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Commentaire de l'avis du Conseil d'Etat du 21 mars 2011

Commentaire d'arrêt : Commentaire de l'avis du Conseil d'Etat du 21 mars 2011. Recherche parmi 298 000+ dissertations

Par   •  8 Novembre 2020  •  Commentaire d'arrêt  •  1 932 Mots (8 Pages)  •  1 022 Vues

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TD n°4 : Droit administratif

Document 3 : C.E., Avis, 21 mars 2011 :

Cet avis rendu par le Conseil d’Etat, datant du 21 mars 2011, est l’illustration de l’évolution de sa position concernant l’invocabilité d’une directive, non transposée par l’Etat dans le délai imparti, à l’appui d’un recours contre un acte administratif individuel.

En effet, le Conseil d’Etat a longtemps estimé que les directives étaient dépourvues d’effets directs à l’égard des administrés et que, dès lors, les recours exclusivement fondés sur l’incompatibilité d’une décision individuelle aux objectifs d’une directive étaient irrecevables. Son arrêt d’assemblée du 22 décembre 1978 dit Cohn-Bendit témoigne de sa position. Pourtant cette dernière était contraire à celle de la Cour de justice des communautés européennes, exprimée dans l’arrêt Van Duyn du 4 décembre 1974 qui affirme que les directives dont le contenu est suffisamment précis et inconditionnel sont invocables par les particuliers dès lors que leur délai de transposition est expiré.

Le Conseil d’Etat dans un premier temps, tout en refusant de revenir sur sa jurisprudence Cohn-Bendit, a rendu des arrêts permettant de la contourner dans certains cas (arrêt d’assemblée du 30 octobre 1996 Cabinet Revert et Badelon, arrêt d’assemblée du 6 février 1998 Tête et Association de sauvegarde de l’ouest lyonnais). Puis, de par la complexité des solutions de ces arrêts qui se rapprochaient de la jurisprudence Van Duyn, le Conseil d’Etat est revenu sur sa position initiale. Il le fait d’abord par son arrêt d’assemblée du 30 octobre 2009 Perreux dans lequel il reconnaît l’invocabilité par un justiciable de dispositions précises et inconditionnelles d’une directive non transposée à temps par l’Etat, à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif. Toutefois en l’espèce la disposition invoquée dans l’arrêt n’était pas inconditionnelle.

C’est ainsi que le Conseil d’Etat par son avis du 21 mars 2011, MM. J et T. soumis à notre étude, affirme définitivement le principe d’invocabilité d’une directive, non transposée par l’Etat dans le délai imparti, à l’appui d’un recours contre un acte administratif individuel.

En l’espèce, la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 relative aux normes et procédures communes applicables dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier (directive retour) devait être transposée en droit français avant le 24 décembre 2010. Or, ses dispositions étaient toujours en cours d’examen devant le Parlement français en mars 2011. Le Tribunal administratif de Montreuil fut saisi de deux demandes d’annulation d’arrêtés de reconduite à la frontière, demandes invoquant la directive retour, en janvier et février 2011 alors que ladite directive n’était toujours pas transposée en droit interne malgré l’expiration du délai imparti. Le Tribunal administratif décide alors de surseoir à statuer afin de transmettre les dossiers de ces requêtes pour avis au Conseil d’Etat, conformément à l’article L.113-1 du Code de justice administrative.

Ce faisant, il pose deux questions : la première concerne le caractère précis et inconditionnel et par suite l’invocabilité directe en droit interne, en l’absence de transposition par le législateur, des articles 7 et 8 de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 ; la seconde est posée en ces termes : « lorsque la décision ordonnant la reconduite à la frontière d’un étranger ne prévoit pas le délai approprié pour le départ de l’intéressé, les dispositions du II de l’article L. 511-1 du Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (CESEDA) qui ne prévoient aucun délai sont-elles compatibles avec les stipulations des articles 7 et 8 de la directive retour ? ».

Le Conseil d’Etat, par cet avis, répond en confirmant que les articles concernés de la "directive retour" sont à présent d'effet direct, et en déclarant incompatibles avec cette directive les dispositions du Code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui ne prévoient pas un délai de retour volontaire dans les décisions de reconduite à la frontière.

Il confirme ce faisant le principe, évoqué dans son arrêt Perreux, selon lequel un administré peut se prévaloir, à l’appui d’un recours dirigé contre un acte administratif non réglementaire, de dispositions précise et inconditionnelle d’une directive lorsque l’Etat n’a pas pris dans les délais impartis les mesures de transpositions nécessaires. En effet, après avoir rappelé l’obligation constitutionnelle (art. 88-1 de la Constitution) et conventionnelle (Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne) que constitue la transposition en droit interne des directives communautaires, le Conseil d’Etat affirme que c’est au juge national de garantir l’effectivité des droits que toutes personne possède à l’égard des autorités publiques. Or ici, la directive de 2008 n’a toujours pas été transposée en droit interne par l’Etat malgré l’expiration du délai de transposition, et le Conseil d’Etat affirme le caractère précis et inconditionnel des articles 7 et 8 de cette directive. Ainsi, un justiciable peut faire valoir auprès du juge national l’incompatibilité d’un acte individuel, ici un arrêté de reconduite, aux dispositions de ladite directive pour appuyer son recours contre l’acte en question. Cela implique notamment que l’expiration du délai de transposition emporte l’entrée en vigueur des directives en droit interne.

Il s’agira d’évoquer la confirmation par cet avis du Conseil d’Etat de l’effective l’application des directives européennes en droit interne en l’absence de transposition législative (I), puis de démontrer l’alignement du Conseil d’Etat sur les jurisprudences de la Cour de Justice de l’Union Européenne traitant des conditions d’invocabilité des directives contre un acte individuel et l’impact sur ces conditions de la marge d’appréciation laissée aux Etats pour appliquer ces directives (II).

I/ Un avis confirmant l’application des directives européennes en droit interne en l’absence de transposition législative.

Le Conseil d’Etat commence par rappeler l’obligation constitutionnelle et conventionnelle que constitue la transposition des directives communautaires en droit interne (A), afin de justifier le fait que l’expiration du délai de transposition emporte l’entrée en vigueur des directives en droit interne et engage la responsabilité de l’Etat (B).

  1. L’obligation constitutionnelle et conventionnelle de transposition en droit interne des directives communautaires.

- « La transposition en droit interne des directives communautaires, qui est une obligation résultant du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, revêt, en outre, en vertu de l’article 88-1 de la Constitution, le caractère d’une obligation constitutionnelle ».

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