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Dissertation - le droit à la vie

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Par   •  12 Février 2019  •  Dissertation  •  4 500 Mots (18 Pages)  •  1 347 Vues

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Le droit à la vie

        « L’inviolabilité de la vie humaine est le droit des droits » (Actes et Paroles, 1876). Par ces mots, Victor Hugo préfigurait ce qui sera inscrit dans Droit par le juge européen un siècle plus tard, à savoir que le droit à la vie est un droit « sans lequel la jouissance des autres droits et libertés garantis par la Convention serait illusoires » (Pretty c/ Royaume-Uni, 2002). Le droit à la vie, protégé par les sources supérieures que sont les traités internationaux et la Constitution, fait partie de ce fait des droits fondamentaux. La CEDH, qui reconnait dans ce même arrêt Pretty le « caractère sacré de la vie » considère à ce titre que le « droit à la vie constitue un attribut inaliénable de la personne humaine ». En ce sens, le droit à la vie pourrait être entendu par certains comme un droit naturel, c’est-à-dire inhérent à la nature humaine.

A la différence de la liberté, le droit est créé par l’ordre juridique ou par l’Etat. Il suppose l’existence de deux acteurs au minimum : le titulaire du droit et le débiteur de l’obligation. C’est dans le but de protéger les individus contre l’Etat souverain, qui disposait du droit de vie et de mort sur ses sujets, que le droit à la vie a été reconnu historiquement, même si les textes internationaux ne prétendaient pas remettre en cause la peine de mort. En effet, quand il émergea dans les années 1950, le droit à la vie s’entendait comme le droit de ne pas être tué. Après les atrocités commises pendant la Deuxième guerre mondiale, la primauté de ce droit se traduisait par sa place dans les grands textes internationaux (en particulier aux articles 3 de la DUDH et 6 du PIDCP) et européens. Cependant, dans la théorie comme dans la pratique, le droit à la vie ne peut être qualifié d’absolu. L’article 2 de la CEDH prévoit ainsi expressément les cas où les Etats peuvent déroger à leur obligation de protéger la vie.

Si le droit de toute personne est d'abord celui d'exister, de ne pas être tuée intentionnellement, ce droit à la vie peut entrer en conflit avec celui d’une autre personne, il peut aussi se heurter à d’autres droits jugés aussi fondamentaux. D’autre part, ce qui à l’origine semblait aller de soi et pouvoir se passer de définition donne lieu aujourd’hui à des débats éthiques et juridiques. Les progrès de la biomédecine conduisent à s’interroger sur le sens des mots (qu’est-ce que la vie, quand commence-t-elle, quand finit-elle ?) et sur la maitrise qu’un individu peut avoir sur sa propre vie et sur celle d’autrui. Sur ce point, les interprétations diffèrent, malgré la relative convergence des textes internationaux dans la protection stricte du droit à la vie, comme « valeur suprême dans l’échelle des droits de l’Homme » (arrêt AFFAIRE STRELETZ, KESSLER ET KRENZ c. ALLEMAGNE, 2001) Depuis une époque récente, la jurisprudence admet l’élargissement du champ couvert par le droit à la vie.  Initialement conçu comme un droit vertical, le droit à la vie suit la tendance générale à l’horizontalisation des droits en s’immisçant dans les relations interindividuelles. Enfin les juges nationaux et européens doivent désormais faire face à des revendications qui soulèvent des questions éthiques majeures, telles que le droit à l’avortement ou à l’euthanasie; le droit à la vie est invoqué y compris pour défendre un droit de ne plus vivre, un droit à la mort.

        Le droit à la vie, concurrencé par d’autres droits fondamentaux, est-il en train de se relativiser ?

À l’origine, la puissance publique était la seule garante du droit à la vie et en maîtrisait les exceptions. Aujourd’hui, la portée juridique du droit à la vie a été renforcée, par l’élargissement de son champ d’application et par les obligations positives qu’il impose désormais aux Etats. (I) Mais les débats éthiques relatifs au commencement et à la fin de la vie le mettent aujourd’hui en concurrence avec d’autres principes fondamentaux. (II)

I. L’application maîtrisée par l’Etat du droit à la vie comme droit indérogeable

A. Les exceptions du droit à la vie garantes de sa primauté

         « Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi », affirme l’article 2 de la CEDH, c'est-à-dire que l’Etat en est le garant et que l’interdiction d’infliger intentionnellement la mort s’impose en premier lieu à l’Etat lui-même. Mais les rédacteurs de l’article 2 ont fait preuve de réalisme en ne faisant pas de ce droit un absolu. Ils ont estimé que le principe du droit à la vie serait d’autant mieux affirmé que seraient énumérées les restrictions qui peuvent lui être apportées. Dans les années 1950, de nombreux Etats n’étaient pas prêts, par exemple, à renoncer à la peine de mort. La première restriction, immédiatement mentionnée dans le premier § de l’article 2, est donc celle de la peine capitale « prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi ». Cette dérogation consentie à l’Etat est, depuis, tombée en désuétude dans la plupart des pays européens, sous l’effet des campagnes abolitionnistes menées au nom du droit à la vie. La phrase du §1 a été remplacée par le protocole additionnel n°6 à la CEDH du 28 avril 1983, qui  prévoit  l’abolition de la peine de mort en temps de paix. Le protocole n°13 de 2002, qui étend cette abolition de la peine capitale en toutes circonstances et plus seulement en temps de paix, a été ratifié par tous les Etats du Conseil de l’Europe à l’exception de la Russie et de l’Azerbaïdjan.

Outre cette exception de la peine capitale devenue inopérante, l’article 2 dresse la liste des autres circonstances dans lesquelles l’Etat peut déroger à l’interdiction d’infliger la mort. Il s’agit des cas où le recours à la force s’avère « absolument nécessaire » : « (a) pour assurer la défense de toute personne contre la violence illégale ; (b) pour effectuer une arrestation régulière ou pour empêcher l'évasion d'une personne régulièrement détenue ; (c) pour réprimer, conformément à la loi, une émeute ou une insurrection ».

        L’article 2 ne donne cependant pas carte blanche aux forces de l’ordre, même dans ces circonstances. La jurisprudence interprète en effet ces exceptions dans un sens étroit.  L’arrêt rendu le 5 septembre 1995 dans l’affaire Mc Cann contre Royaume-Uni insiste ainsi sur le caractère « absolument nécessaire » du recours à la force, la nécessité étant ici interprétée dans un sens plus strict que pour d’autres articles de la Convention. « La force utilisée doit, en particulier, être strictement proportionnée aux buts mentionnés au paragraphe 2 a), b) et c) de l’article » ajoute cet arrêt. Elle doit être organisée, s’inscrire dans un cadre légal et utiliser les moyens et les armes adéquates. D’autre part, comme de nombreux arrêts ultérieurs, l’arrêt Mc Cann impose aux Etats une obligation d’enquêter a posteriori sur les décès ayant pu survenir en violation de l’article 2 : « L’obligation de protéger le droit à la vie (…) implique, et exige, de mener une forme d’enquête efficace lorsque le recours à la force, notamment par des agents de l’État, a entraîné mort d’homme ». L’affaire Mc Cann concernait le décès de trois membres de l’IRA abattus dans la rue par des militaires britanniques à Gibraltar, parce que soupçonnés d’être sur le point de déclencher une bombe à distance. La Cour a conclu à la violation de l’article 2, au motif que l’opération aurait pu être organisée et contrôlée de manière à épargner la vie aux suspects.

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