ;
  • à propos des accidents causés par la ruine d’un bâtiment (1386).

        Au premier alinéa de l’article 1384 du Code civil, figurait seulement une disposition de caractère général, ainsi rédigée : « On est responsable non seulement du dommage que l’on cause par son propre fait, mais encore de celui est  causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l’on a sous sa garde ». Dans l’esprit des rédacteurs du Code civil, il s’agissait là d’une  simple transition servant à annoncer les dispositions suivantes, relatives aux cas de responsabilité du fait d’autrui (art. 1384, al. 2 et s. ; on les verra au cours d’une séance ultérieure) et aux cas de responsabilité du fait des choses, spécialement prévus par les rédacteurs du Code civil (art. 1385 et 1386).

        Toute l’évolution jurisprudentielle a consisté, à partir du développement du machinisme et des accidents du fait des choses qui se sont alors multipliés, à améliorer la situation des victimes de dommages dont les causes étaient souvent inconnues.

        On tenta tout d’abord d’interpréter largement les exceptions figurant aux articles 1385 et 1386. Mais cela ne pouvait suffire. Et c’est dans ces conditions que, par l’arrêt Teffaine du 11 juin 1896, la jurisprudence a « inventé » au sujet de la responsabilité du fait des choses inanimées (s’agissant des animaux, il y avait l’art. 1385) un principe général de la responsabilité du fait des choses en le fondant sur l’article 1384, alinéa 1er du Code civil : « On est responsable… par le fait… des  choses que l’on a sous sa garde ». Par l’effet créateur de la jurisprudence,  cette  formule cessa ainsi d’avoir pour seul objet d’annoncer les articles 1385 et 1386. Elle devint le fondement d’un principe général de responsabilité du fait des choses.

        Là-dessus, la jurisprudence a édifié toute une construction. Plusieurs questions devaient en effet être résolues. Quels types de choses relevaient du principe général de responsabilité du fait des choses d’abord : Tous les choses  inanimmées ? Seulement celles dotées d’un dynamisme propre ou d’un vice interne ? Seules les choses mobilières ? Mais encore et surtout quelle était la nature de la présomption pesant sur le gardien : présomption de faute ou de responsabilité ?  L’enjeu est fondamental.  Dans le premier cas, le gardien peut s’exonérer en prouvant son absence de faute ; dans le second, il ne peut s’exonérer que par la preuve d’une cause étrangère.

        Le débat a été intense en doctrine. La jurisprudence n’a été fixée que par l’arrêt Jand’heur des Chambres réunies du 13 février 1930. Cet arrêt est essentiel et sans doute le plus célèbre de tout le droit de la responsabilité.

  • Il permet tout d’abord d’affirmer la généralité de l’article 1384 al. 1er, évitant la casuistique selon que la chose était ou non dirigée par la main de l’homme, atteinte d’un vice propre ou non, dangereuse ou non… Selon cet arrêt, « il n’est pas nécessaire que la chose ait un vice inhérent à sa nature et susceptible de causer un dommage, l’article 1384 al. 1er rattachant la responsabilité à la garde de la chose et non à la chose elle-même ». Ainsi, pour l’application de la présomption qu’elle édicte, la loi ne distingue pas suivant que la chose qui a causé le dommage était ou non actionnée par la main de l’homme.
  •  Il a également pour intérêt d’affirmer que l’article 1384 al. 1er pose une présomption de responsabilité.

Document 1 : Ch. réunies, 13 février 1930, arrêt Jand’heur

  • Faits : En l'espèce, le 22 avril 1926, un camion automobile appartenant à une société a renversé et blessé une enfant mineur. La responsabilité du conducteur est alors recherchée sur le fondement de la responsabilité du fait des choses de l'article 1384 alinéa 1er du Code civil.

  • Procédure : La Cour d'appel refuse d'appliquer ce fondement au motif que l'accident causé par une automobile en mouvement sous l'impulsion et la direction de l'homme ne constituait pas, alors qu'aucune preuve n'existait qu'il soit dû à un vice propre de la voiture, le fait de la chose que l'on a sous sa garde au sens de l'article 1384 alinéa 1er, et que dès lors la victime devait prouver une faute du conducteur pour engager sa responsabilité. La victime se pourvoie en cassation.
  • Question de droit : Le requêrant qui souhaite engager la responsabilité du gardien de la chose en mouvement au moment du dommage doit-il prouver la faute de celui-ci ?
  • Solution de la CCass : La Cour de cassation casse et annule l'arrêt rendu en appel en faisant peser sur le gardien une « présomption de responsabilité » qui « ne peut être détruite que par la preuve d'un cas fortuit ou de force majeure ou d'une cause étrangère qui ne lui soit pas imputable » et qu'il « ne suffit pas de prouver qu'il n'a commis aucune faute ou que la cause du fait dommageable est demeurée inconnu ». Ainsi, c'est une responsabilité de plein droit qui pèse sur le gardien de la chose. Peu importe que la chose ait été viciée ou non, l'article 1384 alinéa 1er se rattachant à la garde de la chose et non à la chose elle-même, le requêrant ne devra pas prouver que le gardien a commis une faute mais simplement qu'il était le gardien de la chose au moment du dommage pour engager sa responsabilité.

Cet arrêt doit être connu et bien connu. La suite s’ordonne à partir de lui.

II – 2ème theme : la notion de garde  - usage, controle,direction.

        Pour être applicable, l’article 1384 al. 1er requiert un dommage causé par une chose, et un gardien de la chose sur qui pèsera la responsabilité. La garde est la notion centrale, comme l’a montré l’arrêt Jand’heur : c’est dans la notion de garde  que le principe de la responsabilité du fait des choses trouve son fondement.

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