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En quoi la Ve République permet-elle l'exercice de la souveraineté nationale ?

Dissertation : En quoi la Ve République permet-elle l'exercice de la souveraineté nationale ?. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  14 Mars 2021  •  Dissertation  •  4 026 Mots (17 Pages)  •  617 Vues

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DEFRUIT, Antoine        Droit constitutionnel        Examen final

Examen final : « En quoi le régime de la Ve République

permet-il l’exercice de la souveraineté nationale ? »

        « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation (…) », rappelle l’article 3 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789 (DDHC). Cette règle est donc, en principe, au cœur de tout régime politique en France.

        Selon Jean Bodin dans Les Six Livres de la République (1576), la souveraineté est « la puissance absolue et perpétuelle d’une République ». Concrètement, cela correspond au pouvoir de faire et d’abroger la loi. Toutefois, pour Jean Bodin, cette souveraineté est et doit être entre les mains du Roi. Les auteurs des Lumières remettent en question ce principe. Parmi eux, Jean-Jacques Rousseau défend, dans Du contrat social (1762), que le peuple est le seul détenteur légitime de la souveraineté. Idéalement, cela signifierait qu’il prendrait part directement à toutes les décisions liées à la vie politique du pays, sur le modèle du référendum par exemple. Or, comme l’explique Montesquieu dans De l’Esprit des lois (1748), les contraintes géographiques et techniques liées, entre autres facteurs, à l’étendue des Etats modernes, rend cela impossible. Il faut donc que le peuple ait des représentants qui puissent s’exprimer en son nom. Si l’on suit la philosophie rousseauiste d’une souveraineté populaire, ces représentants devraient être soumis à un mandat impératif. Mais cela viendrait contredire un autre courant qui s’affirme à peine plus tardivement, sous l’influence d’auteurs comme l’abbé Sieyès dans Qu’est-ce que le Tiers-Etat (1789). Ce dernier vient légitimer le principe de la souveraineté nationale, en expliquant que la nation ne se limite pas aux membres du peuple actuellement vivants, mais s’étend aussi à ceux qui sont morts et à naître, et englobe un certain nombre de principes. La nation, plus grande que le peuple, a besoin d’être incarnée par des représentants libres d’agir comme ils l’entendent, selon un mandat représentatif.

        La Ve République, instituée en France par la Constitution du 4 octobre 1958 pour faire face à la crise liée à la décolonisation de l’Algérie et aux problèmes endémiques de la IVe République, ne renie ni la pensée rousseauiste, ni celle de l’abbé Sieyès. D’une certaine manière, elle rend caduque le clivage entre souveraineté nationale et populaire. En effet, l’alinéa 1er de l’article 3 sa Constitution réaffirme que « La souveraineté nationale appartient au peuple », tout en expliquant que ce dernier peut l’exercer directement « par la voie du référendum » ou indirectement « par ses représentants », qui ne sont pas soumis à un mandat impératif. La Ve République est donc une démocratie représentative, car elle répond aux quatre critères énoncés par Bernard Manin dans Principes du gouvernement représentatif (1995) : l’élection régulière des dirigeants, le mandat représentatif et non impératif, la liberté d’opinion des gouvernés, la délibération préalable à toute décision. Le respect de la souveraineté nationale est ainsi au cœur de la Ve République, mais plus encore, il continue à guider les évolutions du régime : en 2008, une révision constitutionnelle introduisait ainsi de nouveaux moyens pour les citoyens de prendre part à la vie politique du pays.

        Cependant, la démocratie représentative sous la Ve République est soumise à de nombreuses critiques, selon lesquelles elle ne permettrait pas le plein exercice de la souveraineté nationale. En effet, son système électoral et partisan est largement imparfait : de nombreux éléments, du mode de scrutin aux progrès restants à faire en termes de moralisation de la vie politique, agrandissent le sentiment d’un manque de représentativité des institutions du régime. En outre, certaines tendances institutionnelles, à l’image de ce qu’Edouard Lambert va jusqu’à qualifier de « gouvernement des juges » dans Le gouvernement des juges et la lutte contre la législation sociale aux Etats-Unis (2007), aggravent les inquiétudes.

        Ainsi émerge une interrogation. Au regard de l’article 3 de la DDHC, comment la Ve République respecte-t-elle le principe de souveraineté nationale ?

        Pour répondre à cette question, nous étudierons de quelle façon la souveraineté nationale se fait à la fois le fondement et le corollaire de la Ve République (I), et ce, même si son exercice est soumis à des défis croissants (II).

  1. La souveraineté nationale, fondement et corollaire de la Ve République

Tout d’abord, non seulement le référendum et les élections, au cœur de la Constitution de 1958, sont les garants originels de la souveraineté nationale (A), mais la révision constitutionnelle de 2008 apporte de nouveaux outils pour renforcer cet état de fait (B).

  1. Le référendum et les élections, garants originels de la souveraineté nationale

En effet, la Constitution, dès son adoption en 1958, prévoit des moyens pour le peuple d’exercer sa souveraineté. C’est bien lui qui détient le pouvoir constituant, c’est-à-dire qu’il peut édicter le texte qui est suprême au sein de la hiérarchie des normes, comme l’expliquait déjà Hans Kelsen dans sa Théorie pure du droit (1936). Le peuple exerce directement cette prérogative, par la voie du référendum. Ce moyen prévaut tant pour l’exercice du pouvoir constituant originaire, comme l’illustre l’adoption par référendum de la Constitution de la Ve République, que pour le pouvoir constituant dérivé, comme le montre l’article 89 de la Constitution. Ce dernier détaille la procédure de révision du texte constitutionnel, et le référendum, aux côtés du vote à la majorité des trois cinquièmes du Parlement réuni en Congrès, est l’un des deux moyens pour approuver une révision constitutionnelle. Il faut également noter que d’autres moyens ont été utilisés pour permettre l’exercice de la souveraineté nationale par le référendum. En 1962, afin de modifier la Constitution pour instaurer l’élection au suffrage universel direct du Président de la République, le général de Gaulle utilise l’article 11 de la Constitution, qui lui permet de « soumettre à référendum tout projet de loi portant sur l’organisation des pouvoirs publics (…) ». Cette décision est sujette à débat, l’article utilisé n’étant à l’origine pas prévu pour l’exercice du pouvoir constituant dérivé, et provoquera même l’adoption d’une motion de censure contre le gouvernement de Georges Pompidou, le 4 octobre 1962. Toutefois, elle illustre bien la place centrale du peuple dans les institutions.

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