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Comparaison des deux grands modèles historiques de contrôle de constitutionnalité des lois.

Dissertation : Comparaison des deux grands modèles historiques de contrôle de constitutionnalité des lois.. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  1 Novembre 2016  •  Dissertation  •  3 510 Mots (15 Pages)  •  3 230 Vues

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Joseph Aspiro

Proposition de correction pour le thème sur la justice constitutionnelle

Sujet : Comparez les deux grands modèles historiques de contrôle de constitutionnalité des lois.

        La Constitution, c’est à la fois l’œuvre du constituant et des juges habilités à l’interpréter. L’évolution du constitutionnalisme en témoigne, qui est passé d’une conception exclusivement textuelle de la Constitution à une conception faisant, à l’image de Charles Eisenmann dans sa thèse de 1928, une place prépondérante à l’œuvre jurisprudentielle non seulement pour contrôler le respect de la Constitution, mais encore pour dire ce qu’elle est de manière évolutive. La Constitution, un texte vivant rendu intelligible par les juges, voici une définition minimale certes, mais commune aux modèles de justice constitutionnelle qui, chacun à leur manière, remplissent les missions qui leur sont assignées. Mais, ces modèles, bien que différents dans leur développement, résultent de sources doctrinales concordantes que l’on peut schématiquement attribuer au constitutionnalisme libéral qui, combiné avec la séparation des pouvoirs, visent à contrôler le pouvoir dans son étendue et dans ses modalités d’exercice. Les différences de ces modèles ont été formalisés plus tard, à la fin du XIXe et au début du XXe siècle, et résultent de contextes d’organisation juridictionnelle et de rapports au pouvoir différents en Europe et aux Etats-Unis. Comparer implique, dans cette optique, de comprendre ces distinctions entre les modèles et de faire le constat de leur dépassement progressif à la fois par leur rapprochement technique et par leurs questionnements communs sur le rôle de la justice constitutionnelle. Avant cela, il convient de rappeler que l’idée d’une telle justice est plus ancienne que le constitutionnalisme libéral qui a théorisé cette exigence et l’a rendu indissociable d’une démocratie, à tel point qu’on parle de démocratie constitutionnelle.

        De fait, l'institution d'organes juridictionnels suprêmes pour veiller à la constitutionnalité et à la légalité n'est pas une découverte des États modernes. La Grèce antique appliquait le principe fondamental selon lequel le règlement, indépendamment de son contenu, ne devait pas être en contradiction avec le « nomos », à savoir la loi, ni dans sa forme ni dans son contenu. En cas de :contrariété du premier avec le second, cela avait pour conséquence d’une part d’engager la responsabilité pénale du législateur qui a proposé un tel texte, d’autre part de considérer comme nulle et non avenue ledit texte. De même encore, dans l'ancien Empire germanique, les organes juridictionnels de l'époque statuaient surtout à propos de litiges portant sur la compétence entre les détenteurs du pouvoir, mais aussi partiellement sur les violations des droits. Le contrôle de la constitutionnalité des lois est apparu sous diverses formes tout au long de l'histoire du droit allemand, avant d'être introduit par la Constitution de Weimar.

        Les modèles dont il est question se différencient des exemples que l’on vient de voir par leur caractère d’idéal type à suivre, de paradigme caractérisé par des traits spécifiques, à la fois contentieux et de fond. L’héritage de ces modèles explique que la justice constitutionnelle a existé avant l’institution de ces modèles, dits américain et européen. Et la formulation du sujet laisse à penser que la justice constitutionnelle survit à ces modèles « historiques », donc à certains égards dépassés. Ces idéaux types ont été formés avec l’arrêt Marbury de 1803 pour les Etats-Unis et avec la création de la Cour constitutionnelle autrichienne en 1920 sur recommandation de Kelsen pour le modèle européen. Pour les besoins de la démonstration, il faut donc partir de ces moments charnière pour comprendre l’évolution ultérieure.

La question qui se pose est alors double. D’une part, l’on est amené à se demander si les spécificités techniques de chaque modèle de contrôle de constitutionnalité sont réductibles à la justice constitutionnelle. En effet, on peut penser que la justice constitutionnelle poursuit des objectifs plus larges que cette modélisation historique (XIXe et XXe siècle) de deux idéaux types, notamment la protection des droits fondamentaux. D’autre part, on se demande si l’appréhension de modèles de justice constitutionnelle est opératoire pour expliquer les défis de la justice constitutionnelle. ON se proposera, modestement, de tenter de s’affranchir des modèles pour redéfinir une nouvelle typologie de justice constitutionnelle. C’est que la distinction des modèles est historique et fondatrice (I), mais que la nécessité se fait jour d’établir une nouvelle typologie de justice constitutionnelle (II).

I. Une distinction fondatrice entre les modèles européen et américain

L’opposition traditionnelle entre les modèles est connue ; il s’agit d’une opposition tant institutionnelle que substantielle (A). Mais ces distinctions historiques sont à nuancer (B).

A. Une opposition institutionnelle et substantielle

 L’opposition est, en premier lieu, institutionnelle. Alors que dans le modèle américain le contrôle de constitutionnalité appartient à tout juge des Etats-Unis, qu’il soit dans un État fédéral ou fédéré, le modèle kelsennien suppose une spécialisation de l’instance chargée du contrôle de constitutionnalité des lois. La différence institutionnelle s’observe donc s’agissant du contentieux de la constitutionnalité des lois et pas sur l’ensemble du contentieux constitutionnel. Pour expliquer cette différence institutionnelle, le modèle américain met en avant l’effectivité du contrôle de constitutionnalité, accessible à tous les justiciables et à tous moments. Au contraire, le modèle kelsennien fait valoir la sécurité juridique et l’uniformité du droit d’un État. En effet la contrepartie de l’effectivité du contrôle de constitutionnalité aux Etats-Unis réside dans la possibilité donnée à tout juge de déclarer un texte contraire à la Constitution, alors que le modèle européen permet d’assurer une unité d’interprétation en la matière. Néanmoins cette opposition doit être nuancée puisque la Cour suprême américaine, par son rôle unificateur, tranche les conflits de jurisprudence.

L’opposition est, en second lieu, substantielle. En effet, le contrôle de constitutionnalité s’exerce a priori s’agissant du modèle européen, même si Kelsen ne préconisait pas nécessairement le moment du contrôle, alors que dans le modèle américain il s’exerce une fois la loi promulguée. Ceci entraîne deux conséquences. D’une part, au plan des modalités de contrôle, le modèle européen ne permet qu’un contrôle abstrait des normes, à savoir que la loi est appréciée par elle-même par rapport à la Constitution, et non pas à l’occasion d’un litige concret. La question de constitutionnalité, dans le modèle européen tel qu’il a été théorisé par Kelsen, est donc centrale et pas subsidiaire. En revanche, dans le modèle américain, la question de constitutionnalité est incidente, et ne se pose que si elle est absolument nécessaire à la résolution du litige. Elle ne se résout qu’en référence aux données factuelles de l’espèce.

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