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Commentaire d'arrêt vilgrain 27 février 1996

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Par   •  24 Février 2018  •  Commentaire de texte  •  2 244 Mots (9 Pages)  •  4 978 Vues

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Cass. com., 27 février 1996, n° 94-11.241, Vilgrain

« Il n'est pas de société sans organe de direction, pas plus qu'il n'est d'Etat sans pouvoir exécutif » Maurice Cozian, spécialiste en droit des sociétés.

En effet, le dirigeant est celui qui est placé à la tête de la société pour la gérer, contrôler sa gestion ou la présider. Il est le représentant légal la société à l'égard des tiers, il peut agir en justice en son nom et représente la société dans tous ses actes matériels et juridiques. Sa qualité de dirigeant lui confère donc des pouvoirs mais il est également soumis à un devoir de loyauté à l’égard des associés de la société qu’il représente. Ce devoir est posé par la jurisprudence, c’est d’ailleurs l’arrêt de principe sur la question qui fera l’objet de la présente étude.

En effet, l’arrêt de rejet rendu par la chambre commerciale de la Cour de cassation le 27 février 1996 est un arrêt fondamental connu sous le nom de l’arrêt Vilgrain, publié au bulletin rejet.

En l’espèce, une actionnaire a vendu ses titres sociaux 3 000 francs l’unité au dirigeant de la société et, par son intermédiaire, à d’autres acheteurs pour lesquels ce dirigeant s’était porté fort. En cas de revente de ses actions dans les 2 années qui suivaient, une clause prévoyait le reversement de 50% du montant dépassant 3 500 francs à la cédante initiale. C’est effectivement ce qu’il s’est passé ; 4 jours plus tard, les cessionnaires revendaient leurs titres sociaux à une société tiers pour le prix de 8 800 francs par action. Lorsque cette vente a été portée à sa connaissance, la cédante initiale a assigné les auteurs de la transaction en justice, considérant avoir été victime d’un consentement vicié par une réticence dolosive. Elle souhaitait donc obtenir la réparation de son préjudice. La Cour d’appel a répondu favorablement à sa demande, considérant qu’il y avait lieu de caractériser la réticence dolosive intégralement reconnue à l’encontre du dirigeant cessionnaire. Ce dernier a entendu contester l’arrêt rendu par la Cour d’appel en formant un pourvoi en cassation. Il estimait en effet qu’aucune obligation d’information tenant aux négociations entreprises ne pesait sur lui à l’égard de la cédante, d’autant qu’elle était convenablement assistée pour recueillir l’information par ses propres moyens. Enfin, il reproche à la Cour d’appel de l’avoir également condamné pour l’ensemble des actions cédées et non pas seulement à celles qu’il avait personnellement acquises.

Le cessionnaire de titres sociaux d’une société dont il est dirigeant est-il tenu d’informer la cédante des négociations qu’il a entrepris afin de revendre ces actions à un prix supérieur à celui auquel l’actionnaire initiale les a cédé ? L’est-il également concernant des actions cédées à des tiers dont il s’est porté fort, qui ont également entrepris ce genre de négociations ?

La haute juridiction, dans cette célèbre décision, donne raison à la Cour d’appel et rejette le pourvoi.

Ce cas spécial de consentement vicié (I) a été l’occasion, pour la jurisprudence, d’ériger un principe consacré depuis (II).

        I. Un cas spécial de consentement vicié

En l’espèce, la reconnaissance du dol est surprenante aux vues de la nature commerciale des faits (A), mais cela s’explique par la volonté de sanctionner sévèrement un dirigeant de société indélicat (B).

A. La reconnaissance du dol surprenante en droit des affaires

La cédante est conseillée par un expert juridique (avocat) qui, pour voir cette action annulée entend faire reconnaître le consentement de cession des titres sociaux comme vicié. Conscient qu'il ne peut pas se prévaloir de l'erreur ni de la violence caractérisant un consentement vicié, elle se fonde donc sur le dol passif qu’est la réticence dolosive, reconnue au même titre que le dol depuis l’arrêt de la 3è chambre civile de la Cour de cassation le 15 janvier 1971 n°69-12180.

En effet, ce dol ne se fonde pas sur des "manoeuvres" ou "mensonges" évoqués au nouvel article article 1137 du Code civil, mais sur la réticence ; sinon, le silence fautif, que la Cour d’appel entend inclure dans le champs d'application des articles relatifs au dol entraînant les mêmes conséquences.

Il est établi que les négociations entreprises par le cessionnaire, dirigeant de la société, ainsi que les cessionnaires tiers pour lesquels ce dirigeant s’est porté fort, en vue de revendre les actions à un prix supérieur à celui auquel la cédante initiale a vendu ses actions n’étaient pas connues de cette dernière.

Mais, comme il en est fait mention dans le second moyen, la défenderesse au pourvoi bénéficiait d’une clause en sa faveur, lui garantissant 50% du montant excédant le prix unitaire de 3 500 francs en cas de revente des titres cédés dans une période de 2 ans. Outre le fait que cette transaction offrait à la cédante le luxe de voir ses titres achetés sans qu’elle n’ait réellement à s’en préoccuper elle-même, que la somme de 3 000 francs par action lui était assurée, elle profitait également d’un pourcentage considérable de 50% sur les plus-values de ces actions en cas de revente éventuelle dans les 2 années consécutives à la cession. Le demandeur évoque aussi l’assistance dont la cédante bénéficiait ; entourée de spécialistes en droit des affaires, il estime  que son manque d’information aurait pu être aisément comblé par la publicité de la constitution groupement d’intérêt économique en vue de coordonner les études d’aménagement et de répartitions des frais. Autant de garanties en faveur de la cédante qui rendent surprenante la décision de la Cour d’appel, soutenue par la Cour de cassation. Ces deux juridictions considèrent que si la cédante avait été informée, elle n'aurait sûrement pas contracté comme elle l'a fait aux vues de la différence de prix considérable entre le montant auquel la cédante a vendu ses actions au cessionnaire et celui auquel ce dernier les a revendu.

Cette décision paraît surprenante car la valeur ne tient pas, en l’espèce à une qualité substantielle des titres sociaux ignorée du vendeur. Les affaires sont les affaires et non des exercices de charité, la cédante n’avait qu’à s’informer.

Cette sévère solution s’explique par la qualité de dirigeant du cessionnaire qui devait, à ce titre, respecter son devoir de loyauté envers les associés de la société qu’il représente.

B. Une sanction sévère rattachée à la qualité de dirigeant

Les juges ont retenu l’existence d’une réticence dolosive de la part du dirigeant, chargé par l’associée de trouver un acquéreur à ses titres, pour avoir acquis lui même lesdits titres, sans informer l’associée des négociations menées parallèlement avec un autre acquéreur, en vue de les revendre à un prix supérieur. Le demandeur conteste : devenu titulaire des titres, il estime que les négociations menées en vue de revendre ces actions ne concerne plus la cédante. Cette opération n’est ni plus ni moins que le cours normal de la vie des affaires. De plus, cette décision a été rendue antérieurement à l’arrêt Baldus du 3 mai 2000 n°98-11381 où la Cour de cassation a considéré qu’aucune obligation d’information ne pesait sur l’acquéreur (solution contredite depuis). Il en découle qu’aucune obligation d’information établie ne pesait sur le cessionnaire au moment du litige étudié. Cet argument qui constitue le premier moyen du demandeur est rejeté par la haute juridiction qui soutien la Cour d’appel en ce qu’elle considère que cette information devait être portée à la connaissance de la cédante en vertu du devoir de loyauté qui lie le dirigeant aux associés d’une société ; elle le condamne à réparer les préjudices causés par l’ensemble des titres sociaux cédés.

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